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DOSSIER - Bonnes nouvelles de nos régions

Corse Son nom fait rêver

ÉMILIE-ANNE JODIER - La vigne - n°282 - janvier 2016 - page 38

En travaillant ses vins et son encépagement, l'île de Beauté a vu sa cote de popularité grimper, surtout à l'exportation. Des marchés de niches, certes, mais valorisants.
PIERRE ACQUAVIVA, vigneron au domaine Alzipratu, à Zilia, en Haute-Corse : « Nous commençons à exister. » © C. CRUELLS

PIERRE ACQUAVIVA, vigneron au domaine Alzipratu, à Zilia, en Haute-Corse : « Nous commençons à exister. » © C. CRUELLS

« Longtemps, on nous a dit que nos vins étaient chers, se souvient Yves Leccia, vigneron dans l'appellation Patrimonio et président de l'Union des vignerons propriétaires de caves des appellations contrôlées de Corse, qui regroupe près d'une trentaine de caves particulières. De plus, ils étaient catalogués comme des petits vins. Aujourd'hui, nous n'avons plus de problème pour faire passer des prix en phase avec la qualité de nos produits. »

Les Corses ont travaillé pour que cette réputation de petits vins ne soit plus qu'un lointain souvenir. Ils ont amélioré la qualité de leurs vins et joué sur les particularités de leur île, en particulier sur les cépages insulaires que sont le niellucciu, le sciaccarello et le vermentinu, dont la plantation est encouragée par le plan de restructuration du vignoble. Entre 2008 et 2013, leur part a ainsi grimpé de 45 à 50,6 % du vignoble quand le trio merlot, syrah et chardonnay a, lui, reculé de 26 à 20 % et que le grenache s'est maintenu à 10 %.

« La Corse, c'est un nom qui fait envie, surtout à l'international, témoigne Lina Venturi-Pieretti, du Domaine Pieretti. Outre le côté sauvage de notre île, nos vins ont désormais une véritable identité. » La vigneronne vinifie deux cépages phares de la Corse, le niellucciu et le vermentinu. Elle vend au Royaume-Uni, au Québec et au Luxembourg des vins qui peuvent atteindre 20 euros sur son domaine.

« Aujourd'hui, on parle beaucoup de la Corse alors que nous ne représentons que 340 000 hl », s'étonne encore Jean Foch, directeur général de la coopérative Union des vignerons de l'Île de Beauté, à Aléria. « Le nom de Corse est une marque en soi, c'est devenu un gage de qualité. »

La cave d'Aléria a conquis la France avec sa Réserve du Président. Elle en a vendu 700 000 cols en deux ans à environ 5 euros, dans la grande distribution. L'union a produit d'autres rouges, plus racés, bien notés par Parker, avec un beau succès commercial à la clé. Depuis le mois de janvier 2015, elle a aussi écoulé 100 000 bouteilles de rosé à l'export. « C'est une excellente surprise, avec une belle valorisation par rapport à ce qu'on peut faire ailleurs, affirme Jean Foch. D'ailleurs, si nous avions plus de volumes, nous pourrions vendre davantage. »

« On commence à exister, constate aussi Pierre Acquaviva, du domaine Alzipratu. Nous arrivons à mettre le pied sur des marchés concurrentiels. »

Pour lui, la meilleure des vitrines, c'est la Corse elle-même. « Beaucoup d'importateurs ont découvert nos vins en étant tout d'abord des touristes. » Aujourd'hui, il vend 20 % de ses vins à l'export, des bouteilles qui peuvent aller jusqu'à 25 euros, sans que cela fasse peur aux acheteurs.

Alors que le rosé est la couleur star de l'île, le vigneron est positionné « sur des vins rouges et blancs, et sur une appellation, Corse Calvi, un peu plus chère. Nos clients sont ravis de goûter des cépages propres à l'île. Ils sont sensibles aux démarches authentiques. Et pour eux, le niveau qualitatif de nos vins justifie leur prix. »

Et quand les acheteurs ne viennent pas jusqu'en Corse, la Corse vient à eux. L'interprofession y tient et se tourne vers les États-Unis. « C'est un marché qui nous correspond bien », assure Éric Poli, président du Comité interprofessionnel des vins corses (CIVC). La Corse travaille sa particularité jusque dans ses événements. Au mois d'avril, le CIVC a organisé à New York une dégustation mêlant rencontre professionnelle et art contemporain. « Nous avons été très surpris du succès de cette initiative, se souvient Éric Poli. Nous avions du monde pendant la journée, réservée aux professionnels, et les soirées, ouvertes au grand public et payantes, ont affiché complet ! Le marché local ne peut pas absorber davantage de vins. Il est essentiel pour nous d'exporter. Ce débouché représente désormais 60 000 hl, soit 20 % de notre production, alors qu'il y a dix ans, il était quasiment inexistant... »

340 000 hl

C'est le volume de vin corse commercialisé en 2015. Le marché local représente 35 % des volumes (120 000 hl) et la France continentale 45 % (160 000 hl). 20 % des vins, soit 60 000 hl, s'envolent vers d'autres pays. Source : études Abso

ÇA POURRAIT ALLER MIEUX...

- La trop grande place des rosés en chagrine plus d'un, même si ces vins rencontrent un franc succès à l'export. « Cela me contrarie un peu. Quand on vend du rosé, on vend moins de terroir ou de cépages. Il faut en faire, surtout si les gens en demandent, mais attention à ne pas perdre notre typicité. Et c'est toujours mieux de ne pas s'enfermer dans une couleur », prévient Yves Leccia, président de l'UVA Corse. En 2014, 55 % des vins d'AOP étaient des rosés, 60 % pour les vins de pays.

- Le vignoble a besoin de grossir. Depuis le début des années 2000, le vignoble corse a perdu près de 1 000 ha pour tomber à 6 000 ha aujourd'hui. Désormais, la région veut tirer un trait sur une longue période d'arrachage. « C'est primordial pour nous, estime Éric Poli, président du Comité interprofessionnel des vins corses. La demande augmente, et de plus en plus de gens veulent s'installer. C'est la preuve que tout va bien. Mais il faut grandir encore. »

L'essentiel de l'offre

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