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AU COEUR DU MÉTIER

Dans la Marne, chez Géraldine Lacourte et Richard Desvignes « Pour financer la reprise, nous valorisons mieux »

Florence Bal - La vigne - n°241 - avril 2012 - page 30

Géraldine Lacourte et Richard Desvignes se sont lourdement endettés pour s'installer. Afin de rembourser leurs emprunts, ils valorisent davantage leurs champagnes. Et ils vont quitter leur coopérative pour les vinifier eux-mêmes.
JEAN-GUY ET CLAUDINE LACOURTE (à gauche) ont transmis leur domaine à leur fille Géraldine et à son compagnon Richard le 24 juillet 2008. Jean-Guy est retraité depuis fin 2007, Claudine depuis 2008. Retirés de la gestion du domaine, ils donnent volontiers un coup de main si nécessaire. PHOTOS F. BAL

JEAN-GUY ET CLAUDINE LACOURTE (à gauche) ont transmis leur domaine à leur fille Géraldine et à son compagnon Richard le 24 juillet 2008. Jean-Guy est retraité depuis fin 2007, Claudine depuis 2008. Retirés de la gestion du domaine, ils donnent volontiers un coup de main si nécessaire. PHOTOS F. BAL

FIN DE MATINÉE DE TAILLE pour Jocelyne, Sébastien et Nicolas, les trois employés du domaine. Richard et Géraldine les jugent « fiables et autonomes ». Grâce à eux, ils peuvent se concentrer sur le commerce. Ici, Jocelyne en profite pour ôter les capsules de confusion sexuelle de la campagne précédente. Le domaine, tout comme l'ensemble du village, a opté pour cette méthode de lutte contre les tordeuses.

FIN DE MATINÉE DE TAILLE pour Jocelyne, Sébastien et Nicolas, les trois employés du domaine. Richard et Géraldine les jugent « fiables et autonomes ». Grâce à eux, ils peuvent se concentrer sur le commerce. Ici, Jocelyne en profite pour ôter les capsules de confusion sexuelle de la campagne précédente. Le domaine, tout comme l'ensemble du village, a opté pour cette méthode de lutte contre les tordeuses.

Richard Desvignes vérifie son matériel avant les premiers travaux du sol de printemps.

Richard Desvignes vérifie son matériel avant les premiers travaux du sol de printemps.

C'est une transmission tardive mais rondement menée. Le 24 juillet 2008, Géraldine Lacourte et son compagnon Richard Desvignes ont repris le champagne Lacourte-Godbillon, le domaine familial à Écueil (Marne), dans la montagne de Reims. Avant cela, tous deux avaient été employés près de dix ans dans des multinationales. Géraldine avait travaillé six ans en Allemagne au service marketing d'un grand groupe.

Sitôt leur nouvelle orientation décidée, en 2006-2007, ils suivent une formation à la reprise d'une exploitation. De leur côté, les parents de Géraldine transforment leur EARL en SCEV qui comprend le capital d'exploitation, les bâtiments, le matériel et trois années de stock, soit environ 200 000 bouteilles. Cette société loue les terres qui appartiennent à la famille, après transmission des baux ruraux.

Un domaine sain et bien géré

Les parents réalisent une donation-partage entre leurs deux filles. Toutes deux reçoivent 25 % des parts de la société, à charge pour Géraldine de verser une soulte à sa sœur pour lui racheter sa part. Dans le même temps, Géraldine et Richard créent une société civile qui rachète 40 % des parts de la SCEV. Les parents conservent les 10 % restants. Le jeune couple emprunte pour financer la reprise. Jean-Pierre Rouffet, leur « super » conseiller de gestion du CDER de Reims, a orchestré l'affaire. Avec lui, ils ont réalisé un audit de la SCEV, déterminé la valeur des parts et étudié de manière approfondie la rentabilité de leur projet.

À l'arrivée du jeune couple, le domaine cultive 8 ha. Il est adhérent à la coopérative du village qui assure le pressurage et la vinification. Il récupère 70 % de sa récolte sous forme de vins clairs pour les champagniser, les élever et les stocker. Il vend en direct six champagnes, soit 58 000 bouteilles. Il réserve 15 % de sa production au négoce, livré en vins clairs et récupère les 15 % restants, en bouteilles, pour les revendre sur lattes. Le domaine est sain et bien géré.

« Notre priorité était de vendre davantage en bouteilles et de mieux valoriser la production afin de rembourser nos emprunts », souligne Géraldine. En 2007, le couple modifie tous les habillages. Écussons et dorures cèdent la place à « un design luxueux » : des coiffes argentées, des étiquettes sobres et contemporaines, un papier et des matières de qualité. Géraldine et Richard créent trois nouvelles cuvées pour répondre à une demande : une cuvée prestige dénommée Vanité, un blanc de blanc et un extrabrut non dosé. Ces champagnes plaisent bien et sont vendus 15 % plus chers que le brut d'entrée de gamme.

Géraldine et Richard refont le site internet et créent une boutique en ligne avec paiement sécurisé. En 2010, ils démarrent la prospection à l'export en participant à deux salons organisés par Ubifrance et le Syndicat des vignerons de Champagne. Brut, leur cuvée principale, décroche trois étoiles au guide Hachette 2011. Le retour est « impressionnant : le soir de la sortie du guide, nous aurions pu vendre toute notre production, commentent-ils. Mais ce n'était pas notre but ».

Aujourd'hui, le prix moyen de vente hors taxe se situe à 12,15 euros le col, soit 10 % plus cher que la moyenne champenoise. Ils vendent 71 000 bouteilles, dont les trois quarts aux particuliers. Leur cuvée Brut concerne 65 % de ces ventes, contre 85 % au départ. Et ils vendent déjà 20 % de leurs bouteilles à l'étranger.

« Nous bénéficions des choix judicieux de mon père qui a toujours privilégié un long vieillissement, continue Géraldine. Nous ne commercialisons le brut qu'après trente mois (au lieu de quinze minimum selon la réglementation) et nous vendons actuellement le millésime 2004, alors que trois ans seulement sont obligatoires. »

Le couple construit cette année un bâtiment de 400 m2 pour vinifier sa récolte, agrandir l'espace de stockage et installer un vrai caveau d'accueil. L'investissement était planifié pour 2011. Mais il a dû être retardé suite à l'achat imprévu de 53 ares de vigne lors de la transmission des baux. 2013 sera leur première vendange de récoltants-manipulants. Ils auront alors réalisé leur projet de quitter la cave coopérative et d'élaborer leurs champagnes de A à Z, « exception faite de 5 % que nous réservons au négoce ». Cela leur donnera davantage de crédibilité auprès des acheteurs professionnels, notamment à l'export. Ils pourront encore mieux valoriser leurs vins. Une belle satisfaction pour ce couple qui a contracté des emprunts jusqu'à sa retraite.

« Nous reprendrions plus tôt »

« Nous avons repris à 35 ans. Nous avons alors dû mettre les bouchées doubles pour nous former, étoffer notre clientèle, construire une cuverie, une salle de pressurage et un caveau d'accueil. Si nous avions repris plus tôt, nous aurions été moins pressés.

Mais notre situation a tout de même des avantages. Notre expérience commerciale dans des multinationales est notre force pour développer les ventes et les relations clients. C'est également un plus d'avoir été nous-mêmes salariés. Nous nous mettons plus facilement à la place de nos employés.

Nous leur avons facilité la tâche par l'achat de sécateurs électriques. Nous les motivons par un plan d'épargne entreprise. Nous aurions aussi dû commencer à démarcher à l'export dès notre arrivée et ne pas attendre 2010 comme nous l'avons fait, d'autant que nous parlons plusieurs langues.

Car ce sont ces marchés qui offrent les perspectives de valorisation et de croissance les plus intéressantes. »

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L'EXPLOITATION

Main-d'œuvre : le couple plus trois employés.

Surface : 8 hectares.

Appellations : Champagne premier cru, Champagne.

Encépagement : pinot noir et chardonnay.

Taille : cordon de royat et chablis.

Plantation : 8 000 pieds/ha.

Production : 100 000 kg/an.

Les ventes directes

75 000 bouteilles.

Huit champagnes premiers crus.

De 20,90 à 31,70 euros TTC, prix consommateurs.

Les ventes au négoce

5 % de la récolte.

Prix : 5,55 €/kg.

Les résultats

CA 2011 : 900 000 euros HT.

L'essentiel de l'offre

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