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DOSSIER - La viticulture solidaire et généreuse

Des associations prêtes à secourir leurs membres

GRÉGORY PASQUIER - La vigne - n°258 - novembre 2013 - page 28

Aux quatre coins de la France, des viticulteurs ont créé des associations pour aider leurs collègues malades ou accidentés.Des structures légères qui privilégient l'efficacité.
EN BOURGOGNE, les sociétés de secours mutuels se réunissent chaque année dans un village différent. Elles défilent le dernier week-end de janvier, à l'occasion de la Saint-Vincent tournante, comme ici, à Meursault (Côte-d'Or), en 2001. © H. MONNIER/BIVB

EN BOURGOGNE, les sociétés de secours mutuels se réunissent chaque année dans un village différent. Elles défilent le dernier week-end de janvier, à l'occasion de la Saint-Vincent tournante, comme ici, à Meursault (Côte-d'Or), en 2001. © H. MONNIER/BIVB

De nombreux villages viticoles hébergent une association d'entraide ou de secours mutuel. Elles aident les viticulteurs malades ou accidentés et les familles des viticulteurs décédés. Une raison d'être évidente pour leurs membres. Voici l'activité et le fonctionnement de quatre d'entre elles.

CAUX : « Une action par an »

« Adjudo, en occitan, ça veut dire aide », traduit Jean-Paul Laussel.

C'est également le nom de l'association d'entraide créée en 1984 à Caux (Hérault) et que ce viticulteur préside. « Au départ, nous étions une trentaine d'adhérents sur un village de 1 500 à 1 600 habitants. Nous réalisions trois à quatre actions par an. Mais certains ont disparu. » D'autres sont très âgés et ne viennent plus que rarement lors des opérations.

Aujourd'hui, Adjudo compte une vingtaine de membres, dont dix sont vraiment actifs. « Nous n'effectuons plus qu'une action par an », précise Jean-Paul Laussel, confronté à la difficulté de renouveler ses effectifs. Cette année, un des plus jeunes viticulteurs de l'association a été opéré de l'épaule. Il ne pouvait pas conduire de tracteur. « Nous nous sommes organisés pour aller traiter chez lui. »

Même si l'association a été créée à l'origine pour les viticulteurs de Caux, elle a mené des actions « à Pinet (Hérault) lorsqu'il y a eu la grêle. Et dans le Vaucluse, nous avons fait une journée de vendanges après les inondations ». Aujourd'hui, l'adhésion est libre et l'association reçoit « une subvention de 150 euros de la mairie, qui sert à payer des croissants, un petit casse-croûte ou des châtaignes après une action ».

LIGNIÈRES-SONNEVILLE : « Nous sommes des amis »

Créée en 1991 à Lignières-Sonneville (Charente), l'association Coup dur compte 37 membres pour une commune de 600 habitants. « Nous nous entendons bien, nous sommes des amis », assure Michel Massacré, président depuis 1997. L'association réalise une à deux actions par an. « Soit le viticulteur nous appelle, soit un de nos responsables de secteur nous prévient qu'il faut intervenir chez quelqu'un. »

Cette année, l'ouvrier d'une exploitation est tombé malade. « Nous sommes allés aider la viticultrice pendant la taille. Ça lui a laissé du temps pour réfléchir aux décisions à prendre. » En 2010, l'association est même intervenue pour aider des ostréiculteurs à Bourcefranc-le-Chapus (Charente-Maritime), suite à la tempête Xynthia. Mais elle ne se contente pas de donner des coups de main. « Nous passons un moment avec les gens en difficulté, nous essayons de leur remonter le moral, de les maintenir à flot », explique Michel Massacré.

Pour être adhérent de l'association, il suffit d'être viticulteur. La cotisation est de 7 euros pour l'année. « Cela nous permet de payer l'assurance et, lorsque nous avons assez d'argent, nous organisons un petit repas. »

PRISSÉ : « Amener le raisin jusqu'à la récolte »

L'Association d'entraide de Prissé et de Chevagny-les-Chevrières (Saône-et-Loire) « existe depuis une cinquantaine d'années, rapporte Jérôme Jeandin, président depuis douze ans. Elle compte actuellement trente-cinq membres. « Le but, c'est d'aider les gens qui ont un coup dur comme une invalidité ou un décès dans leur famille. En vingt ans, il y a eu trois décès. À chaque fois, l'association effectue tous les travaux pour amener le raisin jusqu'à la récolte. » Pour bénéficier de l'entraide, un viticulteur doit avoir un arrêt de travail de plus de dix jours. Dans ce cas, « quatre personnes vont travailler pendant huit heures le mardi, le mercredi ou le jeudi sur son exploitation. La semaine suivante, c'est au tour de quatre autres personnes. Les trente-cinq adhérents s'organisent ainsi jusqu'à la fin de l'arrêt de travail », indique Jérôme Jeandin.

L'année dernière, l'association a fourni quatre-vingt-seize jours d'entraide pour trois personnes. « Généralement, cela varie de trente-cinq à quarante jours par an. Mais en 2012, un jeune viticulteur a eu un début de cancer, il a bénéficié de soixante jours d'entraide. » Une simple cotisation annuelle de 3 euros permet d'adhérer à l'association. Elle sert à payer « l'assurance au cas où un adhérent se blesse et une assurance complémentaire pour casse de matériel », détaille Jérôme Jeandin.

ODENAS : « Tous les jeunes adhèrent »

C'est suite à la maladie d'un vigneron que l'Association d'entraide et de fraternité d'Odenas (Rhône) a été fondée il y a une trentaine d'années. « Nous sommes actuellement quarante-sept adhérents, exclusivement des viticulteurs de la commune d'Odenas », expose Sylvain Métrat, président de l'association depuis huit ans. Quand un jeune viticulteur s'installe, « nous allons le voir et lui expliquons le but de l'association. Il devient automatiquement membre. Malheureusement, il y a de moins en moins d'adhérents, car il y a de moins en moins de viticulteurs », déplore-t-il.

Tous les viticulteurs avec un arrêt de travail de plus de quinze jours peuvent demander à être aidés. Un adhérent bénéficiant d'un arrêt maladie d'une année a droit à trente jours d'entraide, selon les statuts de l'association. « Un jour, un viticulteur qui était en train de traiter s'est blessé. Il m'a appelé et j'ai organisé une réunion en urgence par téléphone avec les membres du bureau. Nous sommes intervenus rapidement pour finir son travail, relève Sylvain Métrat. Le but, c'est juste de donner un coup de main. Ce n'est pas grand-chose. Mais quand un viticulteur nous demande de l'aide et qu'il voit arriver cinq personnes, ça lui remonte le moral. La seule chose que les gens nous doivent, c'est le casse-croûte. » Sylvain Métrat se réjouit car « cette année a été une année blanche », l'association n'est intervenue sur aucune exploitation.

Le Point de vue de

DOMINIQUE BOUILLARD, PROPRIÉTAIRE DU DOMAINE DU BARVY, À ODENAS (RHÔNE)

« Cela nous a fait chaud au cœur de voir tous ces gens nous aider »

DOMINIQUE BOUILLARD, PROPRIÉTAIRE DU DOMAINE DU BARVY, À ODENAS (RHÔNE)

DOMINIQUE BOUILLARD, PROPRIÉTAIRE DU DOMAINE DU BARVY, À ODENAS (RHÔNE)

« Je produis du brouilly, du côte-de-brouilly rouge et du beaujolais village rouge, blanc et rosé sur 7,5 ha pour une production annuelle de 400 hl. J'ai également un gîte rural qui peut accueillir de sept à onze personnes. J'ai travaillé avec mon mari jusqu'en 2000, lorsqu'il est tombé malade. Cela nous a mis un gros coup au moral. Mais nous faisions partie du service d'entraide et de fraternité d'Odenas. Des membres de l'association sont donc venus faire les vendanges. Chaque personne a amené son matériel et nous avons offert le casse-croûte. C'est la règle. Ce fut un moment très convivial. Cela nous a fait chaud au cœur de voir tous ces gens. Nous avons été très émus de l'aide qu'ils nous ont apporté. Ils ont soulagé notre charge de travail et nous nous sommes sentis soutenus. Suite au décès de mon mari en février 2003, j'ai décidé de suivre une formation en œnologie à la maison familiale rurale de Charentay (Rhône), dans le Beaujolais. Mon mari s'occupait de la vinification, il a fallu que j'apprenne. Cette formation a duré un an. Je ne pouvais pas être en permanence sur l'exploitation. J'ai fait appel à l'association qui m'a une nouvelle fois aidé pour la taille. »

L'essentiel de l'offre

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