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Pique-nique Sohler malgré la pluie

CHRISTOPHE REIBEL - La vigne - n°254 - juin 2013 - page 55

LE PIQUE-NIQUE CHEZ LE VIGNERON INDÉPENDANT est un rendez-vous important pour le domaine Sohler, à Nothalten, en Alsace. L'organisation est si bien rodée qu'elle a résisté à une météo épouvantable.
PHILIPPE SOHLER sert du pinot noir aux pique-niqueurs qui se sont abrités de la pluie sous le chapiteau dressé dans la cour. © PHOTOS M. FAGGIANO

PHILIPPE SOHLER sert du pinot noir aux pique-niqueurs qui se sont abrités de la pluie sous le chapiteau dressé dans la cour. © PHOTOS M. FAGGIANO

LORS DE LA VISITE DU VIGNOBLE, Philippe Sohler parle volontiers technique aux pique-niqueurs qui s'y intéressent. Ici, il leur parle de l'enherbement.

LORS DE LA VISITE DU VIGNOBLE, Philippe Sohler parle volontiers technique aux pique-niqueurs qui s'y intéressent. Ici, il leur parle de l'enherbement.

C'est le moment de tirer au sort les gagnants des prix parmi les bonnes réponses au questionnaire.

C'est le moment de tirer au sort les gagnants des prix parmi les bonnes réponses au questionnaire.

Denise et Dominique ont parcouru 200 km pour profiter d'une ambiance sympathique et acheter du vin.

Denise et Dominique ont parcouru 200 km pour profiter d'une ambiance sympathique et acheter du vin.

La plupart des cartons de vins sont préparés à l'avance pour créer le moins d'embouteillage possible au caveau.

La plupart des cartons de vins sont préparés à l'avance pour créer le moins d'embouteillage possible au caveau.

Lundi de Pentecôte 2013 à Nothalten (Bas-Rhin). Le thermomètre a du mal à dépasser les 12°C. Le ciel est gris, vannes ouvertes. « Nous organisons un pique-nique depuis 1998 et c'est sans doute la météo la plus exécrable que nous ayons connue », lancent d'une même voix Philippe et Christine Sohler, à la tête de 10 ha de vignes sur la route des vins, entre Colmar et Strasbourg

Ce couple de viticulteurs a donné rendez-vous aux piqueniqueurs à partir de 11 h 30. Une vingtaine d'inscrits se sont décommandés la veille en raison du temps. Les autres arrivent au compte-gouttes. Une banderole colorée accrochée au-dessus de l'entrée du domaine leur annonce qu'ils sont au bon endroit. Au final, ils seront une bonne cinquantaine alors que près de quatre-vingt s'étaient annoncés. « La première année, nous avions reçu une trentaine de piqueniqueurs. Petit à petit, ça s'est développé », raconte Philippe. Il faut dire que cet ex-mécanicien pour avion de chasse s'est appuyé sur une association d'anciens collègues pour faire connaître l'événement. Au point qu'il leur réserve aujourd'hui la journée du dimanche. Il connaît personnellement la plupart des membres de l'association, fidèles au rendez- vous depuis dix ans.

Le programme qui attend les visiteurs est des plus simples : ils viennent avec leur pique-nique et leurs hôtes offrent le vin. À cette occasion, chaque acheteur bénéficie d'une bouteille gratuite pour six achetées. Et ceux qui ont passé commande avant de venir profitent en plus d'une remise de 5 %. Philippe préfère offrir cette ristourne plutôt que d'inviter un orchestre ou des d'artistes comme certains de ses confrères. « Cela n'apporte pas vraiment de plus commercial », juge-t-il.

Arrivant par petits groupes, les uns s'abritent sous une avancée de toit, les autres s'installent sous un chapiteau où leurs hôtes ont dressé tables et bancs. L'apéritif est prêt. Le couple a choisi trois de ses vins : un crémant brut, un gewurztraminer et un muscat. Philippe a mis les bouteilles au frais dans un grand bac d'eau froide. Pour les servir, Christine puise dans le stock de 400 verres qu'elle a acquis pour le mariage de sa fille. Elle fait confiance à ses invités pour les rendre avant de partir. Elle n'a pas voulu leur demander de caution : « Trop compliqué à gérer », dit-elle.

Christine a préparé elle-même des brioches et des kouglofs pour accompagner l'apéritif. Elle propose aussi des jus de fruits et de l'eau aux enfants et aux conducteurs qui ne souhaitent pas consommer d'alcool.

Pendant l'apéritif, Philippe circule entre les pique-niqueurs pour nouer le contact. Les discussions portent sur la météo, le trajet pour venir, etc. Puis vient le moment du repas. Cette fois, il offre – toujours généreusement – du riesling et du pinot noir, car « il y a toujours des inconditionnels du rouge. Je regarde ce que les gens mangent. Je choisis aussi en fonction de ce que j'espère vendre en fin de journée ».

En seize éditions, Philippe s'est parfaitement emparé de la formule «amenez votre piquenique, le viticulteur vous offre le vin » lancée en 1995 par le syndicat des Vignerons indépendants d'Alsace.

À Nothalten, quatre autres domaines participent à l'opération. Philippe n'y voit aucune concurrence. Au contraire. Les cinq viticulteurs se regroupent pour louer les tables et les bancs dont ils ont besoin. Un prestataire les dépose par palettes entières le vendredi et les reprend le mardi. « Le prix monte régulièrement. C'est pourquoi j'ai acheté trente tables et soixante bancs en 2012. Je possède un chapiteau depuis dix ans. Il est utile quel que soit le temps », indique Philippe.

Aidé par son gendre, il a passé deux jours à nettoyer, à pousser le pressoir et à ranger le matériel pour pouvoir accueillir les pique-niqueurs et installer une sonorisation et le barbecue où les visiteurs peuvent préparer des grillades. Le jour J, il mobilise quatre proches : Christine, son épouse, Lydie, sa fille, Julien, son gendre, et Thomas, son neveu. Il les récompensera ultérieurement en les invitant à une bonne table.

Le repas s'achève. Philippe donne le signal du départ à ceux qui veulent faire une balade dans le vignoble. Une petite troupe se lève. Le vigneron remet à chacun d'eux un petit bout de papier comportant cinq questions. Pour y répondre, les marcheurs devront bien écouter ses explications sur les vignes et le paysage. C'est là qu'ils apprendront à quel stade se trouve le muscat et pourquoi certains piquets de vigne sont bleus… Philippe organise ensuite un tirage au sort parmi les bonnes réponses avec des bouteilles à gagner à la clé.

Vers 17 heures, l'après-midi se termine par une visite de la cave et une dégustation de cinq à six vins. Philippe préfère la décaler en fin de journée « parce qu'à table, les gens sont moins réceptifs ». Au magasin, Christine et Julien attendent les acheteurs. Ils n'ont plus qu'à servir leurs clients qui savent tous ce qu'ils veulent, après avoir goûté différents vins et eu quantité d'explications. Près d'eux, les cartons des vins dégustés à un moment ou l'autre de la journée sont prêts à être emportés.

Trois couples de champenois venus ensemble, « amateurs de vin en général », ont le sourire. « Notre priorité était de rencontrer le viticulteur. Il nous a présenté son exploitation avec simplicité, passion, humour et humilité. Nous avons été très bien accueillis. Nous sommes ravis ! » déclarent-ils.

Ils ont trouvé l'adresse du domaine Sohler sur internet, à la différence des autres participants qui se sont inscrits après avoir reçu un des 400 courriers expédiés par Philippe trois semaines avant l'événement. Parmi les pique-niqueurs, il recense environ un tiers d'inconditionnels présents chaque année, un tiers d'irréguliers et un tiers de visiteurs uniques. Les trois couples champenois repartent avec du crémant et du muscat. « Le riesling nous a paru trop jeune et nous n'avons pas l'expérience pour savoir comment il va vieillir », explique Danielle.

Dominique et Denise n'ont pas hésité à parcourir 200 km pour venir de Lorraine en famille pour la deuxième année de suite. « Cela nous fait une sortie. La balade dans les vignes nous plaît. » Denise a acheté vingt-quatre bouteilles en prévision des 18 ans de son fils.

Jean-Pierre et Marylou sont venus en camping-car « pour l'ambiance. Nous ne connaissions personne, mais cela s'est arrangé ! » lancent-ils avec un grand sourire. Monique et Mansour ont fait le déplacement pour déjeuner et acheter des vins. Ce sont des clients strasbourgeois, des habitués de la maison. Le piquenique leur donne l'occasion de réapprovisionner leur cave en fonction de ce qu'ils dégustent au cours de la journée et « de discuter autrement que quand on est simplement de passage au caveau ».

À 18 heures, Christine fait ses comptes car « l'objectif final est de vendre », rappelle Philippe. Les 125 personnes présentes le dimanche sont reparties avec 620 bouteilles et la cinquantaine du lundi avec 362 cols, soit 982 au total. D'habitude, les ventes du week-end de la Pentecôte atteignent 1 200 bouteilles. Ces dernières années, elles avaient tendance à progresser. Le bilan 2013 est un peu plombé par la météo. Côté chiffre d'affaires, le couple doit se contenter d'un peu moins de 7 000 euros, somme habituellement dépassée.

Le domaine écoule environ 40 000 bouteilles par an. Le solde part en vrac. Sa gamme se compose de dix-neuf vins dont les tarifs s'échelonnent entre 4,90 et 27 euros. Durant ce week-end, crémant, riesling, pinot noir et gewurztraminer ont été les plus demandés. « Mais nous avons vendu de tout », précise Christine. Et comme Philippe est organisé, il limite ses frais. Son principal poste de dépense correspond aux vins offerts. Durant le weekend, les 175 pique-niqueurs ont ainsi vidé 112 bouteilles.

« Nous ne nous en tirons pas trop mal », juge le couple avant de se mettre à ranger, aidé par quelques amis. « Cela reste positif. Au fil des ans, les gens notent la Pentecôte dans leur agenda. Ils viennent de la région mais ils sont de plus en plus nombreux à faire des kilomètres pour participer. Pour notre entreprise, c'est un rendez- vous nécessaire et vital. C'est de la vente, de l'échange et de la communication pour notre domaine et les vignerons indépendants en général. Je compare ce week-end à des journées portes ouvertes ou à un mini-salon organisé chez soi. »

UNE PRÉPARATION NÉCESSAIRE POUR OPTIMISER L'ÉVÉNEMENT

Après seize pique-niques du vigneron indépendant, Philippe et Christine Sohler maîtrisent leur affaire. Voici les conseils que l'on peut retenir de leur expérience.

Lancer un mailing d'invitation trois semaines à un mois avant la manifestation.

Penser à faire une offre promotionnelle valable durant l'événement : un pourcentage de remise ou une bouteille gratuite pour un nombre donné de bouteilles achetées.

Signaler le pique-nique par une banderole ou un autre moyen visuel.

Prévoir une sonorisation pour pouvoir prendre la parole si l'on attend beaucoup de visiteurs.

Limiter le nombre de visiteurs en fonction de ses capacités d'accueil. « Une année, nous avons reçu 250 personnes dans la cour, explique Philippe. C'était ingérable. Nous avons raté notre objectif commercial. Nous ne dépassons donc plus les 150 personnes pour que tout reste sympathique. On travaille mieux avec 100 à 150 personnes qu'avec 250. »

Prévoir une animation ludique. Chez les Sohler, c'est un questionnaire qui débouche sur un tirage au sort des bonnes réponses. Les gagnants emportent des bouteilles.

Offrir aux visiteurs les vins que l'on souhaite vendre. Préparer à l'avance des cartons de ces bouteilles, prêts à la vente, car ces vins risquent d'être plus demandés.

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