C'est à 50 ans que Michel Pinot est devenu vigneron. « Mon nom de famille me prédestinait à ce métier ! » plaisante-t-il. En 2000, il dit adieu au groupe Carrefour où il travaillait depuis trente ans. Dernier poste occupé : directeur général de la zone Amérique du Sud. C'est là qu'il découvre la viticulture. Celle du raisin de table, pas de cuve. N'empêche, il trouve sa voie. « J'avais envie de changer pour m'impliquer dans un projet personnel », indique-t-il.
À son retour en France, il se met en quête d'une région où la viticulture « est en progrès ». Il se tourne vers la Provence et confie un mandat à une agence spécialisée dans la vente de domaines. Il en visite une poignée, dont le château Ferry Lacombe, à Trets, dans les Bouches-du-Rhône, face à la montagne Sainte-Victoire. La propriété est en vente pour 4 millions d'euros. Le vignoble de 40 ha est âgé, la cave sous-équipée. Qu'à cela ne tienne ! Michel Pinot l'achète. Il s'installe à demeure et s'entoure d'une solide équipe. Il recrute un chef de culture, un œnologue et trois commerciaux à plein-temps. Le travail de réhabilitation commence.
Cinq rosés différents
Dix ans plus tard, il a replanté la moitié du vignoble. Il s'est équipé d'une nouvelle cuverie, d'une ligne de mise en bouteilles, ainsi que d'une climatisation et d'un système de froid performants. Il a financé la totalité des investissements, rachat du domaine compris, avec ses économies. Un choix mûri : il préfère ne pas dépendre des banques.
« L'exploitation produit 80 % de rosé, confie-t-il. Les premières années, les ventes en vrac ont permis d'équilibrer les comptes. » Désormais, il vend 100 % de sa récolte en bouteilles, dont près de la moitié à la restauration, le reste aux cavistes, aux particuliers et à l'export. Ses prix se situent entre 6,75 et 22 euros TTC le col à la propriété.
En 2008, il a revu les habillages de ses vins pour apporter de la cohérence à sa gamme. Car croissance du vignoble aidant, il vinifie cinq rosés différents ! Trois côtes-de-provence et deux côtes-de-provence Sainte-Victoire, auxquels s'ajoutent quatre rouges et deux blancs.
Les clients en redemandent. Au point qu'en 2010, il achète 12 ha supplémentaires et plante 8 ha dont il détenait les droits en portefeuille. La même année, son voisin du clos La Neuve lui confie la distribution de ses vins, puis son fils Matthieu le rejoint pour prendre en charge la direction opérationnelle de l'entreprise. Douze ans après sa reprise, le château a fait sa mue : il commercialise un peu plus de 500 000 cols, avec sous le pied 100 000 cols supplémentaires, et compte quinze salariés. En venant s'installer au domaine, Matthieu a quitté son emploi d'opticien… Néovignerons de père en fils.
L'investissement vaut-il le coup ?
« Oui, sans hésitation ! En viticulture, les premiers résultats apparaissent au bout de dix ans. Commercialement, nous avons créé les débouchés. En plus des trois commerciaux salariés de l'exploitation, une quarantaine d'agents nous représentent en France. Nous développons aujourd'hui l'export. Il représente 10 % de nos ventes, mais nous misons sur de nouveaux pays comme le Brésil et la Chine. Désormais, la rentabilité est en vue. Nous avons aussi créé une valeur foncière. C'était mon souhait de relever le défi. »