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VIGNE

Enherbement Fini les gazons ras !

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°297 - mai 2017 - page 32

Il est inutile, voire préjudiciable, de tondre trop souvent les couverts permanents. Les techniciens conseillent de les laisser pousser. Mais, pour des raisons esthétiques, les viticulteurs peinent à garder leur gyrobroyeur au hangar.
LES TONTES RÉPÉTÉES densifient le système racinaire de l'herbe qui vient concurrencer la vigne. © P. ROY

LES TONTES RÉPÉTÉES densifient le système racinaire de l'herbe qui vient concurrencer la vigne. © P. ROY

Un paysage de vignes entrecoupées de jolies bandes vertes de pelouses, qui n'a pas cela en tête ? Les couverts de ray-grass régulièrement coupés à ras font bonne impression vis-à-vis des touristes de passage dans nos vignobles. Mais ces tontes répétitives sont-elles nécessaires ?

« Des tontes régulières n'ont aucun intérêt agronomique, alerte Loïc Pasdois, conseiller en agroéquipement à la chambre d'agriculture de Gironde. Au départ, l'enherbement permanent servait à faciliter le passage des tracteurs et à réduire la vigueur des vignes. Il améliore la portance du sol. Mais il est inutile de le couper régulièrement. » Et dans un contexte où l'agroécologie gagne du terrain, les techniciens viticoles tentent de limiter ces tontes répétées. Mais il est difficile de faire passer le message quand l'esthétique prime. « Il y a un barrage psychologique, explique Éric Maille, conseiller viticole à Agrobio Périgord. Nombre de viticulteurs sont touchés parce que j'appelle le « syndrome gazon ». » « Chez nous, la plupart des viticulteurs attellent le broyeur à l'arrière de leur tracteur et tondent en même temps qu'ils rognent », regrette Loïc Pasdois.

Aujourd'hui, les spécialistes préconisent de laisser le couvert monter en graine au printemps, avant la première tonte, pour qu'il termine son cycle végétatif. « Plus on coupe l'herbe, plus son système racinaire se densifie. On étouffe le sol. Il ne respire plus et l'eau ne peut pas pénétrer », avertit Loïc Pasdois. Éric Maille le confirme : « Même si l'on se débarrasse des parties aériennes des plantes, ça ne limite pas la concurrence avec la vigne. L'herbe va chercher à tout prix à faire des épis en consommant davantage de nutriments par son système racinaire. »

Et certains domaines voient l'intérêt à l'espacement des tontes. « Nous avons laissé pousser le couvert naturel, essentiellement composé de graminées, sur une parcelle. Nous nous sommes aperçus qu'il ne poussait plus après épiaison. Désormais, nous laissons monter le couvert au maximum dans notre vignoble », explique Tom Faure, chef de culture au Château Les Vergnes, en Gironde.

En plus de retarder la première tonte, les techniciens préconisent de ne plus couper l'herbe au ras du sol. « Je conseille de ne pas descendre en dessous de 8 ou 10 cm. C'est un bon compromis. En outre, cela limite l'effet "splash" des pluies, les gouttes d'eau ne rebondissant plus sur le sol lorsqu'il pleut. Ce qui réduit le risque de contamination de la vigne par le mildiou du sol », estime Éric Maille.

Gare cependant à ne pas trop laisser pousser le couvert. « Il peut gêner le passage des pulvérisateurs dotés de descentes », prévient Éric Maille. Un enherbement trop haut peut également favoriser le gel ou entrer en concurrence avec la vigne pour l'eau et les nutriments. Tom Faure le sait. « Pour pouvoir passer dans les vignes, nous ne tondons précocement qu'un rang sur deux, laissant l'autre monter en graine. Puis nous alternons les coupes à chaque passage. » Avec ces tontes alternées, les tractoristes du Château Les Vergnes passent tout logiquement deux fois moins de temps à tondre le domaine. « Nous faisons également des économies en carburant, ajoute Tom Faure. Mais cette année, avec l'arrivée du gel, nous avons dû nous résoudre à tondre l'ensemble de notre vignoble dès la mi-avril. »

François Dargelos, viticulteur dans le Gers, s'y prend différemment : « Je teste depuis trois ans un couvert permanent de trèfles blanc, incarnat et violet un rang sur deux sur une partie de mon vignoble. Cette plante ne monte pas très haut et concurrence peu la vigne. Une fois son cycle végétatif terminé, elle se couche naturellement. Les nouvelles graines repartent ensuite en septembre. » Ainsi, le couvert en fin de cycle apporte une litière susceptible de conserver l'humidité du sol. « La dynamique du couvert fonctionne exactement comme une forêt. Il se régénère en permanence », explique Loïc Pasdois.

Depuis que François Dargelos travaille ainsi, il se réjouit d'avoir réduit son temps de travail : « Je ne touche pas du tout au trèfle. Je passe un coup de broyeur uniquement si l'été est très pluvieux pour ne pas être trop envahi. » Satisfait de son couvert, il souhaite le généraliser dès l'an prochain dans tous les rangs de vigne. « Je vais mélanger plusieurs variétés de trèfles pour varier les systèmes racinaires et les strates de végétation. Le trèfle est une plante couvrante qui concurrence bien les adventices », détaille-t-il.

Et comme la plupart de ses confrères, il va devoir vaincre ses craintes. « Psychologiquement, ça va être difficile de ne pas intervenir car ce nouveau couvert risque de monter plus haut.

Vie du sol : engrais vert ou sur-semis ?

Les coupes répétées d'un enherbement permanent présentent d'autres désavantages : « À force de tondre, on sélectionne les espèces et on perd en biodiversité, avertit Loïc Pasdois, de la chambre d'agriculture de Gironde. Le couvert de ray-grass se transforme peu à peu en couvert de chiendent. » Ainsi, avant de réimplanter des couverts permanents, le technicien conseille de semer des couverts temporaires détruits au printemps. « Dans des parcelles tondues régulièrement depuis des années, il faut à nouveau activer la vie du sol », ajoute Loïc Pasdois. Il propose une autre solution : « Il est possible d'effectuer un sur-semis sur le couvert dès qu'il s'épuise et laisse trop la place aux adventices. » La chambre d'agriculture de Gironde souhaite tendre vers un système de non-travail du sol.

Le Point de vue de

PASCAL PÉLISSOU, VIGNERON SUR 52 HA, À BRENS, DANS LE TARN

« Je n'interviens que deux fois sur le couvert »

 © FD CUMA DU TARN

© FD CUMA DU TARN

« Je produis une partie de mes vins en AOP Gaillac, l'autre en IGP Côtes du Tarn. Je cherche donc à avoir de petits rendements, entre 35 et 40 hl/ha en AOP. Pour diminuer la vigueur de mes vignes, je teste depuis quatre ans un enherbement total sur 5 ha. Au départ, j'ai laissé pousser spontanément les plantes issues du stock de graines présent dans le sol. Je suis chanceux de ce côté-là. Dans mes vignes, on trouve du trèfle par endroits, des graminées, du plantain, de la vesce sauvage... Pour contenir l'enherbement, je combine deux travaux. À l'avant du tracteur, j'installe un rolofaca. À l'arrière, je dispose d'une brosse métallique intercep NaturaGriff pour désherber sous le rang et épamprer. Je combine cet intercep avec le rotofil Multi-Clean Clemens monté sur un axe horizontal pour affaiblir le couvert dans l'interrang. Je n'ai besoin de passer dans les vignes que deux fois à 3 km/h, mi-avril puis fin mai. J'interviens parfois en juillet pour des raisons esthétiques. Dans tous les cas, il ne faut surtout pas tondre pour éviter de densifier le couvert. »

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