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DOSSIER - LES NÉOVIGNERONS : Audacieux et inventifs

Trois régions au fort pouvoir d'attraction

P. T., C. Sa., F. E. - La vigne - n°247 - novembre 2012 - page 48

À l'exception du Nord-Est de la France, tous les vignobles voient régulièrement de nouveaux arrivants s'installer. Le point sur les mouvements récents dans trois régions particulièrement prisées, où le foncier reste accessible.

ANJOU-SAUMUR : Le temps des microvignerons

En appellation Anjou, une vigne de dix à vingt ans affiche un prix compris entre 10 000 et 15 000 €/ha. Un coût raisonnable au regard des statistiques nationales. Le ticket d'entrée n'étant pas trop élevé, la région attire des jeunes avec très peu de moyens. Souhaitant travailler seuls, ils se lancent sur de toutes petites surfaces. Aucune statistique ne les recense, « mais le phénomène se développe », indique une observatrice du vignoble.

Ces microvignerons s'installent sur un ou deux hectares, très souvent en bio. Ils ont pour modèle des vignerons bios qui sont devenus des figures du vignoble comme Mark Angeli, René Mosse, Jo Pithon ou Richard Leroy. Ces derniers les aident d'ailleurs à se lancer. Ils leur prêtent du matériel ou hébergent leur récolte, avec l'accord des douanes.

Beaucoup des nouveaux arrivants ne sont pas du sérail. Quelques-uns sont ouvrier s dans un domaine, à l'image de Damien Bureau, salarié au clos de l'Élu, à Saint-Aubinde-Luigné (Maine-et-Loire). Il exploite pour son compte 1,5 ha en chenin et pineau d'aunis. « J'espère pouvoir pousser à 3 ha, investir dans une cave d'ici deux ans et m'installer », expose le salarié vigneron, qui vend déjà ses bouteilles à des restaurants, des cavistes parisiens et des particuliers.

« L'installation sur un ou deux hectares, c'est très bien, mais ces petites exploitations auront peut-être besoin de se développer, tout comme les exploitations déjà bien implantées, souligne Olivier Brault, viticulteur siégeant à la Safer. Quelle que soit la surface, le vigneron doit être un professionnel avec une vision de chef d'entreprise. »

À côté de ces jeunes qui partent de rien ou presque, d'autres s'installent sur des propriétés entières. Un mouvement qui se produit dans la douceur et qu'il est difficile de quantier car seules les installations aidées sont comptabilisées.

VALLÉE DU RHÔNE : Toutes sortes d'affaires

Dans les côtes du Rhône méridionales, une dizaine de domaines sont rachetés par des investisseurs extérieurs chaque année. La plupart se négocient entre 1 et 5 millions d'euros pour des superficies comprise entre 5 et 20 ha. « Le volume d'affaires est relativement constant », déclare Michel Veyrier, gérant de Vignobles investissement.

Des opérations plus significatives ont eu lieu au cours des trois dernières années. « En 2009, Pierre Deltin, propriétaire de laboratoires d'analyses médicales, a racheté le château Malijay, dans le Vaucluse, et ses 130 ha de vignes au groupe Vranken », signale José Canadas, gérant de l'agence Lord and Sons.

L'an passé, un Néerlandais s'est emparé du château Val Joanis, dans le Lubéron, 186 ha de vignoble et un somptueux jardin. La même année, Vincent Moreau, qui a fait carrière dans l'exploitation des minéraux et déjà propriétaire du domaine Galuval, 24 ha à Cairanne (Vaucluse), a mis la main sur le château de Ruth, 120 ha à Sainte-Cécile-les-Vignes (Vaucluse).

Tous ces investisseurs sont attirés par le bon rapport qualité prix des vignes et le potentiel œnologique de la région. Quelques-uns misent sur l'œnotourisme. En 2011, Benoît Baudry, ex-agent d'assurance, a ainsi fait l'acquisition, du domaine de Cabasse, à Séguret (Vaucluse). L'exploitation comprend 20 ha de vignes, un restaurant et un hôtel que le néovigneron a déjà agrandi.

Les négociants rhodaniens entrent aussi dans la danse car ils veulent sécuriser leurs approvisionnements. Guillaume Ryckwaert, directeur de Rapahël Michel, a récemment fait l'acquisition de trois vignobles.

Même les Chinois s'y mettent. Mi-septembre, Li Zhao a acheté le domaine Bouche, 35 ha à Camaret-sur-Aigues (Vaucluse). Michel Bouche, qui n'avait pas de successeur, a trouvé là un investisseur prêt à développer l'affaire qu'il a créée et à vendre ses vins en Chine. Mioctobre, il se murmurait qu'un autre Chinois allait bientôt arriver.

Le vignoble passe-temps

C'est donc une nouvelle tendance qui se dessine. L'intérêt pour des vignobles de 5 à 6 ha, dont il est assez aisé de commercialiser la production. Michel Veyrier a baptisé le phénomène « hobby vineyard », le vignoble passe-temps. Le célèbre homme d'affaires François Pinault y a déjà cédé.

L'an passé, il s'est offert Château-Grillet, un mythe des côtes du Rhône septentrionales. Ce vignoble de 2,5 ha produit, à lui tout seul, l'appellation du même nom. Montant de la transaction : 7 à 8 millions d'euros selon les estimations de professionnels de la vente de domaine viticoles. La viticulture, un passe-temps qui n'a pas de prix ?

ROUSSILLON : Cap sur la vallée de l'Agly

Dans les Pyrénées-Orientales, la vallée de l'Agly ne manque pas d'atouts : un foncier à un prix accessible, des vendeurs, des vieilles vignes, des paysages magnifiques, un climat favorable au bio… et, surtout, d'excellents terroirs !

« Les gneiss dominent à Caramany, les arènes granitiques à Lesquerde et les argilo-calcaires à Tautavel », détaille Jacques Paloc, de l'Inao de Perpignan (Pyrénées-Orientales). Dans les années quatre-vingt-dix, il a eu à cœur de faire connaître leur potentiel et a sollicité des découvreurs de terroir comme Michel Chapoutier, qui s'est installé à Latour-de-France. Puis d'autres pionniers, comme Hervé Bizeul et Gérard Gauby, ont aussi montré la voie, tant sur le plan de la qualité que sur celui de la valorisation.

Notoriété internationale

En 1999, l'achat du mas Amiel par Olivier Decelle, à l'époque PDG de l'entreprise Picard, marque les esprits. Des Bordelais et des Bourguignons lui emboîtent le pas. Certains, comme Jean-Luc Thunevin, s'associent à des vignerons locaux, tout en mobilisant leurs réseaux commerciaux. Quelques vins bien notés par Robert Parker contribuent au développement de la notoriété internationale de la vallée. Des vignerons des États-Unis, du Mexique ou d'Afrique du Sud investissent alors dans ce coin du Roussillon.

« Nous avons aussi vu arriver des jeunes avec moins de moyens. Après s'être formés dans plusieurs pays, ils ont eu un coup de cœur pour cette vallée », explique Christelle Alengry, de la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales.

Le dernier gros investisseur, Dave Finney, un winemaker de la Napa Valley, a racheté 150 ha en 2009. Il vend tous ses vins sur le marché américain.

Si certains ont bien réussi, d'autres sont repartis déçus. « Ils avaient sous-évalué l'impact de la sécheresse sur les rendements et les coûts », note la conseillère.

Malgré cela, la vallée de l'Agly reste attractive. Ces dernières années, c'est là que se sont déroulées les deux tiers des installations des Pyrénées-Orientales. Des vignerons de tout le Roussillon viennent s'y établir. « La valorisation des vins progresse. Elle n'est pas encore suffisante, mais nous sommes sur la bonne voie », affirme Jacques Paloc.

Cet article fait partie du dossier LES NÉOVIGNERONS : Audacieux et inventifs

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