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LES STATIONS MÉTÉO, de plus en plus abordables, fleurissent dans les vignobles. © ISAGRI
Lutte contre le gel et la grêle, pilotage des traitements phyto, gestion de l'irrigation... Les stations météo ont de multiples applications. Et les fabricants l'ont compris. Depuis le début de l'année, de nouvelles offres fleurissent à des prix de plus en plus attractifs.
Comment s'y retrouver ?
Si l'on s'en tient au prix, c'est Sencrop qui propose les stations connectées les moins chères du marché : 462 € seulement pour une station comprenant un hygromètre, un pluviomètre et un thermomètre. Quant à la société Agralis, elle a lancé en mars l'offre Aquafox, à partir de 730 €. Il s'agit de stations munies de capteurs de température, d'hygrométrie, d'humectation du feuillage et de pluviométrie. « C'est une offre simplifiée de notre ancien modèle Aqualis. Elle comprend moins de capteurs. Et ça démarre très fort ! », confie Isabelle Berthoumieu, gérante d'Agralis. Même topo chez Isagri avec sa nouvelle station Météus accessible à partir de 2 000 € pour une station munie de sept capteurs dont l'humectation du feuillage.
Sigfox, une nouvelle technologie
Pour diminuer les prix, ces constructeurs ont, entre autres, misé sur un nouveau moyen de transmission des données qui rencontre un vif succès : le Sigfox. « C'est un mode de communication spécialisé pour les objets connectés qui envoie un nombre limité de données dans de petits messages et qui consomme peu d'énergie », explique Isabelle Berthoumieu.
« Avec une transmission Sigfox, vous n'avez plus besoin de payer d'abonnement aux opérateurs de téléphonie mobile comme c'est le cas avec les transmissions GPRS », souligne Cécilia Goret, chef de produit Météus chez Isagri. Ainsi, un abonnement Sigfox revient à 12 €/an contre 5 €/mois pour un abonnement GPRS. « Nous réfléchissons à inclure cette technologie dans nos stations météo. Les start-up s'y mettent, indique Émeric Guittard, de Dfi-Elec, qui commercialise les stations SimTéo. Mais nous voulons d'abord évaluer sa portée. Nous craignons qu'il y ait des difficultés de transmission lorsque le relief est accidenté. » Même questionnement à l'IFV : « Il faut s'assurer que les stations transmettent bien les informations en continu lorsqu'elles sont installées sur des coteaux », explique Marc Raynal, ingénieur à l'IFV Bordeaux-Aquitaine.
De leur côté, les entreprises qui proposent une connexion Sigfox affirment qu'elles n'ont rencontré aucun problème. « Nos clients sont satisfaits. Nous avons même été étonnés de voir que la connexion Sigfox fonctionne dans des vergers, malgré la couverture foliaire des arbres », se réjouit Isabelle Berthoumieu. Avant d'installer une station météo, les entreprises vérifient que le réseau couvre bien l'exploitation. « Nos installateurs déplacent parfois les stations de quelques mètres pour obtenir une meilleure transmission », explique Cécilia Goret.
Des suivis de données accessibles
Dans leur argumentaire de vente, les entreprises misent également sur les plateformes de suivi des données. Consultables sur le Web, il n'est plus nécessaire d'installer un logiciel pour accéder aux données météo. Certains ne s'arrêtent pas là : « Avec Météus, nous proposons des modèles de calcul du risque mildiou et black-rot ainsi qu'une application pour aider les viticulteurs à planifier leurs traitements », se félicite Cécilia Goret. À cette fin, Isagri a intégré les modèles du bureau d'étude Rimpro sur son application Web et smartphone.
La société Cimel Électronique, elle, n'a pas franchi ce pas. « Chacun son métier. Nous, nous ne fabriquons que des stations météo, indique Didier Crozel, le directeur. Mais avant de choisir un outil d'aide à la décision, les vignerons doivent vérifier qu'il a bien été validé par les instituts techniques. »
À ce jour, quatre modèles servent à évaluer les risques de maladie : EPIcure (mildiou, oïdium, black-rot), Movida, Promété (mildiou et oïdium) et Rimpro (mildiou, black-rot). Seuls Promété et Rimpro sont vendus aux particuliers ou intégrés de base dans des stations météo. EPIcure appartient à l'IFV qui le fait tourner pour publier des cartes des risques de maladies dans les régions viticoles de France. Quant à Movida, de Bayer, il est confié à des distributeurs de produits phyto afin qu'ils prodiguent leurs conseils.
Quid de l'efficacité des modèles d'évaluation des risques...
« Il n'y a pas de réponse simple. Certains vendeurs disent que l'on peut réduire les traitements avec. Certes, des marges de progrès existent. Mais à l'IFV, nous travaillons encore à améliorer nos modèles. Je suis donc un peu sceptique quant aux performances réelles des outils d'aide à la décision proposés dans le commerce », avertit Marc Raynal.
L'histoire des modèles est ponctuée d'échecs et de succès. En 2011, l'IFV avait vu juste pour un premier traitement antimildiou en juillet. Mais le modèle EPIcure s'est montré défaillant en 2015 face à une attaque précoce de mildiou. Ceci doit inciter les utilisateurs à garder un oeil critique sur les indications des modèles.
... Et de la justesse des capteurs ?
« Il faut s'assurer que les capteurs météo fournissent des données fiables qui ne dévient pas dans le temps », explique Didier Crozel. Apparemment, ce n'est pas toujours le cas. « Nous avons contrôlé un pluviomètre du marché qui indiquait une précision de 5 %. Après mesure, nous avons remarqué qu'elle n'était que de 20 % », souligne Marc Raynal. Hélas, il n'existe aucune étude indépendante portant sur la précision et la fiabilité des capteurs utilisés en viticulture.
Bien souvent, les fabricants achètent leurs capteurs à des entreprises spécialisées. Ils se contentent de les intégrer à leurs stations. À l'image d'Agralis qui utilise les capteurs finlandais Vaisala ou de Dfi-Elec qui se fournit chez Honeywell. Cimel Électronique, lui, conçoit ses propres capteurs et mise sur leur longévité : « Nos stations météo peuvent tenir vingt ans. Et chaque année, nous étalonnons nos sondes hygrométriques pour vérifier qu'elles ne dévient pas », souligne Didier Crozel. Mais pour s'équiper d'une station connectée Cimel avec thermomètre, capteur d'humidité et pluviomètre, il faudra débourser 3 000 €.
Les stations météo n'ont pas encore fait leurs preuves dans le monde de la recherche pour la conception de modèles. Mais elles se sont révélées très utiles cette année pour les viticulteurs. « Depuis le lancement de notre station, en avril dernier, nos premiers clients ont pu recevoir des alertes au gel grâce au calcul permanent de la température humide, se félicite Martin Ducroquet, cofondateur de Sencrop. Ils ont ainsi pu se mobiliser rapidement et mettre en place des méthodes de lutte. »
La recherche à l'assaut de l'agro-météorologie
Face à l'arrivée des nouvelles offres de stations météo, l'Acta, Arvalis, Météo France et l'IFV viennent de déposer un projet Casdar pour étudier la fiabilité des capteurs météo et l'intérêt que peuvent procurer ces nouvelles données dans la conception de modèles de maladies. « Nous ne sommes qu'à la préhistoire de l'agro-météorologie ! Si ces données sont fiables, elles pourraient nous permettre de réaliser des modèles précis qui tiennent compte des variations climatiques intraparcellaires. Nous pourrons, par exemple, comprendre pourquoi le mildiou s'attaque parfois à un endroit d'une parcelle et pas à un autre, explique Marc Raynal, technicien à l'IFV Bordeaux-Aquitaine. Aujourd'hui, nous utilisons les informations de Météo France qui fournit des données homogènes et certifiées tous les kilomètres. » Ce projet intitulé MeteoPrec doit être validé par le ministère de l'Agriculture. « Mais un sujet de thèse portant sur la prévision météorologique vient d'obtenir un accord de financement », se réjouit Marc Raynal. En attendant, l'IFV est déjà à pied d'oeuvre avec l'Inra et Bordeaux Sciences Agro pour analyser plus finement les interactions météo-plante.
Groupama mise sur Météus
En février dernier, Groupama Val de Loire a annoncé un partenariat avec Isagri pour proposer des stations Météus à ses sociétaires. Groupama Val de Loire prend en charge une partie du prix des stations et de l'abonnement pour favoriser leur déploiement. Ainsi, les viticulteurs qui s'équipent d'une station Météus paieront leur assurance moins cher. L'objectif, à terme, est de créer un réseau de stations connectées sur le territoire qui profitera à tous les utilisateurs de Météus. « Chaque agriculteur a accès et partage ses données météo avec les autres via l'application Web, précise Alexandre Diaz, responsable innovation chez Isagri. Les données sont fiables sur un périmètre d'environ 10 km, d'où l'importance de déployer ces stations largement. »
Le Point de vue de
RICHARD SEGUIN, 3,5 HA, À GEVREY-CHAMBERTIN (CÔTE-D'OR)
« Je peux gérer mon vignoble à distance »
« J'ai acheté une station Météus pour deux raisons : d'une part, je voulais connaître la température du sol pour piloter la fertilisation de mes vignes ; d'autre part, j'avais besoin de connaître la vitesse du vent, la température de l'air et l'humectation du feuillage pour pouvoir effectuer mes traitements au bon moment. Pour l'achat de la station météo complète, j'ai déboursé environ 3 000 €. Je n'ai pas voulu prendre les outils d'aide à la décision pour les maladies. Je suis déjà accompagné par deux techniciens viticoles. En outre, je consulte régulièrement les bulletins d'alerte et je connais les conditions climatiques déterminantes pour l'apparition des maladies. Je n'ai donc pas besoin d'un modèle de risque. Par contre, j'ai réglé des alertes depuis la plateforme web que je reçois directement sur mon smartphone. Ainsi, je suis alerté quand la vitesse du vent dépasse 20 km/h. Dans ce cas, inutile d'aller traiter. Je reçois aussi un SMS lorsqu'une averse de pluie dépasse 30 mm/h. Si j'ai traité mes vignes avec un produit de contact, je sais que je dois recommencer car le produit aura été lessivé par l'averse. Ainsi, même quand je m'absente, je peux consulter facilement mes données météo et gérer mon vignoble à distance en demandant à mes ouvriers de traiter si besoin. »
