« Les gens pensent qu'un beau carton, cela coûte cher. Il faut se retirer ça de la tête », insiste Jean-Charles Bellière, responsable commercial de Viallon Emballage pour le Languedoc-Roussillon. Le cartonnier a lourdement investi dans la flexographie. Une technique moins coûteuse que l'offset, l'impression traditionnelle, qui reste la référence grâce à son rendu quasi parfait, mais qui impose de commander des grandes séries. La flexographie, quant à elle, nécessite moins de temps, s'adapte parfaitement aux petites séries et n'en finit pas de s'améliorer.
« Chez Viallon Emballage, nous pouvons désormais imprimer jusqu'à six couleurs, ou cinq en plus d'un vernis, détaille Jean-Charles Bellière. Grâce aux avancées techniques, de très belles impressions sur carton sont possibles sans augmenter le coût unitaire pour les vignerons. » À l'inverse de l'offset, qui nécessite des multiples manipulations faisant ainsi grimper le prix unitaire (voir lexique p. 65).
Le carton original et personnalisé devient donc accessible. « C'est une véritable tendance, de plus en plus de cartons sont utilisés comme support de communication, explique Alexandre Latz, directeur commercial et marketing de Concept Emballage. Et plus seulement pour les vins haut de gamme... » Jean-Charles Bellière confirme : « Les belles impressions étaient jusqu'à présent plutôt réservées aux contenants de six bouteilles premium. Mais il n'y a plus de règles aujourd'hui. »
« Les vignerons ont compris que le packaging de la bouteille et de l'étiquette est important. L'étape suivante, c'est le carton », anticipe Olivier Delpech, directeur de Graphival, dans le Val de Loire. Avec sa machine numérique, il ambitionne de proposer des petites séries très qualitatives aux viticulteurs pour « qu'ils ne mettent plus leurs vins dans un carton, mais leurs flacons dans un écrin ». Un vocabulaire qui se rapproche de l'univers des cosmétiques. « C'est exactement cela, confirme Raphaël Velasco, directeur général de Maubrac Emballage, dans le Bordelais. L'avenir, c'est la qualité de l'impression. Les clients sont devenus de plus en plus exigeants. Et ils sont prêts à mettre le prix. »
Des prix difficiles à déterminer, cartonniers et imprimeurs étant peu enclins à donner des fourchettes précises. Les tarifs dépendent en effet des volumes mais aussi des couleurs et des effets désirés. Flexographie et impression numérique sont deux techniques d'impression qui viennent rivaliser avec l'offset. Elles ouvrent surtout la possibilité de commander de faibles quantités, chose impensable avec la méthode traditionnelle. Or, en segmentant les gammes, les vignerons ont parfois à coeur de valoriser une seule cuvée, notamment avec un carton qui se démarque.
À Bordeaux, Mauco vient également de s'équiper d'une imprimante numérique justement « pour répondre à une demande croissante pour des petites séries personnalisées en quadrichromie, indique Stéphanie Lorenzato, directrice commerciale du concepteur d'emballage. Le numérique offre un résultat d'impression très fin et très précis. De plus, ce process permet de la réactivité à moindre frais puisqu'il nécessite simplement l'envoi d'un fichier numérique. Il n'y a pas besoin en amont de fabrication de clichés ou de plaques, contrairement aux autres techniques d'impression ».
Les cartons versent alors dans le raffinement et se parent presque d'autant d'atours que les étiquettes (couleurs, photos, dorure, vernis...). « Bien sûr, cela a un coût », reconnaît Olivier Delpech. Sur des très petites séries d'une grande qualité, les cartons peuvent atteindre 2,50 euros HT. Mais l'imprimeur assure qu'un tel investissement n'est pas vain : « La grande distribution et les cavistes ont tendance à placer en avant les beaux emballages sans que cela coûte un centime au vigneron... »
Si les formes restent sages, la caisse traditionnelle perd du terrain face à sa rivale plate. « La mode, en ce moment, est à la caisse de six bouteilles à plat, aussi bien en coffret (avec un couvercle qui se referme) qu'en caisse américaine (ouverture par le milieu au-dessus et en dessous) », rapporte Alexandre Latz. Nombreux sont les fournisseurs à confirmer cet engouement. « C'est un produit tendance, élégant et féminin, puisque plus pratique à porter qu'une caisse traditionnelle, observe Stéphanie Lorenzato. Enfin, le modèle à fond plat présente un avantage supplémentaire : il offre une plus grande surface de communication, idéale pour les clients qui "markettent" leur gamme. » Aux vignerons de laisser parler leur imagination.
L'IMPRESSION TRADITIONNELLE EN OFFSET
L'IMPRESSION TRADITIONNELLE EN OFFSET est la référence grâce à son rendu parfait, comme une photographie. Elle nécessite cependant de commander de grandes séries du même carton et engendre un coût non négligeable.
L'IMPRESSION EN FLEXOGRAPHIE
L'IMPRESSION EN FLEXOGRAPHIE gagne en qualité et s'applique aux petites séries pour valoriser une cuvée, par exemple.
« Mon meilleur support de communication »
Jean-Pierre Pieracci fait un peu de vente directe mais vend beaucoup aux restaurateurs et cavistes. Il a craqué pour un modèle de carton à plat pour mettre en valeur ses côtes-de-Provence et bandols produits sur 15 ha, au domaine Pieracci. « On m'a fait remarquer que c'était trop cher pour moi, mais j'ai tenu bon ! C'est un coût, c'est sûr, et nous avons dû rogner sur d'autres postes, comme la publicité par exemple. Et finalement, il s'avère que c'est notre meilleur support de communication. Une belle bouteille, une belle étiquette, un bel emballage, ça donne de la valeur au vin. » Et le vigneron savait ce qu'il voulait : « Au moment de choisir la couleur, nous étions dans le chai, où il fait sombre, et l'orange est ressorti tout de suite. » L'affaire était faite.
Résultat: un carton qui se démarque face aux emballages blancs ou kraft. « Maintenant, on nous identifie vraiment grâce à lui. Les clients en prennent soin, ils m'en rendent même certains que je réutilise. D'autres les conservent chez eux. C'est une partie de notre identité et nous l'utilisons pour tous nos vins, vendus entre 10 et 18 euros à la propriété. »
Carton de six bouteilles à plat avec couvercle, impression offset avec vernis de Concept Emballage.
« J'ai voulu raconter mon histoire »
Jeune vigneron d'origine belge, Pierre-André de Groot est à la tête de 8 ha au domaine Tabouriech, dans l'Hérault. En visant une clientèle belge, il trouvait important de se montrer sur ses cartons. « Pour le consommateur final ou même l'acheteur, un beau carton ça marque l'oeil. Il m'a semblé opportun de profiter de cette surface pour y intégrer des photos et un peu de texte pour raconter mon histoire. J'ai aussi voulu montrer les barriques et le chai, parler du terroir de manière un peu traditionnelle et mettre en avant notre travail. » Destinés au marché traditionnel belge, ces vins - blancs Pays d'Oc et rouges Côteaux d'Ensérune - et ce carton ont été présentés à Vinisud. L'emballage a plu. « Sans compter que les beaux cartons sont souvent disposés de manière à être vus, à l'entrée des magasins par exemple... », note malicieusement Pierre-André de Groote.
Carton en papier semi-couché, impression par flexographie en 5 couleurs et vernis, de Viallon Emballage.
« Un seul carton pour le blanc et le rosé »
Le domaine Preignes le Vieux a sauté le pas pour sa cuvée Paradis, un IGP Pays d'Oc rosé et blanc destiné au circuit traditionnel, en France et à l'export. « Dans ce cadre, le carton est souvent le tout premier contact qu'ont nos acheteurs avec nos vins, observe Julie Bordeau, chargée de communication du domaine, situé dans le Languedoc. Pour ce produit plutôt estival, nous voulions un carton assez fun et accessible. »
Il a donc paru important de le soigner en tirant parti du visuel qui est utilisé sur les autres supports de communication. « Ce sont d'ailleurs les propriétaires du domaine, Monsieur et Madame Vic, qui ont posé pour l'occasion. » La photo en noir et blanc offre une image de détente et de simplicité, et la bouteille vient se démarquer, par-dessus, en couleur. « Avec un nom comme Paradis, nous voulions éviter les clichés, comme les nuages ou les portes du paradis. Nous avons volontairement fait le choix d'axer le visuel sur la douceur de vivre et le plaisir. »
Pour économiser les coûts, un seul carton a été créé, il sert aussi bien pour le blanc que pour le rosé.
Les deux bouteilles sont représentées dessus, chacune sur un côté. « Et quand nous préparons les palettes, nous présentons toujours le côté qui correspond aux bouteilles qui se trouvent à l'intérieur, indique Julie Bordeau. Ce carton nous différencie vraiment des produits présentés en carton kraft, même si cela représente un coût. Nos agents nous ont fait un retour très positif sur le sujet. Nous n'excluons pas de recommencer avec d'autres vins ! »
Carton de six bouteilles debout, impression en flexographie six couleurs (Oc Packaging).
Opter pour le métal... recyclable
Une nouveauté packaging qui allie esthétisme et respect de l'environnement fait son entrée sur le marché.
Duran Dogan, membre de LGR Packaging, a mis au point un procédé de métallisation des cartons novateur. La fine couche de métal est appliquée par transfert, mais le film plastique utilisé pour ce faire est ensuite retiré. Puis, il suffit d'imprimer (en offset) le carton pour ajouter de la couleur. Les emballages peuvent alors adopter un rendu brillant (métallique ou holographique) tout en soignant leur image environne-mentale, car cette solution, baptisée Gloss & Green, assure un carton 100 % recyclable. Un argument supplémentaire pour passer au métal.
« Offrir du rêve »
« Je destine ce carton à toute ma gamme, aussi bien pour les vins que nous vendons à 9 euros que pour ceux vendus à 20 », indique Pierre-Henri Lassarat afin d'expliquer sa démarche marketing. Pas de jaloux donc, tous les vins du domaine Roger Lassarat (12,5 ha en Pouilly-Fuissé, Mâcon villages, Moulin à Vent et Saint-Véran) sont traités à la même enseigne. Le vigneron vend une grande partie en France, auprès des particuliers et du circuit traditionnel. « J'ai pris le temps de concevoir ce carton correctement, je l'avais en tête depuis longtemps. En réalité, nous communiquons sur les cartons depuis plusieurs années. Mon père le faisait déjà avant moi, mais je voulais moderniser un peu tout cela. Je souhaitais vraiment que ce modèle soit pratique et résistant. »
Outre l'aspect solide, le visuel fait son petit effet. « Avec la photo en grand, on fait entrer le client directement dans la cave ! Ça attire l'oeil, les gens ont presque l'impression que c'est un coffret. Le vin, c'est un peu comme un bijou : si on vous met une belle bague dans un sac plastique, ça n'a pas du tout la même allure ! Le carton est un plus, mais c'est dans la continuité du travail sur les bouteilles et les étiquettes. Quand on fait du bon vin, il faut le mettre en valeur. Cela représente un coût, certes, et encore, ce n'est pas flagrant, mais avec ce carton on offre du rêve, il véhicule l'image de notre domaine. Et quand le consommateur le voit dans sa cave, souvent au milieu de cartons plus traditionnels, il le reconnaît instantanément ! »
Carton Stylbox, impression offset, par Smurfit Kappa.
Le Point de vue de
BERNARD MESTRE, DESIGNER, AGENCE INVINI, DANS L'AUDE
« Il faut définir l'univers graphique dans lequel on veut raconter son histoire »
« Quand je travaille avec un vigneron sur la conception graphique d'un carton, je commence par bien définir ses besoins. S'il a déjà une signature qui permet de le reconnaître au premier coup d'oeil, il ne reste plus qu'à trouver la bonne idée pour le carton. Sinon, il est parfois nécessaire de réfléchir avec lui sur la communication globale du domaine. Le plus important, c'est de bien choisir l'univers graphique dans lequel le vigneron veut raconter son histoire mais aussi positionner son produit. Pour cela, je me déplace beaucoup sur les domaines, je rencontre les vignerons et je discute avec eux de leurs vins. À partir de là, le designer est force de proposition et à lui ensuite de traduire un certain nombre d'idées. Souvent, en ayant le nouveau visuel sous les yeux, les gens se rendent compte de l'impact qu'il peut avoir. On peut estimer le coût pour un design de carton entre 600 et 2 000 euros. Le coût de l'impression vient en plus. Personnellement, j'aime bien aller au bout de la démarche, donner des recommandations techniques, comme le choix des prestataires, celui du papier, du carton, etc. C'est important de proposer cette expertise. Côté tendance, si l'Espagne et l'Italie osent beaucoup de choses, la France se positionne sur des emballages simples, mais souvent très raffinés et très élégants. Il me semble qu'on revient à un certain classicisme qui correspond aux demandes du marché.