Retour

imprimer l'article Imprimer

VENDRE - Conseils de pros

Comment se préserver des escroqueries

Chantal Sarrazin - La vigne - n°239 - février 2012 - page 64

En 2011, les gendarmeries de Champagne-Ardenne ont traité 49 cas d'escroquerie signalés par des vignerons de la région. Un préjudice estimé à 70 000 euros au total. Voici comment éviter de se faire piéger.

1. Méfiez-vous des faux professionnels

« L'usurpation d'identité d'importateurs britanniques ayant pignon sur rue, c'est la dernière escroquerie en date », avertit Michel Blanc. Les criminels identifient leurs coordonnées, ils enregistrent une adresse mail qui ressemble à celle de l'entreprise et s'en servent pour contacter les vignerons. Ils passent commande par mail en demandant un délai de paiement de trente jours. Lorsqu'ils téléphonent, ils utilisent un portable. Une fois les vins expédiés, ils disparaissent.

Autre exemple d'arnaque : « Des individus endossent l'étoffe d'un courtier travaillant pour un bureau connu à l'étranger, indique Nicolas Weimer. Ils versent un acompte minimal et garantissent le solde à une échéance donnée. Puis ils font enlever le vin et le revendent rapidement. Ils ne règlent jamais les échéances prévues. »

En France, des personnes se présentent dans les domaines viticoles comme cavistes, restaurateurs ou importateurs. Elles fournissent des documents (carte de visite, plaquette…), demandent un échantillon de la gamme, puis revendent les vins ou se constituent une cave gratuitement.

Plusieurs indices peuvent vous alerter des mauvaises intentions d'un inconnu. Par exemple, la personne commande du vin sans le déguster, sans demander d'échantillons ou sans négocier les prix. Pour justifier un tel comportement, elle dit vous avoir repéré sur le « Guide Hachette ». Faites aussi attention aux commandes urgentes portant sur des quantités importantes. « Des soi-disant professionnels commandent une première palette pour appâter le vigneron, précise Laurent Brault. Ils demandent à ne pas payer d'avance. Trois semaines avant l'échéance de paiement, ils rappellent en prétendant que les vins font un tabac et qu'ils ont besoin de quatre ou cinq palettes d'urgence. Le vigneron les adresse et n'est jamais réglé. »

2. Vérifiez l'identité de vos interlocuteurs

Dans le cas d'une commande par mail, fax ou courrier, prenez le temps de vous rendre sur le site internet de l'acheteur afin de comparer les coordonnées que vous avez sous les yeux à celles figurant sur le site. Vérifiez que l'adresse électronique qui vous a été fournie est bien identique ou du moins construite sur le même modèle que celle de la société.

N'hésitez pas à contacter directement l'entreprise pour vous assurer de l'identité et de l'existence du donneur d'ordre. Si vous avez rencontré la personne, assurez-vous de la réalité de son entreprise sur les pages jaunes ou internet. Vérifiez que l'adresse postale utilisée est bien celle du siège social de l'entreprise ou de l'une de ses succursales.

3. Soyez curieux, posez des questions

Devant un nouvel acheteur, engagez la discussion. Comment vous a-t-il connu ? Quel type de vins cherche-t-il ? Dans quelle gamme de prix ? De quel profil gustatif ? À quel type de clientèle s'adresse-t-il ? Avec quels autres vignerons travaille-t-il ? « Ces questions permettent d'évaluer la fiabilité de son interlocuteur », souligne Laurent Brault.

4. Exigez le paiement d'avance

Quand une nouvelle société vous passe commande, demandez à être intégralement payé avant de l'expédier. « Faites-vous confirmer par votre banque que le paiement a bien été effectué, quitte à faire patienter le client un week-end », conseille Nicolas Weimer. Attention aux confirmations officielles de virement qui vous sont transmises : ces documents se falsifient facilement. Ne communiquez jamais vos coordonnées bancaires sans avoir authentifié l'acheteur.

5. Prenez garde aux faux annuaires

Des sociétés domiciliées en Espagne, au Mexique ou dans les pays de l'Est proposent aux vignerons une insertion sur des annuaires internet. Apparemment, c'est gratuit. Sauf que ce n'est pas le cas. Les clauses, écrites en tout petit, stipulent qu'il s'agit de publicités payantes et que le contrat court sur trois ans ! Vous vous faites ensuite harceler pour payer.

Ne cédez pas, même si l'on vous propose un arrangement. « D'autres escrocs démarchent systématiquement les vignerons présents sur les salons, Vinisud, Vinexpo…, en leur envoyant des formulaires qui ressemblent à des inscriptions au catalogue officiel de ces salons », explique Michel Blanc. Vérifiez bien avant de signer !

6. Renseignez-vous et faites circuler l'info

Si vous êtes victime, informez-en vos collègues, vos syndicats, votre interprofession, la mission économique du pays concerné s'il s'agit d'une escroquerie montée par un étranger… Vous pouvez aussi porter plainte à la gendarmerie. Il faut faire circuler l'information, car cela aide à démasquer les escrocs ! Réciproquement, n'hésitez pas à vous informer. Plusieurs organismes peuvent vous être utiles. Les assurances-crédit surveillent les entreprises pour repérer celles qui ne paient pas. En revanche, elles ne débusquent pas les escrocs qui usurpent l'identité d'entreprises connues. Si vous suspectez une entreprise étrangère d'arnaques, vous pouvez aussi contacter la Sopexa ou les missions économiques d'Ubifrance. Demandez à votre syndicat s'il connaît l'entreprise. « Bien souvent, nos adhérents nous font remonter leurs mésaventures avec des escrocs », indique Michel Blanc.

Le Point de vue de

Paul Jeune, vigneron à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse)

« J'ai frôlé l'escroquerie »

Paul Jeune, vigneron à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse)

Paul Jeune, vigneron à Châteauneuf-du-Pape (Vaucluse)

« Je suis devenu méfiant à l'égard des demandes que je reçois par internet. J'ai en effet été victime d'un escroc qui m'avait passé une importante commande via internet. Elle devait être exportée en Grande-Bretagne. Au moment de l'enlèvement, le transporteur nous a alertés. L'adresse de livraison avait été changée en dernière minute. Il avait déjà été confronté à ce type de situation et l'expédition ne lui avait jamais été réglée. La Coface, auprès de laquelle je suis assuré, m'avait pourtant donné son feu vert. Car l'individu, qui avait effectué l'ordre d'achat, prétendait travailler pour une entreprise connue. Nous avons téléphoné à cette dernière. Elle ne connaissait pas cette personne. Après coup, la compagnie d'assurance nous a reproché de ne pas nous être renseignés sur son identité. Selon moi, c'est plutôt à elle de s'en occuper. Devant les risques d'imbroglio, je suis plus prudent vis-à-vis des personnes qui me contactent par internet. Il convient de mener son enquête en contactant son syndicat, ses confrères, d'établir un contact téléphonique avec l'acheteur… C'est difficile. Par exemble, des Chinois m'ont commandé du vin via internet et je n'ai jamais rencontré de difficulté de paiement. »

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

Nicolas Weimer

Nicolas Weimer, capitaine et officier de communication de la région de gendarmerie de Champagne-Ardenne.

Michel Blanc

Michel Blanc, directeur de la fédération des syndicats de producteurs de l'AOC Châteauneuf-du-Pape.

Laurent Brault

 © J.-M. SICOT

© J.-M. SICOT

Laurent Brault, chargé de mission auprès des Vignerons indépendants de France.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :