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VIGNE

Couverts végétaux Prêt à passer le cap ?

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°297 - mai 2017 - page 34

Les couverts temporaires s'implantent petit à petit dans les vignobles. Pour leur conduite, il n'y a pas de recette miracle, les viticulteurs avancent à tâtons. La Vigne a mené l'enquête auprès d'exploitants gersois lors d'une démonstration.
LES COUVERTS DE FÉVEROLE se détruisent facilement à l'aide des rolofacas, mais se dégradent trop rapidement pour obtenir un effet mulch. © L. MARNÉ

LES COUVERTS DE FÉVEROLE se détruisent facilement à l'aide des rolofacas, mais se dégradent trop rapidement pour obtenir un effet mulch. © L. MARNÉ

« C'est par curiosité que je suis venu, reconnaît timidement un viticulteur, dont le tracteur a été emprunté pour la démonstration. Mes pratiques sont conventionnelles, mais j'observe. On ne sait jamais. Si le glyphosate était interdit, je devrais peut-être semer des couverts pour limiter les adventices. » C'est cette même inquiétude qui a poussé Sylvain Fontan, viticulteur à Noulens, à venir assister à cette démonstration organisée par la FD Cuma du Gers, à Lelin-Lapujolle, le 25 avril dernier. Au programme : la destruction de couverts de féverole et d'avoine semés l'automne dernier dans les interrangs d'une vigne en AOC Saint-Mont. La FD Cuma a réuni pour l'occasion des gyrobroyeurs, rouleaux écraseurs et outils à disques pour comparer leur efficacité.

Une alternative au désherbage chimique

« On parle d'interdire le désherbage chimique, poursuit Sylvain Fontan. Je cherche donc une alternative efficace et pas chère pour maîtriser les mauvaises herbes. Dans ce but, j'ai testé un couvert féverole-avoine sur 2 ha. »

« La féverole produit beaucoup de biomasse. Mais ce n'est que de l'air et de l'eau. Une fois couché, le mulch se détruit rapidement », souligne Fabrice Fort qui teste pour la première année des couverts végétaux sur son domaine de 25 ha, à Lelin-Lapujolle.

Cette espèce a l'avantage de se détruire facilement. « En deux heures, je peux écraser 8 ha de féverole avec mon rolofaca », poursuit-il. La preuve : aucun des six rouleaux testés lors de la démonstration n'a réellement fait la différence. Tous ont parfaitement couché la féverole alors qu'elle atteignait près de 1,30 m de hauteur. « Il faut voir comment les rouleaux se comportent sur des céréales », entendait-on chez les viticulteurs présents. Mais, pour la suite du test, quelques constructeurs se sont montrés frileux pour mettre leurs rouleaux à l'épreuve sur un couvert d'avoine.

Pour concurrencer les adventices, les viticulteurs interrogés optent plutôt pour des céréales (avoine ou triticale) dont le système racinaire fasciculé occupe bien les couches superficielles du sol, laissant peu de chances à la flore spontanée de prospérer. « Si j'arrête d'en semer, c'est le chiendent et l'agrostis qui reprennent le dessus », explique François Dargelos, viticulteur à Eauze.

Les viticulteurs se soucient aussi de leurs sols. « Ils sont composés de boulbènes. Gorgés d'eau l'hiver, ils sont secs et durs l'été. Les couverts peuvent les structurer grâce à leur réseau racinaire » explique Sylvain Fontan. Ces boulbènes sont des argiles sableuses très répandues dans le Gers. Lors de la démonstration, elles ont donné bien du fil à retordre aux outils de travail du sol. « Il n'y arrivera jamais, même en passant deux fois ! C'est trop sec », a alerté un ancien viticulteur au passage d'un déchaumeur à disques tentant de détruite le couvert d'avoine. Bien vu ! Après un aller-retour de l'outil, elle était encore bien enracinée et la terre à peine travaillée. Mais le sol était déjà bien dur à cause de la sécheresse précoce cette année. « J'ai dû faucher mon couvert de graminées plus tôt pour éviter de concurrencer la vigne », explique François Dargelos.

Pour permettre l'écoulement de l'eau dans le sol en hiver, Sylvain Fontan passe en général la sous-soleuse. « Le sol est ainsi plus meuble au printemps. Mais c'est chronophage. Les couverts pourraient avoir le même effet d'aération grâce à leurs racines. »

Outre les aspects agronomiques, les viticulteurs évoquent d'autres arguments. « Je vais mettre en place des couverts dès l'automne prochain uniquement pour des raisons économiques », explique Laurent Péricé. Ce viticulteur produit du vin en IGP Côtes-de-Gascogne et en AOC Floc de Gascogne et Armagnac. « En IGP, je peux récolter jusqu'à 120 hl/ha. Or, en année normale, je ne récolte que 90 hl/ha en moyenne pour les blancs et les rouges. Je vais semer de la féverole pour apporter de l'azote et augmenter mes rendements. »

Laurent Péricé prévoit de semer cette légumineuse un rang sur deux sur l'ensemble de son vignoble, soit sur 45 ha d'un coup. « Pas besoin de faire de test. Je sème déjà des couverts sur mes parcelles de maïs depuis six ans. Et je fais confiance à mes collègues viticulteurs qui maîtrisent cette technique. » Pour semer sa féverole, il a déjà prévu d'acquérir une trémie Delimbe ou APV qu'il installera sur sa herse rotative.

Si tous les viticulteurs interrogés par La Vigne semblent convaincus de l'intérêt des couverts, ils avancent à tâtons vis-à-vis des espèces à semer, des dates de semis et des méthodes de destruction. « Il n'y a pas de solution miracle. On doit s'adapter au climat et au travail de la vigne », conclut François Dargelos.

Le Point de vue de

FRANÇOIS DARGELOS, 30 HA, À EAUZE (GERS)

« J'utilise le rolofaca sur la féverole et une faucheuse pour les céréales. »

« Je sème des couverts dans mes vignes depuis plus de dix ans. J'ai testé de nombreuses espèces : graminées, crucifères et légumineuses. Les crucifères aèrent bien le sol grâce à leur pivot. Mais le semis de colza a lieu pendant les vendanges. Pas facile alors de s'organiser. Je privilégie donc un mélange avoine-féverole. La période de semis est plus large.

En général, je sème sur 2,40 m de large sachant que mes vignes sont plantées à 2,80 m. Pour détruire les couverts, j'utilise le rolofaca sur la féverole et une faucheuse pour les céréales. Il m'arrive d'utiliser des outils à disques si je souhaite accélérer la minéralisation. Pour un mulch persistant au sol, je laisse pousser mes céréales à 80 cm environ. J'essaie de les faucher au stade épiaison à l'aide d'une faucheuse rotative utilisée en élevage que je monte à l'avant de mon tracteur. Le paillage en place peut ensuite tenir deux mois si les conditions phytosanitaires sont optimales. Cependant, s'il faut traiter de bonne heure, je fauche plus tôt pour pouvoir entrer dans les vignes avec mon pulvérisateur à panneaux récupérateurs. »

Le Point de vue de

FABRICE FORT, VITICULTEUR, 25 HA, À LELIN-LAPUJOLLE (GERS)

« Je ne cherche pas de hauts rendements donc je sème peu de légumineuses. »

« Je teste pour la première année les couverts végétaux, mais uniquement pour les cépages rouges. Les blancs sont plus sensibles au stress hydrique. J'ai semé de la féverole et de l'avoine un rang sur deux. Pour préparer le lit de semis, j'ai travaillé le sol au vibroculteur. J'ai ensuite semé avec un très vieux semoir IH de mon père, autrefois tracté par des boeufs ! Nous avons juste ajouté un attelage à trois points.

Je produis pour la cave coopérative de Saint-Mont. Donc je ne cherche pas de hauts rendements en semant trop de légumineuses.

À terme, je souhaiterais ne plus du tout travailler le sol. Comme j'ai des problèmes de dos, cela m'évitera de passer trop de temps sur mon tracteur. Et je ferai des économies de temps et de carburant. »

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