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ACTUS - FRANCE

Santé publique Surprise à l'Assemblée nationale

La vigne - n°274 - avril 2015 - page 18

Les députés ont obtenu la création d'un groupe de travail chargé de définir la publicité dans le cadre de la loi Évin. Cela permettra que des articles de presse ne puissent plus tomber sous le coup de cette loi.
Le député UMP Guillaume Larrivé a pris la parole pour demander au gouvernement de ne pas durcir la loi Évin. ©C. PETIT TESSON/MAXPPP

Le député UMP Guillaume Larrivé a pris la parole pour demander au gouvernement de ne pas durcir la loi Évin. ©C. PETIT TESSON/MAXPPP

On pensait que les jeux étaient faits. Mais non. Il y a bien eu une surprise lors des débats dans la nuit du 1er avril à l'Assemblée nationale. Les députés étaient chargés d'examiner l'article de la loi de santé publique qui autorisait le ministre de la Santé à définir le message sanitaire obligatoire sur les publicités pour les boissons alcoolisées. Cette disposition avait été soufflée par l'Anpaa qui exige que l'avertissement « L'alcool est dangereux pour la santé » figure sur les publicités.

La filière ne pouvait pas l'accepter. Vin et Société et la Cnaoc ont donc mobilisé les députés pour qu'ils s'opposent à ce texte. Le 1er avril, de nombreux élus ont répondu présents. À partir de 21 h 30, vingt d'entre eux se sont succédé pour défendre la viticulture et le vin avec plus ou moins d'ardeur et d'éloquence ; pour l'essentiel, des membres de l'UMP.

Mais avant la séance, leur parti avait conclu un pacte avec le gouvernement : on ne touche pas à la loi Évin. Pas de durcissement du message sanitaire, ni de définition du champ de la publicité comme le prévoyait un autre amendement, obtenu par la viticulture celui-là, pour empêcher que des articles de presse tombent sous le coup de la loi Évin, comme on l'a déjà vu. La soirée devait donc se terminer par un match nul entre la filière et les hygiénistes menés par l'Anpaa.

C'est dans ce contexte que les députés ont pris la parole. « J'ai l'honneur et la joie d'être le député d'Irancy, de Coulanges-la-Vineuse, des côtes d'Auxerre, (...) de Chablis, a déclamé Guillaume Larrivé (UMP). Autant de noms évocateurs, qui sont une des fiertés du patrimoine français. Je voudrais me faire le porte-parole des viticulteurs (...) : laissez-les travailler, Madame la ministre ! Nous sommes fiers d'être ce que nous sommes (...). Notre message est simple : laissez la viticulture rayonner, ne touchez pas à l'équilibre de la loi Évin. »

Entre ces odes aux régions viticoles et des rappels des bienfaits de la consommation modérée de vin, Véronique Louwagie, députée UMP de l'Eure, a donné une leçon de communication. « Avec cette nouvelle loi, les messages pourront différer selon les situations (...). Les avantages du message actuel, « L'abus d'alcool est dangereux pour la santé », sont son unicité et sa simplicité (...) En matière de communication, nous savons que la répétition est le meilleur moyen d'assurer la transmission de l'information. »

« Un texte équilibré »

Après le vingtième orateur, Marisol Touraine a salué « les expressions convergentes » des élus. « La loi Évin est un texte équilibré, respecté depuis des années, a-t-elle poursuivi. Cet équilibre, le gouvernement y tient. »

Puis, à 22 h 20, ce fut la surprise. Juste avant de passer au vote, l'UMP a demandé une suspension de séance. Pour quelle raison ? On allait bientôt le savoir.

Cinq minutes plus tard, les députés sont revenus à leur place, Alain Suguenot s'arrêtant d'abord chez Marisol Touraine pour lui faire part du conciliabule qui venait d'avoir lieu.

À la reprise des débats, c'est Arnaud Robinet, député UMP de la Marne, qui a révélé la nouvelle position de son groupe. « Nous demandons la constitution d'un groupe de travail au plus vite, avant la lecture au Sénat, pour étudier et redéfinir tout ce qui concerne la publicité et la communication. »

Ainsi, l'opposition avait décidé de ne pas lâcher l'affaire de la définition de la publicité. Sans doute s'est-elle sentie en position d'obtenir gain de cause, vu le nombre de parlementaires venus défendre la viticulture. Marisol Touraine a donné son aval à la constitution de ce groupe de travail incluant la majorité et l'opposition. Reste à savoir s'il se réunira bien avant l'examen de la loi de santé publique par le Sénat.

Les craintes de l'Anpaa

Le 1er avril, quelques heures avant le débat, l'Anpaa s'est alarmée des demandes de la filière. L'association a convoqué d'urgence une conférence de presse pour avertir des conséquences catastrophiques, selon elle, qu'aurait le moindre changement de la loi Évin. « Entre 2009 et 2014, la consommation des jeunes a été multipliée par deux et même par cinq chez les jeunes femmes », a rappelé le Dr Bernard Basset, de l'Anpaa, tout en reconnaissant le rôle des alcools forts, et non du vin, dans ces alcoolisations. Il a prédit une évolution similaire en cas d'assouplissement de la loi Évin. ll a soutenu que la loi HPST de 2009, qui avait autorisé la publicité pour l'alcool sur internet, était la cause du doublement de la consommation d'alcool par les jeunes.

« La filière mérite mieux que ça ! »

« Je suis en colère, martèle Bernard Farges, après le refus de l'Assemblée nationale de voter l'article clarifiant la définition de la publicité dans la loi Évin. La filière vin mérite mieux que ça ! » Président de la Cnaoc et vice-président de Vin et société, il explique que la filière a peut-être eu tort de se réjouir du visage clément affiché par le gouvernement lors du Salon de l'agriculture. « C'est à chaque fois la même chose : on nous promet une bombe, pour nous vendre le statu quo ou un léger recul ! » analyse-t-il. « L'amendement porté par Denys Robiliard aurait clarifié la loi Évin. Au lieu de cela, nous allons continuer à vivre dans un flou juridique », déclare pour sa part Joël Forgeau, président de Vin et Société. Qu'attendent-ils du groupe de travail parlementaire sur la définition de la publicité ? « Nous y participerons avec vaillance, détermination et obstination », se contente d'indiquer Bernard Farges.

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