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À LA VIGNE - SEPTEMBRE

Après le gel L'heure du bilan

La vigne - n°301 - octobre 2017 - page 12

Les vendanges sont terminées pour les trois vignerons que La Vigne suit depuis le gel d'avril. C'est mieux que prévu pour Jérôme Boutinon et Didier Avenet mais pas pour Jean-Claude Blanc.

Didier Avenet, 8,5 ha,à Saint-Martin-le-Beau, en Indre-et-Loire « Nous avons presque fait le plein »

 © L. MARNÉ

© L. MARNÉ

« Cette année, j'ai demandé une dérogation pour débuter les vendanges un jour avant le ban qui était fixé au 13 septembre. Le 10 septembre, j'avais fait des analyses sur mes chenins et l'acidité totale était déjà tombée à 5,5 g/l. C'est assez bas pour les vins de base d'effervescents. Il ne fallait donc pas attendre pour récolter. J'ai attaqué les vendanges par les parcelles qui ont gelé en avril dernier, car quelques foyers de pourriture grise commençaient à s'installer. En maturité, ces vignes avaient bien rattrapé leur retard sur les non-gelées grâce aux fortes chaleurs de cet été. Si bien que j'ai obtenu 11,5° d'alcool en moyenne. C'est très bien pour les vins de base. J'ai pensé à un moment récolter à la main ces vignes gelées et que ça ne vaudrait pas le coup d'y passer la machine. Mais finalement non. J'ai tout récolté mécaniquement, sauf les vignes pour pétillant naturel et pour moelleux qu'il faut récolter à la main. D'ailleurs, il y a quelques jolis grappillons qui ne sont pas tombés dans la machine car ils se situaient plus haut que les secoueurs. De belles grappes vertes sont également restées sur pied après le passage de la vendangeuse. J'attends de voir fin octobre quand les feuilles seront en partie tombées. Si cette vendange est encore bonne, cela vaudra peut-être le coup de repasser à la main. Sur 0,5 ha, j'ai de quoi remplir entre 3 et 4 caisses à vendanges. À voir ce que l'on peut faire au sein de la cave coopérative. Finalement, je suis plutôt satisfait. J'ai obtenu un rendement moyen de 50 hl/ha. Dans les parcelles gelées, le rendement tourne plutôt autour de 35 hl/ha. C'est honorable ! En effet, juste avant les vendanges, il a plu deux fois 15 mm d'eau. Cela a permis de gonfler un peu les baies. À la cave coopérative de Montlouis-sur-Loire, nous avons rentré 7 500 hl. Cela représente un peu plus de 10 % de perte. Nous nous attendions à bien pire. Et la récolte est de qualité ; meilleure que celles de 2014 et 2015. Les fermentations ont bien démarré. Nous avons de quoi refaire le plein dans notre gamme de tranquille, du sec jusqu'au liquoreux. »

Jean-Claude Blanc (au centre), 20 ha à Gignac (Hérault) « Des vins exceptionnels mais 55 % de récolte en moins »

« C'est une année noire : la récolte est catastrophique, j'ai perdu 55 % de mes volumes sous l'effet cumulé de la petite sortie, du gel, de la grêle et de la sécheresse. Je pense arriver à 450-500 hl alors qu'en année normale, j'atteins 1 000 hl. J'ai conservé le même volume pour mes ventes en bouteille (150 à 170 hl) en diminuant mes apports à la cave coopérative. J'en ai la possibilité cette année car j'ai changé de coopérative. Je ne suis pas tenu de livrer les volumes pour lesquels j'étais engagé précédemment (600 à 700 hl). En revanche, pour les vins, c'est une année exceptionnelle. Les fermentations se sont déroulées sans problème pour les rouges. Les raisins étaient très sains et bien mûrs. Les degrés sont élevés, mais cela ne se ressent pas à la dégustation car il y a un bel équilibre. J'ai innové cette année avec une macération carbonique sur merlot, syrah et mourvèdre qui se présente très bien. Habituellement, je la fais sur syrah et grenache, mais le grenache a coulé cette année et, qualitativement, il n'était pas terrible. J'ai donc essayé sur d'autres cépages et le résultat paraît très intéressant. J'ai eu plus de souci avec mes blancs car mon groupe de froid a rendu l'âme. C'était un investissement que j'avais prévu de faire, mais vu la récolte de cette année, je l'ai différé. Il va falloir que je revoie la question et que j'aille voir mon banquier en vue de m'équiper pour les prochaines vendanges. S'il n'y a pas d'augmentation des prix des matières sèches ni de l'embouteillage, je ne prévois pas d'augmenter mes prix de vente en bouteille. Ce n'est pas parce que j'ai été pénalisé que mes clients doivent en subir les conséquences. En revanche, je suis très inquiet de cette sécheresse qui se prolonge : elle risque de perturber les mises en réserve de la vigne et d'affaiblir à nouveau la prochaine récolte. Après une année difficile comme 2017, je peux faire le dos rond. Mais si ça se renouvelle l'an prochain, je plie boutique. »

Jérôme Boutinon, Château Hos tin le Roc, 20 ha, à Saint-Quentin-de-Baron (Gironde) « Une récolte un peu meilleure que prévu »

« Il a beaucoup plu en septembre, presque 100 mm. Les baies ont bien grossi. Finalement, nous avons récolté un peu plus que prévu. C'est une bonne surprise. Au printemps, plus de la moitié des vignes avaient gelé. Je m'attendais à faire moins d'une demi-récolte. Mais ce sera un peu plus. En 2016, nous avons produit 1 100 hl. Cette année, nous devrions être aux alentours de 650 hl. En qualité aussi, c'est beau, même si ce n'est pas le millésime du siècle. Nous avons rentré les rouges à 13,5 % vol. de moyenne de cave. Nous avons commencé les vendanges le 5 septembre par les blancs et terminé le 25 par les merlots gelés. Nous aurions aimé attendre une semaine de plus pour parfaire la maturation. Mais il a fallu ramasser car l'état sanitaire se dégradait ; surtout les 8 ha les plus gelés. Là, nous n'avons même pas récolté 10 hl/ha, ce qui fait bien chuter la moyenne de la cave. Ces parcelles étaient plus touchées que les autres par la pourriture grise, peut-être à cause de l'excès de vigueur dû à la faible charge. Je les ai vinifiées à part dans une cuve. Cette vendange avait presque le même niveau de sucre que le reste, mais était plus acide et plus végétale. Pour pallier cette verdeur, j'ai utilisé des granulats de chêne. C'est la première fois que j'en emploie. C'était un cas de force majeure. Cette cuve est encore en fermentation, mais j'ai l'impression que les copeaux atténuent déjà bien la verdeur. Comme elle n'est pas pleine, je vais aussi devoir l'écouler bien plus tôt que les autres. Je ne pourrai pas la laisser macérer les deux à trois semaines habituelles. Mis à part cela, je la vinifie comme les autres. Avec ces bonnes surprises en quantité et en qualité, le moral est plutôt bon. La sélection de mes meilleures parcelles s'annonce prometteuse. Mais il faudra attendre la fin des malos pour pouvoir juger car les moûts sont riches en acide malique cette année : 2 à 3 g/l contre 1 g/l habituellement. J'ai bon espoir. Je redoute seulement d'avoir un peu plus de difficulté à vendre ce millésime en bouteilles car il risque de souffrir d'une mauvaise image dans la presse et auprès du public avec toutes les difficultés que nous avons eues. »

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