Audrey Bakx, 33 ans, est une artiste passée par la Gerrit Rietveld Academie, l'école des beaux-arts d'Amsterdam (Pays-Bas). Depuis 2002, elle illustre les étiquettes du clos Monicord, propriété de ses parents de 9 ha en bordeaux supérieur. Ces derniers réalisent 90 % des ventes à l'export. Tous les ans, Audrey imagine de nouvelles étiquettes, suscitant chez certains clients l'envie de collectionner les bouteilles.
Comment passe-t-on commande à un artiste d'une oeuvre devant illustrer une étiquette ? Faut-il être directif ? Lui laisser une liberté totale ?
Audrey Bakx : Je crois qu'il faut lui laisser une grande liberté. Ce qui est important, c'est de choisir quelqu'un dont on aime le travail et d'établir un vrai dialogue avec lui en n'oubliant pas qu'un artiste est libre, par nature, mais qu'il a des obligations. Il devra donner à l'imprimeur tous les supports nécessaires pour que l'étiquette soit conforme à son oeuvre. Il doit faire preuve d'engagement jusqu'au bout.
L'artiste reste-t-il propriétaire de ses oeuvres ?
A. B. : Plusieurs scénarios sont envisageables. Soit l'artiste vend l'original de son oeuvre et le client en fait ce qu'il veut. Soit il reste propriétaire de l'original. Dans ce cas, il autorise la reproduction de son oeuvre contre un pourcentage sur chaque vente de bouteille réalisée. L'artiste peut aussi vendre l'oeuvre pour un quota de bouteilles puis toucher un pourcentage au-delà de ce quota.
Comment fixer la rémunération de l'artiste ?
A. B. : Dans mon cas, mon travail d'artiste est inclus dans le salaire que je perçois en travaillant à la propriété. D'une façon générale, on peut se conformer aux tarifs en vigueur sur le marché. La fourchette de prix peut aller de 400 à 2 500 euros pour une oeuvre originale. C'est fonction de la cote de l'artiste. Entre l'artiste et le client, les relations d'argent sont toujours compliquées ! Certains artistes ont du mal à parler d'argent et des donneurs d'ordre ne considèrent pas qu'ils acquièrent une vraie oeuvre d'art.
Comment bien travailler avec l'imprimeur ?
A. B. : En préambule, il faut savoir que si l'oeuvre originale est peinte à l'huile, il faudra la photographier, car la peinture reste toujours humide sur la toile. De même, il faut être attentif à la taille de l'oeuvre. Si elle est très grande, il faudra la photographier aussi. C'est un coût supplémentaire.
Pour ma part, je privilégie le format A3. L'imprimeur reproduit l'oeuvre puis il met l'étiquette en page : il choisit la typographie, dispose les textes, l'image... Il faut privilégier une typographie lisible, ni trop petite ni trop grosse. Attention, elle doit s'accorder avec celle des autres supports de l'identité visuelle (bouchons, cartes de visites ou catalogues) de la propriété. Il faut être aussi attentif au papier. Avec une aquarelle, il faut un papier qui « pompe » la couleur, qui l'absorbe.
Enfin, il faut s'assurer que les couleurs correspondent bien à l'oeuvre originale. Avant l'impression des étiquettes, il faut signer un « bon à tirer ». Avec cette signature, le viticulteur donne son accord.
Les viticulteurs sont-ils prêts à faire appel à un artiste pour illustrer une étiquette ?
A. B. : Aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande, la réponse est oui. Tout comme en Provence ou en Languedoc-Roussillon. Dans le Bordelais, on est plus timide. Faire appel à un artiste, cela coûte de l'argent et du temps !
Comment travaillez-vous sur votre propriété ?
A. B. : J'ai beaucoup de chance. Mes parents me font une totale confiance. Mon père est hollandais, ma mère française. Nous ne sommes pas du milieu du vin. Le dessin d'un château, ce n'est pas notre truc.
J'ai réalisé les premières étiquettes pour le millésime 2002. J'ai dessiné et peint à l'aquarelle des formes qui représentaient des taches de vin dans lesquelles on devinait des éléments liés au vin. À chaque millésime, je réalise une nouvelle oeuvre. À partir de 2010, je me suis impliquée dans la propriété, dans la vigne et au chai. Cela a eu des répercussions sur mes créations.
Les étiquettes du 2010 évoquent la relation entre l'homme et la vigne au fil des saisons. Pour le 2011, j'ai choisi d'exprimer la biodiversité dans la vigne.