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VIGNE

Légumineuses Elles ont tout pour plaire

LUCIE MARNÉ - La vigne - n°302 - novembre 2017 - page 56

Verts au printemps, secs en été, Semences de Provence lance deux couverts à base de légumineuses pour les vignes qui redoutent la concurrence. Les premiers utilisateurs témoignent.
COUVERT de légumineuses proposé par Semences de Provence. © ARMBRUSTER

COUVERT de légumineuses proposé par Semences de Provence. © ARMBRUSTER

Stress hydrique, faible vigueur : ces contraintes retiennent bon nombre de viticulteurs d'enherber leurs vignes. Mais Semences de Provence semble avoir trouvé la parade pour les situations compliquées. En 2016, ce semencier installé à Fourques, dans le Gard, a lancé deux mélanges de légumineuses annuelles - l'un pour les sols calcaires, l'autre pour les sols acides - qui se ressèment d'elles-mêmes d'une année à l'autre. Baptisés Revin, ils contiennent surtout du trèfle.

« Nos couverts montent rapidement en graines au printemps et sèchent dès les premières chaleurs pour ne laisser qu'un paillage au sol qui maintient l'humidité et empêche les mauvaises herbes de pousser », explique Julie Toussaint, directrice de Semences de Provence. Puis, au printemps suivant, leurs graines germent et le couvert reprend vie. À mi-chemin entre les engrais verts et l'enherbement permanent, ces couverts apportent, d'après la société, de l'azote au sol sans puiser sur sa réserve utile. Voilà pourquoi ils conviendraient aux sols légers et peu fertiles.

Joël Fuchs, viticulteur à Pfaffenheim, en Alsace, compte parmi les tout premiers utilisateurs : « J'ai semé ce mélange en octobre l'an dernier sur 2 ha un rang sur deux, en privilégiant les vignes qui manquaient de vigueur et d'eau. Le couvert a bien levé au printemps. Comme l'été a été chaud, il a vite séché et je n'ai pas eu besoin d'intervenir pour le détruire. »

Son confrère Marc Weinzaepfel, viticulteur à Soultz (Haut-Rhin), a également semé un mélange Revin sur ses sols pauvres et drainants. Mais il a pris soin d'éviter les parcelles en pente : « Dans les vignes en pente, nous avons laissé un enherbement naturel. Un couvert de légumineuses serait dangereux. Il augmenterait les risques de glissade avec le tracteur. »

La première année, il ne faut pas toucher au couvert pour laisser les légumineuses monter en graines afin qu'elles produisent un bon stock de semences. Mais il arrive qu'il faille intervenir. « L'an dernier, après les vendanges, j'ai semé un mélange un rang sur deux. Il est monté jusqu'à une trentaine de centimètres. C'était très joli. Mais en mai, j'ai dû passer un rouleau lisse pour coucher la végétation sans l'altérer. J'ai un pulvérisateur face par face, avec des descentes dans le rang. Je devais traiter mes vignes et comme la hauteur de mes descentes se règle automatiquement grâce à un système à ultrasons, celles au-dessus du couvert étaient plus hautes que celle au-dessus du rang travaillé », explique Éric Mathieu, viticulteur à Moussac, dans le Gard.

Marc Weinzaepfel, lui, ne dispose pas de rouleau. Quelque peu débordé par son couvert qui a peiné à sécher, il a dû se résoudre à passer deux fois le broyeur au risque de compromettre la production de graines. « Je n'avais pas le choix. Il commençait à y avoir de la concurrence hydrique avec mes vignes, précise-t-il. Certes, la destruction au broyeur n'est pas idéale. Mais l'an prochain, nous devrions mieux maîtriser le couvert car nous projetons d'acheter un rolofaca. »

Bien qu'il n'ait pas respecté les consignes du semencier, ce viticulteur reste optimiste. « Même si j'ai broyé deux fois le couvert alors que je n'aurais pas dû, il repart un peu. Normalement, il ne fait que quelques feuilles en hiver. Reste à espérer que des graines lèvent bien au printemps prochain. Et cette fois, je prendrai garde à bien le laisser monter en graines. »

Sur le plan de la fertilisation azotée, les premiers utilisateurs restent prudents. Lors de leur galop d'essai, ils n'ont pas compté sur les légumineuses pour nourrir leurs vignes. « Fin février, j'ai apporté 450 kg/ha d'engrais chimiques dosés à 12 unités d'azote et 24 de potasse, directement sous le rang, avec mon épandeur à engrais localisé », précise Éric Mathieu. Joël Fuchs a, lui aussi, apporté 30 unités d'azote à ses vignes au début du printemps. Mais tous deux comptent bien à terme réduire ces apports.

Chez Armbruster, distributeur en Alsace de Semences de Provence, les techniciens ont fait le calcul sur leurs parcelles tests : « Les couverts de légumineuses apportent jusqu'à 20 unités d'azote et, en deux ans, ils peuvent rehausser de 0,5 à 0,8 % le taux de matière organique du sol », relate Aymé Dumas, responsable technique.

Éric Mathieu y voit un autre intérêt : « Les engrais chimiques peuvent être lessivés par les pluies. Ce n'est pas le cas avec un couvert. Et en améliorant la vie de sol, on améliore également l'assimilation des nutriments par la vigne. Même si les apports du couvert ne suffisent pas, je reste persuadé que je pourrai réduire la fertilisation chimique. »

Quant aux économies d'engrais, « le calcul est vite fait, assure Éric Mathieu. La tonne d'engrais 12-0-24 me coûte 490 €, soit 220 €/ha. Avec les semences, j'en ai eu pour 100 €/ha. Et une fois semé, le couvert peut rester en place plusieurs années ». Une longévité qui est encore à confirmer.

4 CONSEILS POUR RÉUSSIR SON COUVERT

- Bien préparer son lit de semences puis laisser lever les mauvaises herbes. Travailler ensuite le sol pour les détruire et épuiser le stock de graines.

- Semer de préférence à l'entrée de l'hiver. Les semis ont une bonne résistance au gel. Le couvert va lever légèrement puis taler au sol. Sa croissance repartira au printemps pour entrer rapidement en floraison.

- Laisser le couvert monter en graines. Le stock de graines servira à régénérer le couvert les années suivantes. Répéter cette opération tous les trois ou quatre ans pour renouveler le stock de graines.

- Rouler le couvert, si nécessaire, pour en diminuer la hauteur. Mais, de préférence, il faut attendre qu'il soit monté en graines.

JEAN FEUILLADE, VITICULTEUR, 36 HA À MONTMIRAT, DANS LE GARD « Avec le mélange Revin, cela fonctionne mieux car les graines sont inoculées en rhizobium »

« J'ai semé le mélange Revin pour sol calcaire à l'automne il y a trois ans. La première année, il a moyennement levé, mais il a produit suffisamment de graines pour se ressemer correctement l'année suivante. Ce couvert présente de nombreux avantages : il est dense et étouffe bien les adventices sans être concurrentiel de la vigne. Et il demande peu d'entretien. J'effectue seulement deux broyages : le premier en hiver, pour les sarments, et le second au printemps pour réduire la hauteur du couvert. Avant, je semais des graminées afin de limiter la vigueur de mes vignes et au printemps, quand il se mettait à pleuvoir, il fallait que je tonde tous les dix jours. Il y a quelques années, j'avais déjà essayé de semer du trèfle souterrain, mais ça n'avait pas marché. Avec ce produit, ça fonctionne mieux car les graines sont inoculées au préalable en rhizobium. Elles s'implantent mieux et fixent rapidement l'azote atmosphérique. En revanche, ces graines sont un peu plus lourdes. Il vaut donc mieux les semer avec un semoir pneumatique qui les disperse davantage. Ainsi, j'ai utilisé un semoir Delimbe pneumatique avec un rouleau à l'avant et un cover-crop à l'arrière. Cette année, j'ignore si le couvert va lever. Nous n'avons eu que 10 mm de pluie en six mois. Cela devient critique. Et s'il se met à pleuvoir, j'ai peur que le couvert germe vite au risque d'être exposé au gel cet hiver. »

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