La Savoie traverse une phase difficile. Ses ventes sont en baisse, ce qui tire mécaniquement les cours vers le bas, en dessous des coûts de production. « Les ventes locales représentent 80 % de nos débouchés, analyse Charles-Henri Gayet, président de la maison de négoce Vacher. Or, malgré une très bonne fréquentation touristique en 2008-2009, nous avons assisté à une chute de la consommation des vins savoyards. Cela nous inquiète. Les touristes changent. Auparavant, c'était essentiellement des Français qui consommaient nos vins. A présent, nous avons beaucoup d'étrangers qui boivent du bordeaux, de l'alcool ou de la bière. Il nous faut regagner cette clientèle. »
Chacun rejette la faute sur l'autre
Par ailleurs, « les grandes régions qui ont des problèmes à l'export se rabattent sur le marché national, complète Gilbert Perrier, président de la maison éponyme et de l'interprofession. Elles baissent leurs prix pour vendre, et la Savoie est obligée de s'aligner. »
Tout cela déstabilise la région, et quelques tensions ont vu le jour entre les acteurs de la filière. Chaque famille rejette la faute sur l'autre. « Auparavant, les coopératives étaient les premiers fournisseurs du négoce, rappelle Michel Bouche, directeur du syndicat des producteurs et de l'interprofession. Elles leur vendaient surtout du rouge. Or, c'est là que la crise se fait le plus ressentir. Par conséquent, le négoce n'en achète plus. On a alors dû faire face à des braderies de la part des caves coopératives. »
Patrick Descotes, président de la cave de Cruet, ne veut pas s'étendre sur cet épisode. Mais il confirme l'existence de difficultés : « L'offre est supérieure à la demande, ce qui crée des tensions. Tout le monde est sur des charbons ardents. Nous avons toujours travaillé avec les mêmes maisons. Un relationnel s'est installé. Mais il faut que le négoce comprenne qu'il doit augmenter les prix pour qu'on puisse en vivre. » Pour lui, le problème provient aussi des viticulteurs indépendants « qui cassent les prix pour vider leurs caves ».
Pour faire face à cette chute, les caves coopératives essaient de trouver de nouveaux débouchés seules, à l'image de Chautagne et du Vigneron savoyard, qui se sont regroupées dans la Sica Domaine Vignesens.
De son côté, l'interprofession essaie de calmer les esprits. Elle met en place des « Etats Généraux » pour début 2010. Le but est d'arriver à réunir tous ceux qui le souhaitent dans une même salle, afin d'aborder tous les problèmes. Cette réunion devrait être renouvelée plusieurs fois par an.
Vers une mise en place de mercuriales
L'interprofession travaille également sur les contrats. Dans cette région traditionnelle, il n'y a pas de contrats pluriannuels entre la production et le négoce. Lorsque le négoce n'a plus de débouchés, il achète moins.
Il n'y a pas non plus de contrats d'achat écrits ; tout se fait oralement. « Nous travaillons avec certains viticulteurs depuis plus de quarante ans, explique Charles-Henri Gayet. Nous n'avons pas besoin de contrats écrits. Les deux parties s'engagent moralement à respecter l'accord. »
Plus étonnant, il n'y a même pas d'enregistrement des transactions d'achat entre le négoce et la production, via l'interprofession, comme cela se pratique dans les autres régions. En conséquence, il n'y a pas non plus de mercuriales. L'interprofession veut mettre en place ces contrats pour essayer d'y voir plus clair. Mais certains négociants, à l'image de la Maison Vacher, s'y opposent « car cela demanderait trop de travail, et l'interprofession n'a pas les moyens humains d'enregistrer tout cela ». Pour la production, ce serait néanmoins un premier pas vers la contractualisation des achats.