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VIN

CVG Trois outils pour atténuer l'effet millésime

FLORENCE JACQUEMOUD - La vigne - n°281 - décembre 2015 - page 46

Dans le Gers, l'union de coopératives CVG veut reproduire chaque année les mêmes cuvées en s'affranchissant de l'effet millésime. Voici comment elle s'organise et les outils qu'elle utilise pour arriver à ses fins.
XAVIER LOPEZ, le directeur du marketing de CVG, et MARIE BERNARD, l'oenologue, dans la cave de Cazaubon où le système Scalya de Vivélys a été installé sur 20 cuves en Inox .  F. JACQUEMOUD

XAVIER LOPEZ, le directeur du marketing de CVG, et MARIE BERNARD, l'oenologue, dans la cave de Cazaubon où le système Scalya de Vivélys a été installé sur 20 cuves en Inox . F. JACQUEMOUD

LE SYSTÈME SCALYA aide CVG à obtenir les profils de vins qu'il recherche .  F. JACQUEMOUD

LE SYSTÈME SCALYA aide CVG à obtenir les profils de vins qu'il recherche . F. JACQUEMOUD

QUATRE QUALITÉS DE COLOMBARD, sont proposées aux clients. Elles peuvent être utilisées seules ou en assemblages. La cave les appelle ses « composants aromatiques ». F. JACQUEMOUD

QUATRE QUALITÉS DE COLOMBARD, sont proposées aux clients. Elles peuvent être utilisées seules ou en assemblages. La cave les appelle ses « composants aromatiques ». F. JACQUEMOUD

ÉRIC LANXADE (à droite), directeur commercial de CVG, et Xavier Lopez éditent chaque année, en juillet, un tarif pour le millésime à venir. F. JACQUEMOUD

ÉRIC LANXADE (à droite), directeur commercial de CVG, et Xavier Lopez éditent chaque année, en juillet, un tarif pour le millésime à venir. F. JACQUEMOUD

Depuis 2010, CVG (Caves et vignobles du Gers) propose une offre segmentée et reproductible de cuvées qu'elle appelle ses « composants aromatiques ». Ces cuvées sont obtenues à partir de cinq cépages blancs : colombard (1 700 ha), sauvignon (500 ha), chardonnay (250 ha), gros manseng (500 ha) et ugni blanc (550 ha), cultivés sur l'aire de l'IGP Côtes de Gascogne. Ses clients les assemblent à leur guise pour obtenir les vins qu'ils souhaitent.

Plusieurs années de recherches ont permis à CVG d'élaborer des « recettes process » grâce auxquelles ses oenologues obtiennent chaque année des vins de même profil aromatique, limitant l'effet millésime. À chaque étape du suivi de la maturation, puis de la vinification, des outils aident les techniciens à prendre les bonnes décisions.

Basée à Éauze, CVG, union des coopératives Gerland et Vivadour, spécialisée dans la production et la vente de vins en vrac, a tout d'abord caractérisé les parcelles de vignes chez 400 de ses adhérents. Celles-ci sont classées selon leur exposition, leur densité, leur surface foliaire et leur potentiel. Les unes sont destinées à produire du vin premium, les autres non.

Dyostem

Pour apprécier la maturité

La coopérative s'est ensuite équipée du Dyostem. Grâce à cet instrument, les techniciens des caves planifient les dates des vendanges. L'appareil permet en effet de contrôler trois paramètres : le chargement en sucre, la teinte des baies et l'acidité des moûts (pH, acidité totale, acide tartrique, acide malique). Durant la maturation, les techniciens réalisent au moins trois prélèvements dans chaque parcelle, à raison de 200 baies par prélèvement. À chaque fois, ils mesurent le taux de sucres, la teinte des baies et le pH des moûts.

Lors de leur maturation, les baies se chargent en sucres. Lorsque ce phénomène s'arrête, le potentiel d'arômes thiolés est au maximum. Puis les arômes deviennent plus terpéniques. « Nous avons déjà obtenu ce type de vins dans le passé et constaté que lorsqu'on dépasse le stade de la maturité aromatique pour les thiols, les précurseurs aromatiques thiols diminuent. D'autres profils plus mûrs, qu'on appelle terpéniques et phénoliques, apparaissent », explique Xavier Lopez, directeur du marketing de CVG.

La mesure de la teinte des baies apporte des informations complémentaires sur la maturation. La teinte est spécifique à chaque cépage et liée au profil aromatique des vins qui est végétal pour commencer, puis devient frais, et mûr pour finir.

Partant de ces critères, CVG définit un profil de raisin, qui aura la capacité de donner un style de vin. Très concrètement, des grappes de sauvignon de teinte élevée, c'est-à-dire très vertes, produiront un vin végétal, avec des notes d'asperge et de buis. Des sauvignons de teinte plus claire donneront des vins avec des notes de pamplemousse, appelées thiols frais. Encore moins verts, ils exhaleront des notes de fruits exotiques, comme le fruit de la passion. « Mais nous interprétons toujours les deux paramètres, teinte et chargement en sucre, pour alloter les parcelles, précise Xavier Lopez. Les raisins sont ainsi triés et regroupés selon leur profil pour la vinification. »

Scalya

Pour maîtriser les fermentations

La même logique de rationalisation est à l'oeuvre en cave. « Pour chaque cuve, nous définissons la turbidité du moût, choisissons une souche de levure et fixons la température de fermentation selon que nous voulons obtenir des thiols ou des esters, détaille Marie Bernard, oenologue de la cave CVG de Cazaubon (Gers). Nous savons que la turbidité et la température de fermentation doivent être basses pour obtenir des esters, mais hautes pour des thiols. »

Cette année, afin de sécuriser ses vinifications, CVG s'est équipée du système Scalya de Vivélys. Il s'agit d'un capteur que l'on installe sur les cheminées des cuves pour mesurer le dégagement de gaz carbonique et donc suivre le déroulement de la fermentation. Après avoir testé cet outil pendant deux ans dans sa cave de Vic-Fezensac (Gers), l'entreprise l'a installé sur 20 cuves de 900 hectolitres à Cazaubon, soit un tiers du volumes du chai. Cette année, ce site a vinifié 64 000 hl, dont 30 000 hl à l'aide de l'outil Scalya. Coûteux - 200 000 € pour les 20 cuves -, celui-ci est réservé aux vins à valeur ajoutée. La cave de Vic-Fezensac devrait en être équipée en 2016.

Scalya permet de suivre la fermentation en direct, sur un écran d'ordinateur. Pour chaque cuve, un graphique indique la température de fermentation demandée par l'oenologue et, en temps réel, la température effective et la quantité de CO2 dégagée. La cave a fixé des seuils d'alerte pour les températures. L'outil prévient lorsque ceux-ci sont atteints. Il indique également si une cuve est mal fermée.

Le système veille au bon déroulement des fermentations. Lorsque celles-ci ralentissent trop, il prend la main sur les consignes de température, selon le programme de vinification choisi et mémorisé, pour les laisser remonter. Il est aussi programmé pour apporter automatiquement de l'oxygène dans les cuves, dès que le pic d'activité des levures est atteint. « Il est important d'apporter la bonne quantité d'oxygène au bon moment pour sécuriser le déroulement des fermentations, poursuit Xavier Lopez. Parfois, il faut apporter l'oxygène à plusieurs cuves en même temps. Scalya nous permet de le faire, alors que ce serait difficile manuellement. »

Scalya devrait aussi aider à mieux contrôler les profils des vins. « Par exemple, nous pouvons programmer les deux tiers de la fermentation à une température, puis le tiers restant à une autre, mais aussi jouer, avec un risque maîtrisé, sur des températures beaucoup plus basses que d'habitude. Nous envisageons de tester en 2016 une fermentation complète à 14 °C, afin d'obtenir des vins avec plus d'esters et donc davantage d'arômes floraux et de fruits blancs. Fermenter en huit jours des moûts très clarifiés à 14 °C, voire 12 °C, dans des cuves de 1 000 hl, avec l'objectif technique d'atteindre un profil prédéfini, et avec un coût de vinification contenu et rentable, est un réel défi ! Les caves préfèrent largement sécuriser les fermentations à 16 °C-18 °C. »

Par ailleurs, comme les cavistes n'ont plus besoin de passer autant de temps à aérer les cuves, « ils peuvent se consacrer au réajustement de la turbidité, reprend Xavier Lopez. Ce qu'ils n'avaient pas le temps de faire auparavant. Désormais, nous pouvons configurer la turbidité de chaque lot en fonction du style de vin que nous voulons obtenir. »

En principe, l'apport automatique d'azote est également possible. Mais, pour le moment, c'est l'équipe technique qui garde la main. Les recherches menées avec Vivélys ne sont pas suffisamment abouties pour fixer des seuils d'ajouts en fonction de l'avancée de la fermentatio

Kallosmé

Pour réaliser les assemblages

Une fois les vinifications terminées, CVG travaille avec Nyséos pour évaluer le potentiel aromatique de ses vins et réaliser les meilleurs assemblages possibles. La société Nyséos effectue en effet des dosages de thiols et d'esters volatils. De là, elle a conçu le logiciel Kallosmé pour composer des assemblages correspondant aux profils de vins demandés par les clients et qui prennent en compte les disponibilités de la coopérative. « Ce logiciel nous donne des recettes. Il tient compte des volumes disponibles dans chacune de nos caves, ce qui peut l'amener à donner des assemblages différents pour un même profil de vin. Ensuite, nous dégustons pour voir si les vins que nous obtenons répondent bien aux attentes. Ce qui est le cas. Avec le logiciel, les assemblages sont plus proches du profil recherché que ceux fait uniquement par les oenologues », soutient Xavier Lopez.

Les analyses de Nyséos peuvent aussi éclairer la coopérative pour ne pas sous-estimer une bonne cuvée. Un vin mal classé à la dégustation, mais dont les résultats analytiques indiquent qu'il possède pourtant d'importants arômes, peut être travaillé afin qu'il se révèle. Ces analyses et essais d'assemblages coûtent près de 80 000 € par an à la coopérative. Un budget qui va diminuer car l'outil Kallosmé étant aujourd'hui au point, CVG pourra l'utiliser sans l'aide de Nyséos. La coopérative dispose désormais d'une somme d'outils modernes pour assurer à ses clients de retrouver, d'année en année, les mêmes qualités de vins à un tarif régulier.

Une palette de cuvées à assembler

CVG commercialise 450 000 hl de vin par an et réalise 30 M€ de chiffre d'affaires, dont 20 M€ à l'export dans douze pays différents. La coopérative travaille avec 54 clients réguliers, essentiellement en Europe du Nord. En blanc, elle propose des cuvées de quatre cépages en vrac (colombard, sauvignon, chardonnay, gros manseng), chacune dans quatre ou cinq qualités différentes. On trouve ainsi une qualité standard, puis générique, aromatique, premium et super premium. CVG assemble ces cuvées à la demande de ses clients pour leur livrer le vin qu'ils souhaitent, et surtout, la coopérative applique un tarif, bien qu'elle vende en vrac. « Nous vendons 100 % de nos vins à leur prix tarif, assure Xavier Lopez. Le cours du jour est une notion inconnue pour nous, puisque nous faisons tout pour sortir du principe des mercuriales. » La coopérative dévoile ses tarifs en juillet pour le millésime à venir. Cette année, elle demande ainsi 90 €/hl pour ses colombards, 100 € pour ses gros mansengs, 110 € pour les sauvignons et 120 € pour les chardonnays de qualité premium. Des prix qui tiennent compte des coûts de production.

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