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DOSSIER - Marché foncier : le tour des vignobles

GASCOGNE C'est la bagarre !

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 28

Dans le Gers, les vignes à vendre sont convoitées par plusieurs candidats au rachat. Les prix montent, mais l'investissement reste néanmoins rentable.
Dans le Gers, dans l'appellation Côtes de Gascogne, le marché foncier se porte bien, la tendance étant d'aller vers le haut de gamme. © J.-B. LAFFITTE

Dans le Gers, dans l'appellation Côtes de Gascogne, le marché foncier se porte bien, la tendance étant d'aller vers le haut de gamme. © J.-B. LAFFITTE

«En Côtes de Gascogne, le marché des vignes est actif et se porte bien, témoigne Baptiste Aurignac, conseiller foncier à la Safer Gascogne-Haut-Languedoc. Nous observons une très bonne dynamique car les rendements sont bons. En général, lorsqu'un viticulteur souhaite vendre ses vignes, nous trouvont des acheteurs locaux sans problème. Inutile de chercher des investisseurs hors du département. » Même les vieilles vignes sont recherchées pour récupérer des droits à plantation.

Dès lors, le prix moyen des vignes hors AOP ne cesse d'augmenter depuis 1997, année où il était descendu au plus bas, à 6 800 €/ha. « Aujourd'hui, on achète 7 000 €/ha une vigne à arracher pour la replanter et de 15 500 à 16 000 €/ha une belle vigne productive », précise le conseiller foncier. En 2015, le prix moyen de l'hectare enregistré par la Safer était de 13 500 €.

Mais un acheteur récent reconnaît avoir acquis des vignes sur un terroir argilo-calcaire convoité du nord du Gers à plus de 20 000 €/ha. « C'est l'effet Côtes de Gascogne, souligne-t-il. Et le résultat de la tendance des vignerons à vouloir aller vers des cuvées plus haut de gamme, y compris en rouge. »

Les ventes concernent avant tout des parcelles, rarement des domaines entiers. « Mais lorsque c'est le cas, il s'agit généralement d'exploitations en polyculture, traditionnelles dans le Gers, précise Laurent Tardieu, directeur de la Safer Gers et Hautes-Pyrénées. Les cédants vendent des lots comprenant plusieurs ateliers et du bâti. Les gros acteurs locaux se portent acquéreur pour accéder aux vignes. Le marché est dynamisé par les caves particulières qui sont prêtes à investir beaucoup pour s'agrandir. »

Les caves coopératives ne sont pas en reste. Pour préserver leurs volumes, elles aident leurs adhérents à s'agrandir et des jeunes viticulteurs à s'installer. « Elles ont beaucoup investi dans leurs infrastructures. La Safer doit veiller à revendre de manière équilibrée aux coopérateurs et aux particuliers, afin que les coopératives continuent à bénéficier d'apports suffisants », précise Laurent Tardieu.

À Nogaro (Gers), un apporteur de la cave coopérative vient de céder 48 ha de vignes. Neuf candidats étaient sur les rangs. La Safer a confectionné deux lots de 27 ha et 12 ha pour permettre à deux jeunes, dont un futur coopérateur, de s'installer. Le reste des parcelles a permis à d'autres vignerons de s'agrandir.

« Ici, on aime bien être propriétaire. De ce fait, nous gérons davantage d'achats que de locations, pour lesquelles nous n'avons pas de demande, précise Baptiste Aurignac. Et les banquiers accompagnent plus facilement les acquisitions de vignes que de terres agricoles. »

Même si l'hectare de vigne est de plus en plus coûteux, il se rentabilise toujours bien, comme le confirme Hugues Amesland, qui vient d'acheter 23 ha à 20 000 €/ha (voir son témoignage ci-contre). Le vigneron tempère cependant : « Les banques sont très réticentes pour prêter si les parents ne sont pas agriculteurs. L'achat de vignes est alors long et compliqué. La Safer a pris sa décision me concernant en septembre 2015. Mais je n'ai pu signer l'acquisition qu'en mai 2016. S'installer hors cadre familial est encore difficile. »

La bonne rentabilité des vignes et la perspective de nouvelles hausses poussent également certains retraités à conserver leurs parcelles. « Ils préfèrent rester propriétaires et confier leurs vignes en location à leurs voisins, ajoute Aymeric Rey, conseiller Cerfrance Gascogne-Adour. Le prix du fermage étant de 400 à 600 €/ha, pour un rendement maximum en IGP Côtes de Gascogne de 120 hl/ha, la solution est intéressante pour les exploitants. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Hugues Amesland, EARL H sur l'Osse, 23 ha, à Larroque-sur-Losse (Gers)

 © M. CAROSSIO

© M. CAROSSIO

« Oui, car l'hectare se rentabilise bien. J'ai acheté 23 ha de vignes à 20 000 €/ha et 10 ha de terres nues à 10 000 €/ha, frais compris, par l'intermédiaire de la Safer en mai 2016. Je me suis installé hors cadre familial et j'ai créé une société foncière pour acquérir des vignes. J'ai apporté 120 000 € et emprunté 451 000 € sur vingt ans à la banque. J'ai vendu ma première vendange à un négociant bordelais, qui m'a proposé un prix annuel garanti sur trois ans. L'hectare est cher, mais le retour sur investissement devrait être rapide. Pour rembourser mon emprunt et le coût d'exploitation des vignes, je dois gagner 5 000 €/ha avec un rendement de 120 hl/ha. Tout ce que je gagne au-delà constitue ma rémunération. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Stéphane Marsan, 37 ha à Marguestau (Gers)

« Quand on démarre et qu'on n'a pas de trésorerie, le fermage est plus intéressant que l'achat. Je me suis installé en 2013 en nom propre, en achetant 20 ha, dont 5 ha de vignes. À l'époque, j'étais double actif. Je travaillais chez un vigneron qui a cessé son activité en 2015. Depuis, je lui loue 6,5 ha par le biais de la Safer et j'ai repris deux baux dont il était fermier (5,3 ha). En 2016, j'ai repris 15,5 ha supplémentaires en fermage, toujours avec la Safer. Mais cette situation est précaire car les baux Safer sont de six ans reconductibles une seule fois, et les propriétaires peuvent y mettre fin chaque année. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER DES VIGNES ? Jean-Jacques Lartigolle, 71 ha à Avéron-Bergelle (Gers)

 © DDM/C. L.

© DDM/C. L.

« Oui. Nous sommes trois frères viticulteurs. Nous préférons acheter des vignes plutôt que de les louer. C'est plus sûr. L'année dernière, nous avons acquis 4 ha. L'un de nous investit dans le foncier, et le Gaec devient propriétaire du végétal car il peut l'amortir. Nous investissons généralement 10 % en fonds propres et empruntons 90 % à la banque. Mais il est difficile de trouver des vignes dans notre secteur car de grosses caves particulières et des coopératives achètent très cher des domaines. Personne ne peut renchérir. Récemment, du bâti agricole a été vendu à un retraité parisien. La Safer a refusé de préempter des vignes qui nous intéressaient. »

Gaillac Les coopératives s'activent

À Gaillac, les coopératives sont sans doute les plus gros acteurs du marché foncier. Pour ne pas perdre de volumes avec les départs à la retraite, Vinovalie a repris en fermage les terres du château Labastidié (70 ha) et racheté Candastre (110 ha), en 2014. Avant cela, elle avait déjà acquis le domaine de Pialentou (10 ha en bio). De son côté, la cave de Labastide-de-Lévis a créé une SCI en 2011, qui a racheté 50 ha de vignes à des coopérateurs retraités. Elle les loue à des jeunes qui s'installent ou à des adhérents qui veulent s'agrandir. Certains parviennent à les racheter au bout de quelques années. Du côté des caves particulières, l'an dernier, trois jeunes se sont installés en rachetant des petites surfaces en vignes (5 à 7 ha), pour environ 10 000 €/ha. « S'il s'agit de valoriser ces surfaces en bouteilles, l'investissement peut être rapidement amorti, estime Nathalie Vayssette, présidente de la Fédération des vignerons indépendants du Tarn. En général, ces jeunes sont en couple et l'un des deux travaille à l'extérieur. »

Cahors Les prix remontent

À Cahors, le nombre important de vignerons sans successeur pourrait redynamiser le marché. © P. ROY

À Cahors, le nombre important de vignerons sans successeur pourrait redynamiser le marché. © P. ROY

« Le marché du foncier à Cahors ne connaît pas de boom ni en volume, ni en valeur, affirme Jérémy Arnaud, directeur marketing de l'interprofession des vins de Cahors (UIVC). Mais plusieurs événements pourraient le dynamiser ces prochaines années, à commencer par le nombre croissant de domaines qui n'auront pas de successeur. À ce jour, une dizaine est déjà en vente. » Selon le Cerfrance Lot, sur trois cents propriétaires en AOP Cahors, cent ont entre 54 et 62 ans et soixante-dix ont plus de 63 ans. « La très grosse majorité des vignerons est propriétaire de ses vignes, indique Jean-Pierre Halo, responsable de l'agence Cerfrance. Lorsqu'ils n'ont pas de successeur, ils peuvent chercher un locataire, mais encore faut-il que le prix du fermage soit en rapport avec celui des vins. En dix ans, seuls sept jeunes vignerons se sont installés. » Selon les données de la Safer, le prix des vignes était au plus haut en 2002-2003 (20 400 €/ha), avant de descendre à 9 800 €/ha de 2008 à 2012, puis de remonter à 11 900 €/ha en 2015.

Fronton Des vignes très bon marché

Les vignes de Fronton comptent parmi les moins chères de France. Elles se vendent entre 5 000 et 8 000 €/ha, selon la Safer. Un prix qui permet de s'installer ou de s'agrandir à moindres frais. Les ventes font essentiellement suite au départ à la retraite des vignerons, mais elles ne sont pas très nombreuses, et les candidats au rachat ne se bousculent pas. Le groupe coopératif Vinovalie reprend, à l'occasion, les domaines, afin de ne pas perdre de volumes. En 2016, la Safer Gascogne-Haut-Languedoc a géré quatre dossiers de vente, totalisant 50 ha de vignes. Une société d'expérimentation agricole a repris 15 ha. Un jeune vigneron a acheté 24 ha qu'il louait depuis un an déjà à la Safer. Il les a payés 140 000 € grâce à un emprunt bancaire. Ces vignes viennent d'une propriété dissociée de son bâti pour alléger la note. Les 11 ha restants ont été acquis par des vignerons qui se sont agrandis. « Quelques personnes en reconversion cherchent à reprendre de petites structures, indique Frédéric Ribes, président de l'AOP Fronton. Mais dès qu'il y a de l'immobilier, le ticket augmente. »

L'essentiel de l'offre

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