« Nous avons reçu beaucoup d'appels des vignerons quand ils ont appris la fin du contrat vendanges, commente Séverin Barioz, directeur de la CAVB (Confédération des appellations et vins de Bourgogne). Ils étaient pourtant en vendanges, mais cette annonce les a vraiment contrariés. »
C'est en effet le 10 septembre, dans un article paru dans le quotidien Les Échos, que la filière a appris la probable suppression de l'exonération d'une partie des charges salariales (7,8 %) dans le contrat vendanges. Une information qui s'est révélée exacte : malgré les protestations de la profession, cette mesure figure bel et bien dans le projet de loi de finances pour 2015, dévoilé le 1er octobre. « Un vendangeur perdra entre 50 et 100 €, selon le mode de rémunération et la durée de son contrat », évalue Christophe Pernet, président de la délégation des employeurs au SGV (Syndicat général des vignerons de Champagne).
300 000 contrats vendanges. En Bourgogne, la CAVB a calculé une perte de 43 € pour un vendangeur qui travaille huit heures pendant six jours et qui perçoit 468,11 € nets. « Ce n'est pas neutre sur six jours de travail, pour un retraité, une personne sans emploi ou un salarié qui prend des congés pour vendanger », poursuit Séverin Barioz.
On compte environ 300 000 contrats vendanges dans toute la France, la Champagne totalisant à elle seule 120 000 contrats, la Bourgogne 45 000 et le Beaujolais 30 000. « On ne peut pas nous féliciter d'embaucher 120 000 personnes pour les vendanges et nous taxer un peu plus chaque année, dénonce Pascal Férat, président du SGV.
L'an dernier, le coût de la vendange a progressé de 20 millions d'euros sur l'ensemble de la Champagne à cause de la hausse des charges patronales. » Ces charges sont en effet passées de 8 à 43 % pour les salaires dépassant 1,25 Smic.
Pascal Férat rappelle que les lois n'ont pas toujours les effets escomptés. Le durcissement des conditions de logement des vendangeurs (9 m2 par vendangeur) il y a quinze ans a fait progresser la présence de caravanes. La fin du contrat vendanges pourrait se traduire par une mécanisation plus importante de la récolte. En Champagne, la machine à vendanger est interdite. Un groupe de travail y réfléchit - prudemment - au sein de l'interprofession.
La Cnaoc tente d'inverser la vapeur en alertant les parlementaires des conséquences néfastes de la décision du gouvernement. Mais les espoirs paraissent minces d'obtenir gain de cause. Reste une option pour ne pas faire baisser le salaire net du saisonnier : que l'employeur augmente le salaire brut. Pour un vendangeur percevant 600 € net, il faudrait que l'employeur ajoute environ 85 € bruts pour compenser la perte de salaire de 50 €. Mais cette prime pourrait faire basculer les cotisations patronales de 8 à 43 %. Conseil des comptables : faire des simulations avant de prendre toute décision.
L'équité entre saisonniers
Pour justifier sa décision, le gouvernement met en avant un jugement du Conseil constitutionnel. Le 6 août dernier, le Conseil a estimé inconstitutionnelle d'accorder une réduction de cotisations sociales aux salariés payés entre 1 et 1,3 Smic au motif de l'équité entre les salariés. Partant de ce principe, le ministère de l'Agriculture souhaite se protéger d'une éventuelle plainte d'un saisonnier cueillant des pommes, insatisfait de ne pas bénéficier des mêmes conditions qu'un vendangeur. « Sur le plan de l'équité, il me semble qu'il y a bien d'autres points à remettre à plat avant le contrat vendanges », objecte Christophe Permet. Le gouvernement affirme aussi que les exonérations liées au contrat vendanges ne sont pas parvenues à le rendre plus attractif.
Le Point de vue de
LOUIS-MICHEL LIGER-BELAIR, VITICULTEUR À VOSNE-ROMANÉE (CÔTE-D'OR) SUR 10,5 HA
« Vendanger sera encore moins attractif»
« Chaque année, j'emploie 40 vendangeurs pendant une semaine, du lundi au dimanche soir, et, en complément, 40 vendangeurs uniquement pour le week-end. Cela fait donc 80 contrats vendanges par an, les vendangeurs étant rémunérés à l'heure et non à la tâche. En une semaine, ils gagnent environ 500 € nets. La fin de l'exonération d'une partie de leurs charges sociales va leur faire perdre environ 50 €. C'est vraiment dommage car ce ticket de 500 € en septembre permet de bien commencer l'année. Mes vendangeurs viennent pour la moitié de Côte-d'Or, les autres faisant les saisons. Ils sont retraités, chercheurs d'emploi ou étudiants. Ceux qui viennent uniquement le week-end sont déjà salariés. En tant qu'employeurs, nous ne sommes pas touchés, mais cela va devenir encore plus compliqué pour nous de trouver des vendangeurs. Cela va inciter ceux qui y pensaient déjà à passer à la vendange mécanique, qui est deux fois moins coûteuse. Et cela fera de nouveau des emplois en moins. »