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AU COEUR DU MÉTIER

EN SAÔNE-ET-LOIRE, chez Frédéric Gueugneau et Benoît Pagot : « Nous progressons de 10 000 cols par an »

FLORENCE BAL - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 14

EN SAÔNE-ET-LOIRE, Frédéric Gueugneau et Benoît Pagot se sont associés pour devenir des spécialistes des vins de la Côte chalonnaise. Leur approche méticuleuse du travail de la vigne et des vins est à l'origine de leur succès.
LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

LE TABLEAU DE BORD DE LEUR EXPLOITATION

BENOÎT PAGOT (À GAUCHE) ET FRÉDÉRIC GUEUGNEAU reçoivent, sur rendez-vous, dans le salon d'époque de la maison Gouffier, de gros clients particuliers qui prennent 24 à 36 bouteilles. F. BAL

BENOÎT PAGOT (À GAUCHE) ET FRÉDÉRIC GUEUGNEAU reçoivent, sur rendez-vous, dans le salon d'époque de la maison Gouffier, de gros clients particuliers qui prennent 24 à 36 bouteilles. F. BAL

AUX FONTAINES, Frédéric Gueugneau a pris en fermage 5,5 ha appartenant à la famille Gouffier puis il s'est associé avec l'oenologue Benoît Pagot pour créer la Maison Gouffier. F. BAL

AUX FONTAINES, Frédéric Gueugneau a pris en fermage 5,5 ha appartenant à la famille Gouffier puis il s'est associé avec l'oenologue Benoît Pagot pour créer la Maison Gouffier. F. BAL

BENOÎT ACTIONNE LE ROLL FERMENTEUR DE 900 L dans lequel les vignerons ont réalisé en 2016 un vin orange d'aligoté vinifié en grappes entières, tandis que Frédéric ouille une pièce de mercurey de 2016. F. BAL

BENOÎT ACTIONNE LE ROLL FERMENTEUR DE 900 L dans lequel les vignerons ont réalisé en 2016 un vin orange d'aligoté vinifié en grappes entières, tandis que Frédéric ouille une pièce de mercurey de 2016. F. BAL

DANS CETTE PARCELLE de 70 ares de chardonnay, les vignerons inspectent la reprise de leurs complants.  F. BAL

DANS CETTE PARCELLE de 70 ares de chardonnay, les vignerons inspectent la reprise de leurs complants. F. BAL

Ils sont viticulteurs sur 5,5 ha et acheteurs de vendange et de moûts sur une surface bientôt équivalente. À Fontaines, en Saône-et-Loire, Frédéric Gueugneau et Benoît Pagot se sont associés pour créer la SAS Maison Gouffier. En 2016, leur sixième millésime, ils vont élaborer 47 000 cols dont 30 000 issus de leurs propres raisins. Leur gamme compte 18 vins vendus entre 8 et 19,50 euros.

« On est parti de rien, expliquent les deux associés. On s'est dit qu'on pouvait facilement viser une augmentation de nos ventes de 10 000 cols par an pendant huit à dix ans pour arriver à vendre entre 80 0000 et 100 000 bouteilles. » Pour le moment, c'est bien parti.

Tout démarre en 2010. Frédéric Gueugneau, titulaire d'un DEA de droit rural, vient de quitter la coopérative La Chablisienne où il a travaillé pendant sept ans comme responsable des relations avec les adhérents.

Originaire du village de Fontaines, il faisait régulièrement les vendanges et les vinifications chez Jérôme Gouffier, son voisin et ami. Or, ce dernier décède au mois d'octobre.

Ses enfants ne souhaitant pas reprendre l'activité, Frédéric s'en charge. Il crée l'EARL Domaine Gouffier et reprend en fermage 5,5 ha des 13 ha de vigne appartenant à la famille Gouffier ainsi que l'ensemble des bâtiments. Il fait appel à un laboratoire oenologique pour le conseiller. Ce dernier lui envoie Benoît Pagot, ingénieur chimiste et jeune oenologue. Entre les deux hommes, le courant passe.

En mars 2013, ils fondent ensemble la SAS Maison Gouffier pour acheter des raisins et des moûts, les vinifier et les vendre, en plus de ceux du domaine. « Nous élaborons des vins sans chichis, plaisants, faciles à déguster, avec de la tension et de la gourmandise, explique Frédéric. Les clients ouvrent nos bouteilles et les finissent. Le reste, c'est de la littérature. »

Des tâtonnements puis la reconnaissance

En 2013, ils ont l'occasion d'acheter 1 500 bouteilles dans des appellations de la Côte-d'Or. Mais leurs clients ne sont pas intéressés. Ils font partie de ces acheteurs, agacés par la hausse des prix dans le département, qui se rabattent sur les vins de la Côte chalonnaise, du Mâconnais et du Beaujolais où ils trouvent de très bonnes bouteilles entre 10 et 20 €. Les deux associés ne renouvelleront pas l'expérience. Ce même millésime, ils subissent une autre déconvenue. Ils ne sont pas satisfaits de la qualité de leurs pinots noirs et renoncent à les conditionner et à les vendre en bouteilles.

En 2013, ils connaissent toutefois une grande satisfaction : leurs vins du millésime 2012 sont mentionnés dans Bourgogne Aujourd'hui et La Revue du vin de France : ils acquièrent de la crédibilité.

De fil en aiguille, les deux associés s'insèrent dans la vie locale et nouent des relations avec des vignerons voisins. À partir de 2014, ils pratiquent l'achat de vendange. Ils établissent des partenariats à long terme, avec un engagement moral sur un prix pour trois ans. « En Côte chalonnaise, on trouve de très belles qualités et les cours assez stables nous donnent de la visibilité », soulignent-ils.

Achat de raisins sur pied et de moûts

Ils s'accordent avec des vignerons qui leur réservent des parcelles cadastrées dont ils pourront mentionner le nom sur les étiquettes. Ils leur achètent les raisins de pinot noir sur pied, réalisant eux-mêmes les vendanges. Pour les blancs, ils se procurent à 80 % des moûts : « Mieux vaut acheter de la vendange que des vins, si l'on veut une homogénéité entre les cuvées et une régularité entre les millésimes. »

Benoît gère les relations avec les prestataires, au nombre de six en 2016. « C'est du temps et de l'implication. Il faut être présent, expliquer la façon dont nous voulons que le vignoble soit tenu et notre projet de devenir des spécialistes de la Côte chalonnaise. Ainsi, nous exigeons une hauteur de feuillage minimum de 1,4 m sur les rouges et la réalisation, si nécessaire, d'un effeuillage entre la fleur et la fermeture de la grappe pour gagner en maturité - tanins, anthocyanes, sucres - et perdre en acidité. »

Frédéric et Benoît demandent aussi que les vignes soient ébourgeonnées et les relevages soignés. « Il ne doit pas y avoir de raisins dans les fils, précise Benoît. Car, neuf fois sur dix, on obtient un raisin pourri à la vendange, même s'il est trié. » Sur le domaine, ils travaillent intégralement le sol et délèguent les traitements à un prestataire de services.

Au chai, « avec le pinot, il est nécessaire de travailler la matière », explique Benoît. Il encuve de la vendange entière (5 % pour les appellations régionales, 25 % pour les premiers crus) et de la vendange égrappée avec une partie de ses rafles. « Cela donne au vin du fond, de la fraîcheur, une complexité aromatique et une structure tannique différente », justifie-t-il. La cuvaison commence par une macération préfermentaire à 12 °C, pour conserver le fruit. Elle s'achève par une macération postfermentaire à 30 °C pour stabiliser la couleur des vins.

Pour les blancs, ils pratiquent des vinifications traditionnelles en fûts afin d'obtenir un boisé équilibré. Tous les vins sont élevés sur lies fines et bâtonnés, ou pas, selon les millésimes.

Côté équipement, les vignerons disposent d'une capacité de 500 hl de cuves émaillées et en Inox, et d'un pressoir horizontal Lecep de 20 hl pour les rouges. Pour les blancs, ils louent tous les ans un pneumatique Diemme de 30 hl à cage ouverte.

Leur parc de fûts est passé d'une quarantaine de pièces en 2011, à 190 aujourd'hui. « Leur qualité est essentielle », estiment-ils. Ils travaillent exclusivement avec la tonnellerie Doreau « qui maîtrise toute sa chaîne de production. Ses pièces apportent de la finesse à nos vins avec un boisé discret, sans lourdeur ». Pour les bouchons, ils ont sélectionné l'espagnol Manuel Serra.

Un prestataire met les vins en bouteilles. Mais les associés préparent les vins. Sur les blancs, ils ne pratiquent qu'une seule filtration lenticulaire très lente juste avant la mise, en évitant toute surpression de plus de 0,1 bar. « Ainsi, on les filtre sans enlever la structure et en préservant la rondeur », confie Benoît. En revanche, les rouges ne sont ni filtrés ni collés, sauf exceptionnellement à la bentonite.

En 2014, ils déposent la marque Gouffier. Depuis 2015, l'EARL vend tous ses raisins à la SAS Maison Gouffier qui vinifie, élève, met en bouteille et commercialise tous les vins. Les étiquettes, très sobres, sont toutes sur le même modèle. Elles portent le nom de Gouffier ainsi que ceux de l'appellation et de la parcelle d'origine sur un fond blanc. En haut, en petits caractères, figure la mention « grand vin de Bourgogne ». Les contre-étiquettes affichent les mentions obligatoires et détaillent si le vin est issu du domaine ou pas, la part de fûts neufs et celle de vendanges entières pour les rouges. Elles précisent la période optimale de dégustation, par exemple de 2017 à 2022 pour le mercurey Les Charmées, à 19,50 €.

Avec cette organisation, ils n'ont plus droit à la mention « mis en bouteilles à la propriété ». « Cela n'a causé aucun souci à nos clients, professionnels ou particuliers, assurent-ils. Ils recherchent une qualité, un prix et une histoire. » La Maison Gouffier leur offre tout cela.

Les spécialistes de la Côte chalonnaise

À 40 et 33 ans, les deux associés sont en passe de réussir leur pari de s'imposer comme spécialistes de la Côte chalonnaise. « On manque de vins », précisent-ils. Pourtant, ils ont déjà augmenté les prix de leurs villages de 20 % et celui de leurs appellations régionales de 38 %. « On s'est développé rapidement car nous sommes très complémentaires et très techniques, chacun dans sa partie : Benoît dans la viticulture et la vinification, Frédéric dans la vente et l'administration », analysent-ils.« Nous voulons garder l'exploitation à taille humaine, mais nous avons besoin de projets qui nous aiguillonnent pour ne pas nous ennuyer. » Ils pourraient élargir l'activité de conseil oenologique pilotée par Benoît et, peut-être un jour, vendre leur savoir-faire dans d'autres régions ou à d'autres entrepreneurs...

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QUI A BIEN MARCHÉ

Les deux associés ont réussi à convaincre des vignerons de leur vendre de la vendange et de travailler selon leurs exigences.

Ils s'inspirent « des méthodes des grandes entreprises » avec de strictes procédures qualité. Ils se nourrissent de leur expérience pour corriger leurs erreurs et progresser.

La presse a très rapidement souligné la qualité des vins du domaine. Les clients aussi.

SUCCÈS ET ÉCHECS CE QU'ILS NE REFERONT PLUS

En 2013, ils vinifient des vins de Côte-d'Or. Mais leurs clients « n'achètent pas un pommard à 40 € ou un gevrey-chambertin à 35 €. Ils veulent des côte-chalonnaise entre 10 et 20 € ». Les deux associés ne renouvelleront pas l'expérience.

Leurs pinots noirs de 2013 n'ont pas été à la hauteur de leurs attentes. Ils ne les ont pas mis en bouteilles.

Ils trouvent difficilement des salariés qui savent adapter la taille et l'ébourgeonnage à chaque pied de vigne et qui acceptent leurs exigences.

LEUR STRATÉGIE COMMERCIALE « Nous faisons appel à des intermédiaires »

- Dès le départ, les deux associés ont décidé de faire appel à des intermédiaires pour vendre leurs vins. Ils ont commencé par travailler avec trois agents à Paris et en Bourgogne. Ils ont défini très précisément leurs objectifs pour cibler de jeunes cavistes qui souhaitent des vins digestes et prêts à boire qu'ils pourront suivre pendant longtemps.

Ce marché représentait les deux tiers des ventes en 2015 et la moitié en 2016.

- Entre-temps, les ventes à l'export ont pris de l'ampleur. Elles sont passées de 5 % à 35 % du chiffre d'affaires. Les deux associés ont délégué ce débouché à un agent professionnel. « On a déterminé avec lui le volume d'activité par pays, six à ce jour, mais surtout les bons importateurs. »

- En France, les vignerons livrent eux-mêmes quatre ou cinq jeunes restaurateurs étoilés. Ils ne réalisent qu'une faible part de leur chiffre d'affaires avec les particuliers. Mais Frédéric étoffe d'année en année un fichier de 900 clients. Il leur propose des primeurs à acheter en mars et à recevoir à l'automne. « Les clients apprécient et nous sont fidèles », remarque-t-il. Frédéric communique un peu via Facebook ou Twitter et ses ventes au caveau sont marginales.

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L'exploitation

- Main-d'oeuvre : eux deux, un salarié en alternance, un autre à temps partiel plus des saisonniers ;

- Surface : 5,5 ha de vignes ;

- Plantation : 10 000 pieds/ha ;

- Taille : guyot poussard ;

- Production 2016 : 355 hl dont 225 hl du domaine et 130 hl achetés ;

- Appellations : Bourgogne Côte chalonnaise, Bourgogne aligoté, Mercurey, Bouzeron, Rully et crémant de Bourgogne ;

- Cépages : chardonnay, aligoté et pinot noir.

L'essentiel de l'offre

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