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DOSSIER - Marché foncier : le tour des vignobles

COGNAC Retour au calme

CHRISTINE CROIZET - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 26

Après plusieurs années de hausse, le prix du foncier semble avoir atteint un plafond. Quant au volume des échanges, il est en recul en Charente, mais progresse en Charente-Maritime.
L'offre étant faible, le nombre des transactions a baissé en Charente en 2016. © J.-M. NOSSANT

L'offre étant faible, le nombre des transactions a baissé en Charente en 2016. © J.-M. NOSSANT

ÀCognac, les viticulteurs continuent de vouloir s'agrandir. Preuve en est les demandes de plantations nouvelles - 2 500 ha en 2016 pour un plafond de 250 ha - et les transferts d'autorisations de plantation en provenance d'autres régions qui alarment les responsables syndicaux. La bonne santé du cognac, le haut niveau des rendements autorisés et des prêts bancaires à taux bas (entre 1,5 et 2 %) encouragent le retour des jeunes sur les exploitations les plus rentables et l'investissement patrimonial dans le foncier viticole.

« En pratique, la durée d'emprunt varie entre douze et vingt ans. Dans les conditions actuelles, on amortit son achat de vignes en moins de quinze ans », précise Patrice Fradet, directeur de territoire chez Cerfrance.

Malgré cela, en Charente, le marché foncier termine en repli en 2016. Moins de 300 ha se sont échangés l'an dernier. C'est moitié moins qu'en 2015. Et c'est peu pour ce vignoble de 38 000 ha, soit un peu plus de la moitié de l'appellation. « Il y a peu d'offres parce que les exploitants attendent la décision de leurs enfants potentiellement successeurs », explique Sylvie Massacré, directrice départementale de la Safer.

On estime à 36 % la proportion de chefs d'exploitation susceptibles de prendre leur retraite avant la fin de la décennie. Un effet pyramide des âges qui devrait à terme accroître l'offre en terres et faire baisser les prix.

« On voit enfin se profiler une pause en terme de valorisation. Les surenchères se calment. En 2015, les transactions ont atteint des sommets avec un prix moyen de 50 000 €/ha et des pics à 58 000 €/ha dans les crus centraux. Mais la demande reste forte : pour chaque parcelle mise en vente, on compte cinq à dix candidats à l'achat avec une tendance à l'acquisition en nom propre et au regroupement parcellaire », indique Sylvie Massacré.

Cette détente est bien accueillie par les exploitants toujours attentifs au poids du foncier viticole dans les transmissions. Cependant, la pression foncière reste forte dans les crus les plus plantés, la Grande Champagne et les Borderies en tête. Dans ces secteurs, l'offre en foncier est confidentielle.

De son côté, la Charente-Maritime garde un marché plus dynamique, sachant qu'elle est historiquement en décalage d'un an ou deux ans avec la Charente. En 2016, 280 ha ont changé de main. C'est plus que les deux années précédentes : 170 ha en 2014 et 180 ha en 2015.

« Dans notre département, nous constatons peu de transactions de parcelles. Les cessions se font principalement sur des outils de production complets. Il n'y a pas toujours de repreneur familial, et les candidats à l'installation ne sont pas nombreux », précise Paul Arnold, directeur de la Safer pour la Charente-Maritime. Faute de successeur, des exploitations sont mises en vente et reprises par d'autres qui s'agrandissent.

« Ici aussi, on compte plus d'acheteurs que de cédants », poursuit le spécialiste. Les vignes en Petite Champagne sont les plus recherchées dans des secteurs comme Archiac, Jarnac-Champagne ou encore Sainte-Lheurine. Là, des transactions ont atteint 58 000 €/ha. Mais, comme en Charente, les prix se tassent après une hausse de 5 % en 2015 . « Cette année, le second marché est plus calme [vente de cognac hors contrat NDLR]. Les banques sont plus regardantes », note Paul Arnold.

Patrice Fradet constate lui aussi un marché foncier hétérogène entre les crus centraux et les crus extérieurs : « Les offres sont plus nombreuses dans les Bons Bois. » Dans ce secteur, les exploitations sont en effet plus petites, moins rentables et moins nombreuses à bénéficier de contrats d'achat avec les grandes maisons qu'en Borderies, Petite et Grande Champagne.

« Depuis une dizaine d'années, la tendance est à la concentration, explique, chiffres à l'appui, Alexandre Imbert, directeur de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac (UGVC). En 2006, on comptait 5 664 exploitations d'une taille moyenne de 13 ha. En 2015, on en dénombre 4 451 pour une taille moyenne de 17 ha. La progression est régulière depuis 2006 et le phénomène risque de s'accentuer. »

Des autorisations venues d'ailleurs

Le phénomène reste difficile à évaluer, mais on estime qu'une dizaine de Charentais ont acheté près de 140 ha de vignes en Muscadet pour les arracher et les replanter à Cognac. « Ici, les vignes coûtent entre 45 000 et 55 000 €/ha. En Muscadet, c'est 10 000 », s'alarme Stéphane Roy, président de l'UGVC. Pour enrayer ce phénomène, la région a plafonné à 800 ha les autorisations de plantations nouvelles pour 2017 contre 250 ha en 2016. Conséquence : le prix des terres nues dans l'aire de Cognac est en train de doubler pour atteindre 10 000 €/ha.

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Sophie Barrett de Coutures, 70 ha à Bourg-Charente (Charente)

« Non. La période n'est pas favorable aux investissements. Le prix de la vigne est élevé et nous avons grêlé ! Nous exploitons avec mes cousins 70 ha en Fins Bois et sommes aussi distillateurs de profession. On a récemment fait quelques échanges de parcelles pour en regrouper. Nous voulons exploiter au mieux nos vignes et profiter d'un vignoble renouvelé, adapté aux nouveaux matériels et qui répond à une QNV déjà au taquet. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Isabelle Clochard-Gualbert, 14 ha à Moulidars (Charente)

« Non. Depuis mon installation en 1997, l'achat de vigne pour m'agrandir n'a jamais été une priorité. J'avais planté 2 ha de sauvignon dans une démarche de diversification. Je les arrache cette année pour les ramener à la production de cognac. Les investissements, je les ai faits dans le renouvellement du vignoble et les chais de vinification. Je travaille seule et ce modèle me va bien. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Éric Chaissou, 81 ha à Bonneuil (Charente)

« Oui. Depuis mon installation en 2001, je suis passé de 31 à 80 ha. J'ai besoin de volumes pour livrer plusieurs grandes maisons. Je ne mets pas tous mes oeufs dans le même panier. La superficie de mon vignoble est une sécurité face aux incidents climatiques. J'ai acheté 11 ha en 2014 à un prix raisonnable au vu de l'état de la vigne. Cette année, j'ai grêlé à 90 % sur ces 11 ha, mais pas ailleurs. Une grande superficie est aussi une manière d'amortir le matériel plus vite. Aujourd'hui, ma priorité, c'est de bien rémunérer mes salariés, de renouveler mon vignoble et de valoriser mes eaux-de-vie par le vieillissement. »

L'essentiel de l'offre

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