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Sauver la cave avec les vins de pays... en vrac

La vigne - n°93 - novembre 1998 - page 0

A l'heure où d'autres ne jurent que par la valorisation en bouteilles, cette coopérative gersoise a préféré s'orienter vers le vrac de qualité. Un virage pris avec l'aide d'oenologues australiens et néo-zélandais, spécialisés dans l'élaboration des vins qui plaisent aux Anglo-saxons.

A la cave coopérative de Vic-Fezensac, les responsables aiment raconter leur sortie du tunnel. Pierre Bruchaut, le président, André Chanut, le vice-président, et Serge Moreau, le responsable technique, sont des enfants du pays et connaissent bien les lieux. Nous sommes ici en Ténarèze.' En 1981, la cave était au bord du dépôt de bilan. L'armagnac n'était (déjà) plus porteur, les adhérents arrachaient et l'avenir même de la viticulture était menacé dans la zone. Après plusieurs années d'efforts, la valorisation de nos terroirs et de nos cépages nous a semblé évidente via les vins de pays des côtes de Gascogne, surtout en blanc mais aussi un peu en rouge. Aujourd'hui, c'est notre stratégie pour maintenir la viticulture à Vic-Fezensac ', explique-t-on.En fait, le véritable virage a été pris au début de la décennie ' avec la fin des blancs standards et l'arrivée des qualités plus élaborées comme le souhaite le marché, notamment les Britanniques, les pays nordiques et le Canada. Dans le Gers, nous avons un extraordinaire potentiel pour les vins de pays blancs '. D'autres ont cru aussi aux effervescents il y a quelques années, toujours dans la même logique de diversification au-delà de l'armagnac, mais l'expérience a tourné court. La cave de Vic-Fezensac couvre 1 400 ha (seulement 10 % de rouge) de vignes, appartenant à 375 adhérents, pour une production de 115 000 hl, dont 80 % en vin de pays des côtes de Gascogne. La moitié de la production est exportée. La cave emploie 12,5 équivalents temps plein.' Il y a quelques années, nous avions pris des oenologues stagiaires australiens et néo-zélandais. Nous avons été secoué! Ils avaient informé certains de nos acheteurs sur nos pratiques encore perfectibles... Finalement, nous avons vu avec ces techniciens du Nouveau Monde ce qui clochait chez nous. Maintenant, depuis trois ans, nous faisons appel à des oenologues confirmés de ces pays : en quelque sorte, on leur a demandé le ' mode d'emploi ' pour vendre dans les pays anglo-saxons : des vins aromatiques et fruités, des vins-plaisir ', indique-t-on.Sur place, on les appelle aussi ' les oenologues mandatés par les partenaires commerciaux '... Ils mettent l'accent sur la discipline au travail et l'hygiène dans le chai. On retrouve ici ce qu'a connu le Languedoc avec les très bons résultats des vins de pays d'Oc, surtout via les cépages.Si 45 millions de francs ont été investis depuis quinze ans, il en est prévu 20 autres dans les quatre ans à venir. Ils sont destinés essentiellement à financer un nouveau chai pour les rouges, dont on compte doubler la production d'ici cinq à six ans, et pour climatiser un chai pour les blancs (cuverie de petits volumes pour vinifier les nouveaux cépages). On trouve ici de l'ugni blanc, du colombard, du gros menseng mais aussi 70 ha de chardonnay et de sauvignon et majoritairement du tannat, en rouge. Il n'y a qu'un peu de merlot, de cabernet sauvignon et de gamay. La cave verse une surprime pour la reconversion en certains cépages améliorateurs (ce qui porte l'aide, avec les subventions publiques, à 40 000 F/ha). 150 à 200 ha sont restructurés annuellement. Un programme d'essai vient d'être initié avec l'Onivins sur de nombreux nouveaux cépages (viognier, marsanne...). Le bilan sera fait dans cinq ans.' Depuis cinq à six ans, sur de nombreux points, il a fallu convaincre nos adhérents de modifier leurs habitudes de travail. Ce n'était pas facile. D'abord, soigner la qualité de la matière première : il a fallu beaucoup conseiller les adhérents sur les clones, les cépages, la conduite de la vigne... L'équipe technique de la cave a été renforcée (trois oenologues au lieu d'un). Des commissions de contrôle passent dans les vignes : ' Avant, il y a avait une certaine hostilité. Maintenant, elles sont attendues et souhaitées '. Autre exemple d'adaptation, la vendange du raisin blanc : récolte nocturne, transport sous neige carbonique, vinification à basse température... ' Et à la cave, l'extraction maximale des arômes ', indique le responsable technique.Motivation ' suprême ' pour les adhérents : les parcelles à 25 000 F. Ce revenu minimum est garanti aux adhérents acceptant des contraintes de production spécifiques : nombre de grappes par pied, vendange nocturne à jour fixé, protection renforcée contre la pourriture grise, effeuillage... Ces vins sont vinifiés à part. Un complément de rémunération est ensuite versé en fonction des résultats économiques au vu de la comptabilité analytique. ' Ce programme a été mis en place en 1996, à la suite de réunions houleuses... De 30 ha au départ, nous en atteignons 80 cette année. 25 000 F/ha est un bon prix pour notre département. Cela permet de lever les blocages chez des vignerons qui hésitent. ' A la cave, le revenu par hectare s'échelonne de 12 000 à 30 000 F.Evidemment, les ventes doivent suivre. C'est le cas ici où on annonce 40 millions de francs de chiffre d'affaires et un endettement minimum (les emprunts représentent 6 % du montant des investissements totaux). Avec une originalité forte au niveau de la commercialisation : la stratégie du vrac alors que beaucoup se sont orientés sur la valorisation en bouteilles, y compris d'autres grandes coopératives du département. ' Nous avons beaucoup réfléchi à la question. Mais on vend à des négociants français, à des importateurs anglo-saxons, etc., un savoir-faire, un produit à façon (parfois prêt à la mise). Si on se lançait dans la bouteille, finalement, on les concurrencerait. Cela nous fait plaisir quand nos clients avouent nous avoir choisi pour notre stabilité à terme ', avance le directeur.' Même si la tentation est forte, nous préférons nous concentrer sur le vignoble et la vinification. ' On annonce une progression des ventes de 15 % par an et des marges supérieures à bien d'autres caves coopératives. ' Avec le recul, concernant notre changement de trajectoire, on pense surtout à l'aventure humaine que nous avons connue, conclut le président. Il y eut des moments durs mais en restant souder sur un objectif, on y arrive. L'avenir est parmi nos nombreux jeunes coopérateurs, y compris au conseil d'administration. '

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