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Aux Rendez-vous de l'Erdre « C'est quoi ce truck ? »

PATRICK TOUCHAIS - La vigne - n°301 - octobre 2017 - page 59

EN QUÊTE D'UNE NOUVELLE VITRINE POUR SES AOC, la Fédération des vins de Nantes a opté pour un camion à vins. Lors de sa première sortie, le Muscadetruck a suscité curiosité et enthousiasme.
LE MUSCADETRUCK, garé sur le quai de Versailles à Nantes, durant Les Rendez-vous de l'Erdre, du 31 août au 3 septembre, a permis de faire découvrir les vins de la région aux passants. © P. TOUCHAIS

LE MUSCADETRUCK, garé sur le quai de Versailles à Nantes, durant Les Rendez-vous de l'Erdre, du 31 août au 3 septembre, a permis de faire découvrir les vins de la région aux passants. © P. TOUCHAIS

TOUT ÉQUIPÉ, le Muscadetruck représente un coût de 80 000 €.

TOUT ÉQUIPÉ, le Muscadetruck représente un coût de 80 000 €.

POUR SA PREMIÈRE SORTIE, le camion était installé sur le quai de Versailles pendant le festival de jazz et de plaisance, Les Rendez-vous de l'Erdre.

POUR SA PREMIÈRE SORTIE, le camion était installé sur le quai de Versailles pendant le festival de jazz et de plaisance, Les Rendez-vous de l'Erdre.

JACQUES, un client Nantais apprécie l'initiative de ce stand ambulant : « Le vin est bien présenté. On gagne en qualité. » PHOTO : P. TOUCHAIS

JACQUES, un client Nantais apprécie l'initiative de ce stand ambulant : « Le vin est bien présenté. On gagne en qualité. » PHOTO : P. TOUCHAIS

DES « MANGE-DEBOUT » ont été disposés devant le camion pour permettre aux clients de passage de déguster un verre en toute convivialité.

DES « MANGE-DEBOUT » ont été disposés devant le camion pour permettre aux clients de passage de déguster un verre en toute convivialité.

CLAUDINE ET ÉVELYNE, deux vigneronnes présentant chacune leur muscadet sèvre-et-maine-sur-lie, tiennent le stand pour un soir.

CLAUDINE ET ÉVELYNE, deux vigneronnes présentant chacune leur muscadet sèvre-et-maine-sur-lie, tiennent le stand pour un soir.

BENJAMIN, un amateur de muscadet : « Ce "wine truck" est une bonne idée. Il a toute sa place ici. »

BENJAMIN, un amateur de muscadet : « Ce "wine truck" est une bonne idée. Il a toute sa place ici. »

C'est l'événement populaire et culturel de la rentrée à Nantes. Depuis plus de trente ans, Les Rendez-vous de l'Erdre marient avec succès jazz et plaisance. Pendant que les musiciens offrent des prestations de très haut niveau, une flotte de petits voiliers s'exhibe ou s'affronte lors de régates sur l'Erdre, un affluent de la Loire. L'ensemble étant placé sous le signe de la convivialité.

L'événement se déroulant en terre nantaise, le muscadet est, depuis le début, de la partie. Jusqu'à l'an dernier, les vignerons y tenaient un bar « attendu et recherché », souligne François Robin, le délégué à la communication de la Fédération des vins de Nantes. Mais, cette année, surprise pour les habitués, les vignerons ne les ont pas accueillis derrière leur bar, mais devant leur Muscadetruck.

Ce camion bleu, flambant neuf, effectuait sa première sortie officielle à l'occasion de cette manifestation. Il s'est garé quai de Versailles, au coeur de Nantes. Mange-debout, tables et bancs en bois étaient disposés devant ce stand d'un nouveau genre pour inciter le public à s'arrêter en vue de boire un verre de muscadet et passer un moment en compagnie des vignerons.

« Depuis la fermeture de la Maison des vins de Loire à Nantes, nous cherchions un nouveau lieu en ville », raconte François Robin. Après quelques réunions et réflexions, le concept d'une vitrine ambulante s'est imposé, avec l'objectif d'aller à la rencontre des consommateurs, à commencer par les Nantais.

« Le côté vintage d'un vieux combi Citroën aurait été sympa, mais on voulait un camion qui roule bien. On a donc opté pour du neuf. On a choisi la plate-forme, le carrossier Procar a créé la caisse et le collectif nantais MilleFeuilles a conçu l'aménagement intérieur », détaille François Robin. Au final, le camion est chaleureux et pratique, avec un frigo, des placards et un évier. Sur le mur du fond, une carte situe le vignoble. Les clients apprécient. « On croise des "food trucks" à tous les coins de rue. C'est une bonne idée ce "wine truck", surtout pour ce genre de manifestation », s'enthousiasme Benjamin, en commandant un verre. Ce trentenaire résidant dans la banlieue nantaise est un défenseur du muscadet. « J'adore ça », avoue-t-il.

Jacques, la cinquantaine, trouve lui aussi l'idée du camion « sympa ». Installé sur une table haute, un verre de muscadet dans une main et le programme de la soirée dans l'autre, il commente : « Ça change. Avant, ils avaient un stand classique, qui ne ressortait pas. Là, ils se différencient et gagnent en qualité de présentation. Le vin est bien mis en valeur. »

Ce vendredi soir, trois vignerons officient dans le truck : Claudine et Jean-François Baron à Monnières, et Évelyne Houssin, du domaine des Tilleuls, à La Regrippière (Loire-Atlantique). Ils ont répondu à l'appel de la Fédération pour tenir ce stand ambulant le temps d'une soirée. Évelyne est ravie : « Le truck suscite de la curiosité. C'est un vrai plus. On le sent à la réaction des gens qui viennent nous voir. C'est un sujet d'entrée en matière. » « Au moins, on sait à quoi servent nos cotisations », glisse Claudine, un large sourire aux lèvres.

Les trois vignerons sont vêtus d'une marinière aux couleurs des vins de Nantes, créée pour l'occasion. « C'est un clin d'oeil au caractère océanique de nos vins, souligne François Robin. C'est aussi pour cela que nous avons choisi le bleu qui recouvre le camion. » Coût de l'opération : 80 000 €, financée par la Fédération des vins de Nantes, sans compter les frais de fonctionnement, assez faibles, que sont l'assurance et le carburant.

Ce soir-là, chaque domaine est venu avec un de ses muscadets sèvre-et-maine-sur-lie de 2016. Jean-François a aussi apporté son jus de raisin pétillant. Des vins frais et faciles à boire retenus pour être cette année les ambassadeurs des vins de Nantes. « Tous les ans, on dépose nos échantillons aux sélections. Cette année, nous avons été retenus. On nous a proposé de venir et on a accepté sans hésiter, même si c'est la période des vendanges. On est toujours partants pour présenter nos vins... et pour les vendre », justifie-t-il.

Même si le camion a une vocation de promotion collective, ce soir, place au « business ». D'autant que la recette revient aux vignerons qui tiennent le stand. « Pour faire simple, nous faisons caisse commune et nous nous partageons les bénéfices », précise le producteur. Ainsi, les représentants des deux domaines proposent indifféremment l'un ou l'autre des deux vins présentés aux festivaliers. Ce sont des cuvées du millésime 2016 issues de la même appellation sous-régionale de Muscadet.

Devant le truck, les clients se laissent guider, ne sachant pas toujours quel vin choisir ou, à vrai dire, ne s'en souciant pas. La plupart viennent avant tout boire un verre de muscadet comme ils le feraient dans un bar, pour passer du bon temps entre amis ou en famille. Ils ne sont pas là pour une séance de découverte oenologique. Et à 2,50 € le verre, les amateurs n'hésitent pas à tester les deux vins.

Le Muscadet travaille pour que Nantes redevienne sa première ambassadrice depuis une dizaine d'années. « Cela commence à bouger », estime Jean-François. « Le vignoble a changé. Il y a quelques années, le négoce commercialisait 70 % du muscadet. Aujourd'hui, c'est seulement 55 %. La vente directe s'est renforcée. Les vignerons ont davantage de contact avec leurs clients. Sans compter le développement de l'oenotourisme », précise François Robin.

Jacques, un client, est dans la cible. « Je suis redevenu un amateur de muscadet. Comme beaucoup de Nantais, à une époque, je lui ai tourné le dos. Je l'ai redécouvert en participant à Vignes Vins Randos. Ce jour-là, j'ai dégusté de très bons vins. Il y a des vignerons qui bossent bien. Depuis, je n'hésite pas à dire que le muscadet doit faire partie des fiertés nantaises. Pour moi, il a toute sa place dans un festival comme celui-ci. Le vin, la musique, ça fait partie des grands plaisirs de la vie, avec la lecture et la cuisine... »

Les vignerons ont vendu l'équivalent de trois cents bouteilles - uniquement au verre - en trois jours, du 1er au 3 septembre, sachant que le dimanche très pluvieux a découragé le public. « Il y a moyen de faire mieux, admet François Robin. Notre emplacement doit être aménagé plus efficacement, avec davantage de mobilier et d'éclairage afin de lui conférer un aspect guinguette. On doit aussi s'associer plus étroitement avec l'espace restauration à proximité du camion. Et on doit réfléchir à l'orientation du truck. Il n'était sans doute pas assez ouvert vers le public. » À retravailler l'année prochaine, donc.

En attendant, le véhicule a fait une nouvelle sortie aux Muscadétours, fin septembre, un grand week-end d'animations dans le vignoble, puis au Serbotel, le salon professionnel pour le CHR, à Nantes. « On envisage pour l'année prochaine un "wine tour" sur la côte Atlantique », dévoile François Robin. Si rien n'est encore confirmé, ce qui est sûr c'est que le camion doit « aller à la rencontre des clients. Il pourra aussi être prêté à des vignerons pour des opérations collectives. C'est une vitrine à faire vivre ».

Wine truck : une appellation protégée

Au même titre que les « food trucks », les « wine trucks » se sont multipliés en France, que ce soit via des opérateurs privés ou collectifs. En val de Loire, outre celui de la Fédération des vins de Nantes, la maison Ackerman et la cave coopérative Robert et Marcel en possèdent un. Excepté qu'il n'est pas question de nommer ces camions ambulants « wine trucks ». Une agence de communication bourguignonne a en effet déposé cette marque à l'Inpi. Par une lettre polie mais explicite, cette agence a pris soin de le rappeler à la Fédération des vins de Nantes. Pas très grave, puisque le camion a été baptisé « Muscadetruck », comme l'indique François Robin, responsable de la communication des Vins nantais. Cela dit, si la locution « wine truck » prend racine parmi les consommateurs, elle passera dans le langage commun. Déposée ou pas.

Des rendez-vous très populaires

Les Rendez-vous de l'Erdre ont eu lieu du 31 août au 3 septembre. Durant cette manifestation qui allie jazz et plaisance, 150 concerts ont été donnés sur quinze scènes montées en plein coeur de Nantes - quais de Versailles, Ceineray et Henri-Barbusse - attirant quelque 100 000 personnes. Dans le même temps, deux cents bateaux ont vogué sur l'Erdre, un affluent de la Loire. L'événement est totalement gratuit. Les passionnés de jazz prennent place une heure avant le début des concerts pour être sûrs de ne pas en manquer une miette. Quant aux badauds qui flânent, ils viennent juste passer un bon moment entre amis ou en famille et profitent des nombreux stands de plats préparés à emporter et de boissons en tout genre, dont bien sûr le Muscadetruck cette année.

UN PREMIER BILAN POSITIF

LES PLUS

L'originalité du véhicule - et sa couleur - attire l'oeil et donc les clients. En outre, il permet une entrée en matière avant de parler du vin.

Le camion, qui prend peu de place, est facile à installer.

Les vins sont joliment mis en valeur dans les présentoirs.

Le camion étant bien équipé, les vins sont servis à la bonne température.

Le coût est raisonnable comparé à une campagne de pub (affichage ou presse).

LES MOINS

L'avantage de l'originalité passera sans doute vite si le concept se développe.

Le camion dispose d'une seule ouverture face au public. Il faut donc bien l'orienter.

Seules trois ou quatre personnes peuvent y travailler.

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