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DOSSIER - Marché foncier : le tour des vignobles

SAVOIE Difficile sortie de crise

MARION BAZIREAU - La vigne - n°293 - janvier 2017 - page 46

Les Savoyards ne se bousculent pas pour acheter des vignes. Les vignerons ont ainsi du mal à vendre leurs domaines. Chaque année, seule une dizaine d'hectares trouvent preneurs.
Dans la Combe de Savoie, l'hectare a chuté de 41 000 à 35 000 € en vingt ans. © P. ROY

Dans la Combe de Savoie, l'hectare a chuté de 41 000 à 35 000 € en vingt ans. © P. ROY

Le marché savoyard des parcelles de vignes est à l'arrêt. « C'est phénoménal : il s'échange seulement une dizaine d'hectares par an. Des agrandissements pour l'essentiel, lance Emmanuel Laperrière, directeur de la Safer Savoie. 11 ha en 2010, 5 en 2011, 19 en 2013, année record... L'an passé, 11 ha ont changé de mains. De toutes petites parcelles, puisque 23 vendeurs se les sont partagées. » Les échanges portent le plus souvent sur des lots de 2 000 à 3 000 m² déjà plantés.

Cette atonie est le fruit des difficultés économiques de la région. Les vignerons n'ont pas fait le plein de vin pendant plusieurs années. Le cours du vrac a baissé alors que les coûts de production sont restés élevés. De nombreux doubles actifs ont cessé de travailler. « Aujourd'hui, une vague de viticulteurs approche des 55 ans », ajoute Émilie Moulin, conseillère en transmission à la chambre d'agriculture. Dans ce contexte, les viticulteurs ne se bousculent pas pour acheter des vignes.

C'est en Chautagne que le marché peine le plus. Au moins 100 ha peuvent encore y être plantés. Les terres nues partent autour de 10 000 €/ha. Les vignes en production sont vendues autour de 23 000 €/ha, contre 28 000 € il y a vingt ans. Seuls deux ou trois viticulteurs vinifient leur récolte. Les autres l'apportent à la coopérative. « Depuis dix ans, nous perdons des volumes à mesure que les adhérents arrêtent leur activité, témoigne Laurent Dejey, administrateur de la coopérative de Chautagne. En mai, nous avons fusionné avec la coopérative d'Apremont. Nous sommes aussi devenus acteurs du foncier, en rachetant 5 ha de vignes à un viticulteur. Nous cherchons quelqu'un pour les exploiter et sommes prêts à lui verser un salaire pour lui mettre le pied à l'étrier. Nous avons aussi d'autres projets à Chanaz. »

Dans la Combe de Savoie, l'hectare a chuté de 41 000 à 35 000 € en vingt ans. « Mais certains secteurs restent prisés, tempère Michel Bouche, le directeur du Syndicat régional des vins de Savoie. Je pense aux crus Marestel et Monterminod qui offrent de bons débouchés commerciaux. » Même engouement pour Chignin-Bergeron qui atteint parfois 80 000 €/ha, ou pour Arbin.

Si les ventes de vignes sont si rares, c'est aussi parce que les Savoyards y sont très attachés. « Quand ils cessent leur activité, ils ont davantage coutume de louer », témoigne Emmanuel Laperrière.

Ponctuellement, un domaine entier peut être mis en vente. Il est souvent racheté par des négociants ou par des investisseurs extérieurs. « Cette année, un banquier australien a racheté 12 ha à Chindrieux. La famille Taittinger est également restée dix ans en Savoie », illustre Emmanuel Laperrière.

Faute de moyens, les jeunes vignerons ont, quant à eux, souvent recours à la location. Lorsqu'ils achètent, ils le font seuls via des emprunts bancaires classiques. Emmanuel Laperrière voit aussi passer quelques montages plus originaux « comme la bande de trois ou quatre copains qui achètent des parcelles pour un viticulteur qu'ils connaissent bien ».

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER ? Sylvain Tiollier, Domaine de l'Idylle, 22 ha à Cruet (Savoie)

« Oui, à condition de bien valoriser son vin. Lorsqu'on est un jeune vigneron ou que l'on vend en vrac, louer est un bon choix, car les cours du vrac ne sont pas très élevés. Nous sommes dans une région de rouges, alors que la Savoie fait plutôt des blancs. Dès lors les terres sont très recherchées. Il y a deux ans, nous avons acquis 0,5 ha de vieilles vignes que nous avions déjà en fermage, pour 20 000 €. Puis 0,5 ha de terres nues à défricher pour 5 000 €. »

ET VOUS, PENSEZ-VOUS QU'IL FAUT ACHETER ? Olivier Carrel, Domaine Eugène Carrel, 24 ha à Jongieux (Savoie)

« Vingt-quatre hectares me suffisent. Mon beau-frère a quitté le Gaec en 2014. J'ai mis mes projets en stand-by mais, si l'occasion se présente, j'aimerais acheter 50 ares dans le cru Marestel. Je suis arrivé sur l'exploitation en 1996. Nous avions alors 12 ha. En 1999, nous avons acheté et planté des terres en AOP et loué 4 ha. En 2010, nous avons trouvé 1,5 ha dans le Bugey. Depuis, nous avons repris plusieurs parcelles attenantes au domaine. Je loue environ un tiers de mes vignes. »

L'essentiel de l'offre

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