« Des pluies pareilles, on n'en avait pas vu depuis 1926. » Philippe Coste, président de la cave coopérative d'Hérépian, dans les hauts cantons de l'Hérault, est encore sous le choc « Sur les hauteurs d'Hérépian, le 17 septembre, il est tombé 400 mm en trois heures. De véritables torrents ont dévalé dans nos vignes. » Dans la commune voisine de Lamalou-les-Bains, ces crues dantesques ont fait quatre morts.
Pour cette coopérative, qui vinifie 18 000 hl par an, les dommages sont loin d'être minimes. Les pluies sont survenues alors que seuls les blancs avaient été rentrés. « Quatre ha sont totalement perdus : les vignes ont été emportées, explique Philippe Coste. Sur 30 ha, les raisins sont limonés. Nous les avons vinifiés à part, en rosé. Nous ignorons encore ce que nous pourrons en tirer. Enfin, il y a 4 ha que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir vendanger car nous avons repris 130 mm de pluie le 29 septembre. Et il est encore impossible (le 8 octobre, NDLR) de pénétrer dans ces parcelles. Or, de nouvelles pluies sont annoncées. »
Le mardi suivant, un bel élan de solidarité s'est manifesté en faveur de la coopérative, à la suite de l'appel de la FDSEA et de Coop de France : 120 personnes, des viticulteurs pour la plupart, sont venus redresser les vignes, évacuer les débris et vendanger ce qui pouvait encore l'être.
Plus bas dans la plaine, le fleuve Hérault a lui aussi débordé, inondant des milliers d'hectares entre Agde et Canet. Là, le plus gros de la récolte avait été vendangé, mais la montée des eaux a couché des vignes sur son passage et arraché des pieds en bordure de parcelles. Un énorme travail de remise en état attend les viticulteurs.
À peine douze jours plus tard, les éléments se sont à nouveau déchaînés, avec des cumuls de pluie records sur la moyenne vallée de l'Hérault. Le 29 septembre, Plaissan, Saint-Pargoire, Montagnac ont reçu plus de 300 mm en quelques heures. Les vendanges étaient quasiment terminées, la plupart des caves ayant anticipé cet épisode pluvieux. Mais, là encore, le ruissellement des eaux a provoqué de lourds dégâts dans les chemins et les vignes.
Benoît Fulcrand, viticulteur à Puilacher, témoigne de la violence des éléments : « Gonflée par les pluies, la Rouviège était en furie. Une vague de 1,50 m de haut a dévalé du pont qui surplombe une jeune vigne de cabernet franc. Tout a été arraché : piquets, palissage, plants... Des portions de route ont été emportées et sont tombées dans la parcelle. C'est un désastre : j'avais investi 46 000 € dans cette vigne destinée à la taille mécanique », lâche-t-il, accablé.
À l'initiative de la chambre d'agriculture, des responsables professionnels, des élus et des représentants de l'État se sont rendus sur place le 2 octobre pour présenter les dispositifs de soutien aux viticulteurs sinistrés. « À ce jour, nous avons recensé 436 exploitations viticoles touchées pour une surface de 172 ha », a détaillé Jérôme Despey, président de la chambre d'agriculture de l'Hérault, qui a également soulevé la question de l'entretien des fossés. « Pour préserver des espèces protégées, les agriculteurs ne peuvent plus entretenir les fossés. Il faut revoir cette réglementation ! », a-t-il plaidé.
Ces deux cataclysmes ont soulevé un formidable élan de solidarité. « J'ai eu des appels des fédérations des coopératives de la Drôme, du Vaucluse et de tout le Grand Sud, mais également de Bourgogne. Elles n'attendent que notre feu vert pour nous envoyer des cars de viticulteurs pour nous prêter main forte », a annoncé Boris Calmette, président de Coop de France Languedoc-Roussillon. « Dans notre malheur, on se sent moins seul, confie Jean-Michel Sagnier, président des Vignerons de la Vicomté d'Aumelas, groupement des cinq coopératives de la moyenne vallée de l'Hérault qui se sont trouvées à l'épicentre de ces événements climatiques.
Le sel menace la vigne à Sérignan
La coopérative de Sérignan s'alarme : depuis vingt ans son vignoble dépérit par petites touches sous l'effet de la salinisation des terres. Mais depuis deux ans, le phénomène s'aggrave. Cette année, sous l'effet de la sécheresse, il a encore gagné en intensité. « Cette année, plus de 50 ha présentent des symptômes inquiétants : le bord des feuilles se sèchent, puis la végétation s'appauvrit et, finalement, les ceps meurent », s'alarme Arnaud Lupia, trésorier de la cave.
Pour la coopérative, qui compte 1 000 ha de vigne, l'enjeu est vital. « Si nous perdons 100 à 150 ha de vigne, nous ne serons plus viables. »
Une étude cofinancée par la coopérative et les collectivités locales va être lancée pour déterminer les causes de ces remontées de sel et les moyens de lutte.