Après avoir travaillé ma vigne pendant cinquante ans avec respect et amour, après avoir guidé, année après année, tous mes plants afin de produire un vin, un nectar qui est l'expression naturelle de mes terroirs et que le temps, plus ou moins bienfaiteur, vient parfaire, comment accepter la politique du "vin business" ? Comment accepter que des vins soient dictés par des "gourous" ou des oenologues, associés à des journalistes qui se renvoient la balle avec des "Je t'aime, moi aussi" ? Nous devons nous élever contre tous ces businessmans malfaisants, ces guides de style Parker qui font fabriquer des bêtes à concours et des vins au goût anglo-saxon. N'oublions pas que nous sommes dépositaires, pendant le court moment de notre vie de vigneron, de terroirs exceptionnels. Nous devons les respecter et les révéler au travers des vins que nous produisons. Nous sommes les gardiens d'un temple inestimable ! Continuons cet art viticole qui consiste en une métamorphose partant du pied de vigne pour arriver à un vin qui doit sublimer et transcender les palais les plus avertis. Nous ne devons, en aucun cas, adapter nos vins au goût de tel ou tel acheteur. Viticulteurs, ne vous laissez pas tenter par ces bienfaiteurs du moment ! Ne vous laissez pas guider par ces marchands de papier qui se collent sur notre profession comme des sangsues. Allez vous recueillir dans votre cave ou dans votre vigne, et non pas dans votre bureau ! Alors, vous sentirez votre âme de vigneron vous régénérer. Alors vous serez fier de garder le cap, celui qui doit faire grandir votre région viticole. Je sais que nous sommes nombreux à bien faire notre métier. Mais les autres, ceux qui jouent avec la vigne et le vin comme on joue au poker, ont pignon sur rue et beaucoup de jeunes sont tentés de les suivre en jouant la facilité du moment.