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GÉRER - LA CHRONIQUE JURIDIQUE

La procédure d'expropriation fait l'objet d'un contrôle strict

Jacques Lachaud - La vigne - n°246 - octobre 2012 - page 76

Le Conseil constitutionnel vient de confirmer que la procédure d'expropriation est bien constitutionnelle parce qu'elle offre au citoyen plusieurs voies de recours. On peut attaquer la déclaration d'utilité publique et l'acte d'expropriation.

L'expropriation tient compte d'un principe essentiel de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, à savoir : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité » (article 17). Dans le cadre d'une procédure d'expropriation, c'est d'abord le préfet qui agit sur requête de l'expropriant. Après enquête publique, il décide (ou non) qu'il s'agit bien d'une opération d'utilité publique. Pour cela, il prend une déclaration d'utilité publique (DUP) : cet acte marque la phase préliminaire de l'expropriation.

La DUP est suivie d'un arrêté de cessibilité qui détermine exactement le bien objet de l'expropriation. Ces deux actes administratifs sont transmis au pouvoir judiciaire, à savoir le juge de l'expropriation, qui dépend du tribunal de grande instance. Ce magistrat est là pour vérifier la régularité de l'expropriation. C'est lui qui la prononce et fixe l'indemnité revenant à l'exproprié.

Le juge statue en l'absence des parties

Pour prononcer l'expropriation, ce juge rend une ordonnance. C'est elle qui marque le transfert de propriété. Le juge de l'expropriation statue en l'absence des parties et son ordonnance n'est pas susceptible d'appel mais uniquement d'un pourvoi.

Dans une affaire jugée le 15 mars 2012, l'exproprié a fait valoir que cette ordonnance rendue sans débat contradictoire était incompatible avec la Déclaration des droits de l'homme de 1789. Il a soutenu l'inconstitutionnalité de l'article 12-1 du code de l'expropriation.

La Cour de cassation a posé la question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel. Celui-ci a répondu que l'article soumis était bien conforme à la Constitution, car les droits du justiciable étaient préservés du fait que la procédure d'expropriation est susceptible de plusieurs voies de recours. Par exemple, il est possible d'attaquer la DUP et l'arrêté de cessibilité devant la juridiction administrative.

Que se passe-t-il si l'exproprié formule un pourvoi contre l'ordonnance d'expropriation et que ce pourvoi est rejeté ? A priori, l'expropriation semble définitive. Mais si, parallèlement, le justiciable a intenté un recours administratif contre la DUP et que ce dernier abouti à annuler la DUP, le support essentiel de l'ordonnance s'effondre juridiquement.

Pour tenir compte de ce risque, la loi prévoit qu'en cas d'annulation de la DUP ou de l'arrêté de cessibilité, l'ordonnance d'expropriation doit être annulée quand bien même le pourvoi initialement intenté contre l'expropriation elle-même a été rejeté. Un décret du 13 mai 2005 précise que, dans ce cas, le bien exproprié doit être rendu à son propriétaire « sauf s'il n'est pas en l'état d'être restitué »... Un arrêt du 5 octobre 2011 a précisé l'expression. Un exproprié avait obtenu l'annulation de l'ordonnance d'expropriation le concernant. Il sollicitait la restitution de son bien. L'administration s'y opposait, offrant simplement des dommages et intérêts. La cour d'appel, sans autre précision, a fait droit aux dires de l'administration. Elle a été censurée par la Cour de cassation, laquelle a estimé que les juges du fond auraient dû rechercher les éléments de fait s'opposant à cette restitution. En l'occurrence, l'exproprié démontrait que les travaux venaient seulement de débuter. Il aurait donc pu récupérer son bien pratiquement en l'état...

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

RÉFÉRENCES :

Cour de cassation, troisième chambre civile, du 5 octobre 2011, n°10-30121

Cour de cassation, troisième chambre civile, du 15 mars 2012, n°11-23308

Cour de cassation, troisième chambre civile, du 15 mars 2012, n°11-23323

Conseil constitutionnel du 16 mai 2012, n°2012-247 QPC

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