« L'histoire du champagne est liée à l'export, rappelle Thibaut Le Mailloux, directeur de la communication du Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC). Le champagne a commencé à bâtir sa notoriété dans les cours européennes, à Saint-Pétersbourg, Amsterdam et Londres. En 1850, plus de 70 % des bouteilles partaient à l'étranger. » En 2012, les exportations représentent presque la moitié des ventes (46 %). L'Union européenne reste un marché primordial : 25 % des bouteilles de champagne y sont consommées. Mais ce débouché s'effrite légèrement chaque année. Entre octobre 2011 et octobre 2012, les expéditions en Europe ont chuté de 6,2 %. En France, les ventes accusent une baisse de 4,9 % en un an. L'éclaircie vient du grand export, qui affiche une croissance de 3 %.
« L'Asie du Sud-Est est très porteuse, précise Thibaut Le Mailloux. Mais nous expédions plus de bouteilles vers Hong Kong (1,4 million de cols en 2011) et Singapour (1,5 million) qu'en Chine (1,3 million). Les ventes en Corée ont progressé de 30 % en 2011 (500 000 cols) et la Malaisie et l'Inde montrent des signes positifs. De même, en Amérique du Sud, il n'y a pas que le Brésil. Le Mexique enregistre une progression de 20 % avec 800 000 bouteilles expédiées. » Plus surprenant, les Émirats arabes (1,4 million de bouteilles) ou encore le Nigeria (690 000 cols) sont également des destinations intéressantes.
Les treize bureaux export du CIVC
Pour accompagner les professionnels, le CIVC a ouvert treize bureaux dans les pays à fort potentiel. Ils ont pour mission de protéger l'AOC Champagne, d'effectuer une veille sur les marchés et d'organiser des dégustations réservées à la presse et aux professionnels. Seuls les négociants et viticulteurs déjà présents dans le pays en question peuvent participer à ces manifestations. « L'aide à l'exportation ne fait pas partie de nos missions, car les maisons de négoce réalisent 90 % des volumes exportés, souligne Thibaut Le Mailloux. Elles avaient déjà mis en place leur réseau de distribution avant la création du CIVC. »
C'est donc le Syndicat général des vignerons (SGV) qui a fait le choix d'aider ses adhérents à vendre à l'étranger en 2009. « Ce n'est pas en restant en France que les vignerons auront une croissance en valeur, déclarait Pascal Férat, président du SGV, le 10 juillet 2012 lors de la signature d'une convention export avec Ubifrance et la région Champagne-Ardenne. Il faut emmener les viticulteurs hors de nos frontières. »
Depuis 2009, le SGV a ainsi organisé seize salons à l'étranger avec Ubifrance. 150 viticulteurs et coopératives y ont rencontré des importateurs.
Il reste de la place !
Au terme de la convention, le SGV propose à ses adhérents des prestations pour aborder les marchés étrangers dans les meilleures conditions. Chaque vigneron souhaitant bénéficier de ces services doit suivre le parcours export du SGV : un audit de deux heures et demie sur sa politique commerciale, une formation d'une journée sur le marché ciblé (attentes des professionnels, aspects culturels de la négociation dans ce pays, etc.) et un rendez-vous d'une heure après un salon pour faire le point sur les contacts obtenus et conseiller le viticulteur pour les relances. La région Champagne-Ardenne peut financer jusqu'à 50 % des sommes engagées lors des déplacements à l'étranger (salons, hôtels, déplacement…), uniquement pour ceux qui suivent le parcours export et dans la limite de 30 000 euros.
L'idée de rivaliser avec des marques aussi connues que Moët & Chandon ou Taittinger inhibent quelque peu les viticulteurs. Ils redoutent également que tous les marchés intéressants soient déjà pris. Pourtant, « il n'y a pas de marchés saturés, affirme Thibaut Le Mailloux. En Belgique, par exemple, les ventes ont progressé de 8 % en 2011. C'est un marché mûr mais attiré par de nouvelles offres. Il en est de même en Italie. Les capitales d'Europe de l'Est, comme Prague ou Varsovie, sont également très dynamiques. »
Reste-t-il encore de la place à l'export pour les débutants ? « Bien sûr ! répond Sandra Cizeron, responsable de l'accompagnement export des vignerons au SGV. Surtout aux États-Unis et dans le proche export. L'Angleterre, l'Italie et l'Allemagne demeurent les pays les plus intéressants à prospecter pour les nouveaux exportateurs. Pour les pays nordiques et plus lointains, il est préférable d'être déjà rompu à l'exercice. »
Le Point de vue de
Angeline Templier-Lassalle, champagne J. Lassalle, à Chigny-les-Roses (Marne). 110 000 bouteilles vendues à 80 % à l'export.
« Les Américains sont sensibles à la dimension humaine du vin »
« Au cours du dernier semestre, j'ai effectué plusieurs voyages à l'étranger. En octobre, je suis allée cinq jours à New York où j'ai rencontré des cavistes et des sommeliers. Mon agent m'a aidé à organiser la tournée. Ces professionnels travaillent déjà avec nous, mais ça a été l'occasion de conforter nos relations et de présenter notre domaine de façon plus approfondie. Et, surtout, de transmettre l'âme de notre histoire : cela fait trois générations que le domaine est dirigé par des femmes. Et c'est néanmoins mon grand-père qui a démarré l'exportation en 1976. À l'époque, c'était un précurseur. Les Américains sont sensibles à la dimension humaine d'un vin. Nos principaux marchés sont les États-Unis, la Russie et le Japon. Grâce à notre renommée à l'étranger – entretenue par des articles dans la presse internationale –, nous avons la chance d'être contactés par de nouveaux agents. Nous travaillons avec l'Australie et Taiwan depuis deux ans et nous allons expédier des bouteilles au Brésil.
L'export est un débouché passionnant. Nous rencontrons des professionnels exigeants, qui ont une grande culture du vin. Cela suppose de se remettre en cause en permanence et de toujours préparer soigneusement ses rendez-vous. À ceux qui souhaiteraient se lancer dans l'aventure, je conseille de participer à des missions export pour entrer en contact avec des agents. Travailler à l'export nécessite beaucoup d'investissement personnel et de patience. Il ne faut pas s'attendre à expédier rapidement de gros volumes. »