AU PRIEURÉ DE SAINT-JEAN-DE-BÉBIAN, Benoît Pontenier (à gauche) voulait protéger ses rosés. Cécile Rouquette (à droite) lui a vendu un Nitréo, qui produit jusqu'à 8,3 m3 d'azote par heure. M. BAZIREAU
AU CHÂTEAU DES ESTANILLES, la « ChapoBox » maintient constante la pression d'azote dans les chambres à air des 28 cuves à chapeau flottant. Avec elle, le directeur technique Arnaud Barthe (à gauche) et le propriétaire Julien Seydoux (à droite) sont rassurés. Il leur suffit de regarder l'aiguille des manomètres pour repérer une fuite dans l'une des chambres à air. M. BAZIREAU
Dans le Languedoc, le domaine Prieuré Saint-Jean-de-Bébian et le château des Estanilles ne lésinent pas sur les moyens pour produire de bons vins. Dans cette optique, ils viennent tous deux de réaménager leur chai. Le premier a opté pour un chai design et gravitaire, le second pour une cuverie très fonctionnelle parsemée de cuves à chapeau flottant très bien adaptées à la vinification parcellaire.
Ce n'est pas leur seul point commun. Avant les vendanges 2015, leurs propriétaires ont acquis une centrale de production d'azote. À la manoeuvre, Cécile Rouquette, cogérante d'Airtech & nomeca, une entreprise vendarguoise spécialisée dans l'installation de compresseurs et de générateurs d'azote.
« Nous souhaitions préserver la couleur de nos rosés, explique Benoît Pontenier, le directeur du Prieuré de Saint-Jean-de-Bébian. Cela passait par une plus grosse utilisation de l'azote. Le mieux était donc d'en produire sur place. » Un compresseur d'air de grande capacité a ainsi été installé dans le local technique, au fond du chai. Il alimente à la fois le réseau d'air comprimé de la cuverie et un générateur d'azote, le Nitréo. Le tout pour 30 000 €. Chaque heure, ce générateur peut produire 8,3 m3 d'azote à 99,9 % de pureté. Presque autant que les grandes bouteilles d'azote que l'on a l'habitude de voir dans les chais, qui en renferment 9 m3 et que l'on achète entre 40 et 100 €. L'azote est stocké dans une cuve de 1 500 litres qui dessert le réseau de distribution. Lorsqu'un caviste prélève de l'azote, le générateur détecte le changement de pression et se remet en route. On l'entend à peine tourner lorsque la porte du local est fermée.
Disposant d'azote en quantité illimitée, Benoît Pontenier ne s'est pas longtemps cantonné au rosé. À partir de plusieurs points de piquage disposés dans le chai, il l'utilise désormais pour inerter toutes ses cuves en vidange, « en mélange avec du CO2 afin de bien occuper l'espace », gonfler les chambres à air de ses chapeaux flottants, protéger le vin servi au verre à la boutique par un Enomatic et, bientôt, pour sa mise en bouteilles. « Nous songeons également à soutirer les barriques à l'azote, ce qui serait un luxe puisqu'à ce stade nos vins sont déjà bien chargés en CO2 et donc, a priori, protégés. » Même s'il ne vinifie que 900 hl et n'utilise pas des quantités exceptionnelles d'azote, le directeur technique pense amortir son investissement d'ici trois à cinq ans.
Il est difficile pour un vigneron de prévoir combien d'azote il va utiliser. C'est ce que retient Cécile Rouquette de ses dix ans d'expérience. Sur ce point, Airtech & nomeca se démarque de ses concurrents, en proposant des solutions modulables. « Lorsqu'un vigneron a besoin de plus d'azote, il peut rajouter un ou plusieurs modules de filtration au générateur », argumente-t-elle. Sans racheter de générateur, on peut donc passer d'une production de 10 à 100 m3 par heure. De quoi voir venir... Pour moins de 10 000 €, l'entreprise propose également le Mini Nitréo, qui permet d'évoluer de 3,5 à 15 m3 par heure.
Le Château des Estanilles vient justement d'augmenter sa capacité de production d'azote. Arnaud Barthe, le directeur technique de ce domaine situé près de Faugères, a fait rajouter deux modules de filtration et une cuve de stockage à son générateur. « Au départ, nous utilisions l'azote avec parcimonie, uniquement pour dégazer les vins. Aujourd'hui, nous ne nous privons plus. Nous allons même jusqu'à sécher nos bouteilles à l'azote après leur rinçage. »
Il a désormais 4 000 litres d'azote à sa disposition. Ce qui est bien assez pour vinifier sans peur de manquer ses 1 000 à 1 400 hl annuels. Sa cuverie est uniquement composée de cuves en Inox à chapeaux flottants (de 70 hl pour la plupart). En la visitant, on repère rapidement les points de raccordement au réseau d'azote, placés dans des recoins stratégiques. Sur un mur, l'oeil est également attiré par une platine en Inox pourvue de quatre manomètres. « C'est la ChapoBox, notre dernière invention », intervient Cécile Rouquette. Il s'agit d'un coffret de contrôle et de maintien de la pression dans les chambres à air des chapeaux flottants qu'elle a présenté au dernier Sitévi. Cette platine fait le lien entre le Nitréo et 28 cuves à chapeau flottant. Entre les deux, on trouve des réseaux de câbles, d'autres manomètres et des clarinettes qui s'ouvrent ou se ferment pour alimenter les chambres à air en azote. Arnaud Barthe est conquis. « Avec ce système, nous n'avons plus besoin de faire le tour des chapeaux flottants tous les deux jours pour vérifier qu'ils sont intègres, ni de pomper pour les regonfler. Il suffit de regarder les manomètres : si une aiguille vibre, c'est que de l'azote est envoyé dans la chambre à air correspondante. Cela signifie qu'elle est percée. De même, lorsque le chai est silencieux et que l'on entend un petit sifflet : c'est qu'il faut changer une chambre à air. Mais, pas de panique : l'azote qui s'en échappe forme un ciel gazeux en haut de la cuve et protège le vin de l'oxydation. »
Cette installation a demandé un peu de tâtonnement au départ, pour trouver la bonne pression à maintenir dans les chambres et éviter que celles-ci soient sous-gonflées ou qu'elles éclatent. Pour la ChapoBox, le château des Estanilles a déboursé un peu moins de 10 000 €. Son réseau de distribution d'air et d'azote de 300 mètres lui avait auparavant coûté 20 000 €.
Depuis qu'il a généralisé l'utilisation de l'azote, Arnaud Barthe a déjà pu diminuer le sulfitage de ses vins. Résultat, il les trouve plus fruités.
Centrale d'azote : comment ça marche ?
Le fonctionnement d'une centrale d'azote est assez simple. Dans un premier temps, l'air, qui contient 78 % d'azote, est comprimé par un compresseur. Il passe ensuite dans une petite cuve et dans un pack de filtration, où il est séché et débarrassé de ses impuretés pour devenir alimentaire. Ensuite, il entre dans le générateur d'azote. C'est là que ce gaz est séparé des autres en circulant au travers d'une colonne à charbon. À la sortie, l'azote est envoyé dans une cuve intermédiaire. Il circule à nouveau dans le générateur, où il est en même temps analysé. S'il a atteint le niveau de pureté souhaité par le viticulteur, fixé à 99,5 % ou 99,9 %, il est envoyé dans la cuve finale de stockage. Sinon, il repasse dans le circuit. La cuve de stockage est reliée à un réseau de distribution qui dessert les zones stratégiques du chai.
Le plein d'accessoires malins
Airtech & nomeca ne propose pas que des générateurs d'azote. La société commercialise également un mélangeur de CO2 et d'azote et une « Nitrobox », une petite platine en Inox qui peut se monter sur un chariot et qui permet de piloter finement la pression et le débit de l'azote lors des dégazages ou des remontages. Autre accessoire malin, le « Purg'Ciel », un petit boîtier qui analyse le creux des cuves en vidange et qui les balaie jusqu'à ce qu'ils passent sous la barre de 1 % d'oxygène. Lors du dernier Sitévi, l'entreprise a également dévoilé le « Purgéo », un appareil qui chauffe l'azote, ce qui le dilate et permet d'inerter les cuves beaucoup plus rapidement.