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VIN

Bouchon en verre Un succès éclatant

MICHÈLE TRÉVOUX - La vigne - n°301 - octobre 2017 - page 52

Très délicat à poser, le bouchon en verre n'enchante guère les embouteilleurs et les verriers. Il s'impose contre toute attente, plébiscité par les consommateurs.
LE BOUCHAGE avec le bouchon en verre Vinolok est délicat et cher mais son succès commercial le vaut bien. © EMBOUTEILLAGE SERVICES

LE BOUCHAGE avec le bouchon en verre Vinolok est délicat et cher mais son succès commercial le vaut bien. © EMBOUTEILLAGE SERVICES

C'est un succès auquel personne ne s'attendait. Quand le bouchon de verre pointe son nez sur le marché français du vin, en 2005, il est loin de soulever l'enthousiasme. Producteurs, embouteilleurs, verriers... tous se montrent extrêmement circonspects à l'égard de ce nouveau venu, très coûteux et contraignant. Depuis, le Vinolok a forcé bien des portes. Christophe Chapoulie, distributeur exclusif en France de ces bouchons fabriqués par l'entreprise tchèque Preciosa, annonce en avoir vendu 15 millions cette année.

« La croissance a été phénoménale. En 2011, j'en ai vendu 500 000. Depuis, les ventes ne cessent de progresser sous le double effet de l'accroissement du nombre des clients et de la hausse de leurs commandes », confie-t-il, lui-même étonné par ce succès fulgurant.

Gérard Bru, audacieux propriétaire du Château Puech Haut, dans l'Hérault, a eu du flair. Dès 2010, il a entrevu que ce bouchon en verre plairait au public. Il fut le premier en France à boucher sa gamme de rosé prestige avec le Vinolok et à se lancer sur ce marché de niche. Cependant, si le bouchon en verre a rapidement séduit les consommateurs, il n'en est pas de même pour les embouteilleurs et les verriers auxquels Preciosa impose de nouvelles contraintes.

« Pour référencer une bouteille destinée au Vinolok, nous demandons aux verriers de s'engager sur une tolérance de + ou - 0,5 mm sur les six premiers millimètres du goulot. Il faut également que le diamètre mesuré à 6 mm à l'intérieur soit supérieur ou égal à celui du haut de la bouteille », précise Christophe Chapoulie.

L'étanchéité du bouchon est assurée par un joint en plastique (Elvax), formé de trois lames de taille légèrement différente pour compenser les irrégularités de diamètre des cols. Le fabricant assure que l'ensemble bouchon plus capsule résiste à 3 bars de pression, un niveau qui peut être atteint avec une élévation de la température de 45 °C. Sans la capsule, la tenue à la pression tombe à 1 bar, ce qui autorise une élévation de température de seulement 10 °C. Christophe Chapoulie déconseille donc de travailler en tiré-bouché. Dès lors que l'on veut utiliser le Vinolok, il faut habiller les bouteilles aussitôt. Denis Legras ajoute : « Mieux vaut conditionner en bouteilles debout et réserver les bouchons en verre aux vins de consommation rapide. » Les rosés représentent d'ailleurs 80 % du marché du bouchon de verre.

Pour les embouteilleurs, ce bouchon n'est pas un cadeau. « Le bouchage devient un exercice très délicat. De plus, la surface de contact du joint avec la bouteille est beaucoup plus faible qu'avec un bouchon en liège ou en plastique. Le risque d'une mauvaise étanchéité est plus élevé qu'avec les autres bouchons », observe Jacques Beauclair, patron d'Embouteillage Services.

La hauteur de dégarni est l'autre point critique pour les embouteilleurs : 60 mm contre 45 mm pour la capsule à vis et 15 mm pour le bouchon en liège ou en synthétique. Un tel volume ne peut pas être pris par l'air. Pour conserver les vins, il est donc primordial de bien inerter la bouteille et l'espace de tête avant d'appliquer le bouchon.

Denis Legras, qui fut le premier embouteilleur mobile à poser le Vinolok, prend deux précautions pour avoir le minimum d'oxygène dissous dans les vins : il les désoxygène au travers d'un contacteur à membrane placé juste avant la tireuse et il inerte le col au moment de la mise. Jacques Beauclair contrôle l'efficacité de son système d'inertage avec le NomaSense, un appareil qui permet de mesurer l'oxygène dissous dans les bouteilles fermées, sans enlever le bouchon.

Les embouteilleurs sont également très attentifs au risque de bris de verre. Pour répondre à la demande, les fabricants de matériel d'embouteillage ont développé des modules spécifiques pour le Vinolok. Ceux-ci alignent le bouchon sur le goulot de la bouteille, en évitant tout frottement entre les deux.

En théorie, tout est donc conçu pour un fonctionnement industriel du bouchage en verre. Dans la pratique, les aléas existent. « L'incident le plus fréquent, c'est le bouchon qui remonte, mais le problème se pose moins avec le nouveau joint à trois lames », constate Jacques Beauclair. Ce bouchon est coûteux puisqu'il est vendu à partir de 0,40 € l'unité, rappelle Denis Legras. L'embouteillage l'est aussi. Les prestataires facturent en effet leurs services de 15 à 50 % plus cher qu'avec les autres modes de bouchage. « Au prix où je vends ces bouchons, s'ils ne faisaient pas l'affaire, il y a longtemps que les clients m'auraient viré. Or, la demande ne cesse de progresser depuis dix ans », argue Christophe Chapoulie.

DAVID BLEUZE, DOMAINE LAFAGE, 200 HA, 1 MILLION DE COLS, À PERPIGNAN (PYRÉNÉES-ORIENTALES) « Des mises avec un double inertage à l'azote »

« Nous avons lancé nos premières bouteilles bouchées en verre en 2011 pour deux cuvées de rosé et un muscat de Rivesaltes, des vins de consommation rapide. Le point crucial, c'est de choisir une bouteille qui respecte les tolérances fixées par le bouchonnier. Les problèmes que nous avons rencontrés les premières années ont toujours été liés à la non-conformité des bouteilles. Désormais, nous avons nos propres moules avec les dimensions du goulot définies par contrat et la mise en bouteille ne pose plus de problème.

Nous sommes très vigilants sur l'oxygène dissous dans tous nos vins. Nous nous sommes équipés de l'Evo 1000 de Parsec pour désoxygéner nos vins avant la mise afin de descendre jusqu'à 0,1 à 0,2 mg/l d'O2 dissous. Pour les mises en bouteille avec le Vinolok, on réalise un double inertage à l'azote : d'abord la bouteille vide puis l'espace de tête. Nous venons également de nous équiper du NomaSense pour vérifier la teneur en O2 dissous en bouteille après la mise. Au début de l'année prochaine, nous effectuerons toute une série de mesures avec cet appareil pour contrôler l'évolution de l'oxygène dissous dans les bouteilles bouchées avec le Vinolok. Les cadences d'embouteillage sont 15 à 20 % inférieures à celles que nous pratiquons avec les autres bouchons, car la pose est plus délicate et nous utilisons des bouteilles plus instables. Nous plaçons une personne de plus sur la ligne d'embouteillage pour surveiller le bouchage et s'assurer qu'il n'y a aucun bris de verre. C'est coûteux mais commercialement ce bouchage plaît beaucoup et permet de très belles présentations. »

Perméabilité Entre le liège et la capsule à vis

D'après, l'Awri (Australian Wine Research Institute), la perméabilité du Vinolok à l'oxygène se situe entre celles du bouchon en liège et de la capsule à vis. Cet institut a mesuré l'OTR (Oxygen Transfer Rate ou taux de transfert de l'oxygène) dans différents vins stockés pendant 24 mois à 17 °C, à l'abri de la lumière. Selon ses observations, l'OTR du Vinolok varie entre 0,0076 et 0,0086 cm3 d'O2 par jour, suivant la taille du bouchon. Des valeurs intermédiaires entre la capsule à vis Stelvin, la plus étanche à l'oxygène (0,002 cm3 par jour), et le bouchon en liège (0,015 cm3 par jour). L'AWRI et l'Université de Gesenheim, en Allemagne, ont également étudié l'évolution de la teneur en SO2 avec le Vinolok, la capsule à vis, le bouchon en liège et un bouchon synthétique. Là encore, les résultats placent le bouchon en verre entre la capsule à vis - qui préserve le mieux le SO2 - et le bouchon en liège. Le synthétique est celui où la chute des teneurs en SO2 a été la plus forte.

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