Les néovignerons ont la cote. Le portrait qu'en dressent les professionnels qui les côtoient est plutôt flatteur. La période de l'apprenti vigneron baba cool étant révolue, ils sont considérés comme des gens curieux, sérieux et sachant s'entourer. Leur ouverture d'esprit et leur exigence de qualité facilitent leur intégration. Les arrivants gagnent vite le respect de leurs voisins qui trouvent même leur présence stimulante.
Leur passé, un atout
Car les néovignerons n'arrivent pas de nulle part. Ils ont un passé dont ils font le plus souvent un atout. Leurs compétences en marketing et leur dynamisme commercial sont reconnus. Pour autant, ils ne sont pas assurés du succès. « Il faut dix ans pour faire un très bon vin et se constituer un réseau de vente », rappelle Jean-Philippe Granier, chargé de communication au Syndicat des coteaux du Languedoc. « Certains ont dû retourner à leur ancien métier », observe de son côté René Bernard, de l'ODG côtes de Provence.
L'échec de quelques-uns n'entame pas la très bonne image dont ils jouissent en général. Ils font partie du paysage. Mieux, ils l'embellissent. « En Provence, ils ont boosté l'œnotourisme », ajoute René Bernard. « Ils sont la preuve du dynamisme de notre appellation », confie Guilhem Viau, président du Syndicat des vignerons du Pic Saint-Loup. « C'est une force inouïe », conclut-il, enthousiaste.
Le Point de vue de
Stéphanie Prabonnaud, œnologue au cabinet Natoli, à Saint-Clément-de-Rivière (Hérault)
« Ils comprennent vite »
« Ce sont des passionnés qui, au début, vivent le métier comme une aventure. Ce n'est qu'ensuite qu'ils se rendent compte de sa complexié et de la charge de travail. Mais ils comprennent vite. Ceux qui arrivent avec des moyens sont parfois regardés avec méfiance. Ceux qui en ont moins demandent plus volontiers conseil et s'intègrent mieux. On passe en général beaucoup de temps avec les néovignerons la première année. Puis ils deviennent rapidement autonomes. Si certains négligent l'aspect commercial et rencontrent assez vite des difficultés, la majorité sait vendre. Ils ont un réseau pour cela. Ils ont aussi envie de communiquer pour faire connaître leur appellation. Dans les terrasses du Larzac, ils sont dynamiques sur ce plan-là. »
Le Point de vue de
Florian Reyne, responsable du service technique de l'ODG Bordeaux et Bordeaux supérieur (Gironde)
« Ils tirent la profession vers le haut »
« Les néovignerons n'ont pas hérité. Ils arrivent donc sans préjugé et ils ont tout à construire. Leur objectif est de faire un vin de passionné et le vendre. Ils sont très ouverts et se tiennent bien informés. Sur le plan technique, ils sont particulièrement à l'écoute des conseils et s'adaptent vite. Ils peuvent même se montrer très exigeants vis-à-vis de leurs consultants. Souvent très compétents et inventifs en matière de commerce et de marketing, ils n'hésitent pas à faire parler d'eux. Ils sont également très à l'aise avec la partie administrative et réglementaire. Ils portent des projets différents qui tirent la profession vers le haut. Et ils peuvent faire preuve de beaucoup de volonté et d'énergie. »
Le Point de vue de
Françoise Ollier, cogérante du domaine Ollier Taillefer, à Fos (Hérault)
« Ils arrivent avec humilité »
« En cinq ans, cinq vignerons débutants se sont installés sur l'AOC Faugères. Ils sont arrivés avec humilité, apportant du sang neuf à notre appellation. Ils n'ont pas cherché à tout nous apprendre, comme la génération précédente le faisait parfois. Ils sont très bien intégrés. L'une d'entre eux participe activement à la vie du syndicat.
Un autre, pourtant arrivé avec de gros moyens, s'est lui aussi fondu dans le collectif. Nous entretenons de très bons rapports avec eux. Sans doute parce que ces néovignerons n'ont pas choisi Faugères par hasard. Ils sont autant attachés au terroir que les viticulteurs du cru. Ils ne travaillent d'ailleurs pas très différemment. Ceux qui viennent de l'étranger sont simplement un peu plus tournés vers la vente à l'export. »
Le Point de vue de
Patrice Rétif, président des Vignerons producteurs de Saumur-Champigny (Maine-et-Loire)
« Ils ne sont pas formatés »
« Les néovignerons ont un avantage, celui d'avoir eu une autre expérience avant de s'installer. Ils ne sont pas formatés comme le vigneron du cru qui ne compte souvent pas son temps. Les nouveaux arrivants réfléchissent davantage au retour sur investissement. Ils peuvent avoir des lacunes techniques au départ qu'ils compensent par un regard extérieur et un esprit d'ouverture et d'entreprise. Qu'ils soient simples passionnés ou investisseurs, ils se fondent vite dans notre appellation. Les revers sont rares, et plus souvent commerciaux que techniques. Certains découvrent qu'il ne suffit pas d'avoir des amis pour vendre du vin, pendant que d'autres profitent d'une expérience à l'international pour vendre à l'export. La démarche est intéressante et fait réfléchir car notre appellation Saumur-Champigny s'exporte peu. L'arrivée de nouveaux vignerons dans notre AOC est très positive. Ils apportent des idées neuves. Et sont aussi la preuve que notre vignoble est attrayant et jouit d'une belle image. »
Le Point de vue de
Éric Dusfourd, directeur de l'Association des vignerons de l'AOC Côtes de Provence La Londe (Var)
« Ils ont des idées qui bousculent »
« Certains d'entre eux se sont installés sur de petites surfaces, entre un et trois hectares. Ils produisent des vins de garage atypiques en petite quantité, qu'ils vendent à des particuliers. Mais la majorité sont des investisseurs qui développent aussi des projets d'œnotourisme. Ceux-là mettent tout en œuvre pour réussir. Ils s'entourent de gens très compétents et ne lésinent pas sur les moyens en matière d'équipements de cave. Ils font des vins de qualité et acquièrent vite une notoriété. Ils créent une émulation. Ils ont montré que l'on pouvait produire et vendre du vin bio dans la région. Les néovignerons ont des notions de marketing, des pratiques commerciales et des idées qui bousculent les viticulteurs du cru. Ainsi, ils ont contribué à faire de la fête des vignerons de La Londe un lieu de vente de vins alors qu'on y proposait seulement des dégustations gratuites auparavant. Et ça marche très bien. Mais il faut dire aussi que, pour se faire une place en restauration, certains n'ont pas hésité à proposer des tarifs trop attractifs. »