Oubliés les expertises, les déclarations à la parcelle, la moyenne olympique et l'envoi de la déclaration de récolte à l'assureur : un nouveau type d'assurance voit le jour dans le Val de Loire, la Gironde et à Cognac : l'assurance paramétrique. Elle s'enclenche si un seul paramètre est franchi, tout simplement.
En Anjou-Saumur, il s'agit de la température minimale journalière enregistrée par Météo France à Beaucouzé (Maine-et-Loire), entre le 15 avril et le 31 mai. Si cette température descend en dessous du seuil choisi par l'assuré, celui-ci est indemnisé. Plus le seuil est bas, moins l'assurance coûte cher. L'assuré choisit aussi le capital qu'il veut couvrir. Ainsi, dans ce département, couvrir 50 000 € dès -1,5 °C coûte 12 000 €/an. Pour assurer la même somme à partir de -2 °C, faut débourser 5 400 €/an, puis 4 200 €/an à partir de -2,5 °C et 1 800 €/an pour -3 °C. Si la température à Beaucouzé descend une fois sous le seuil choisi par le vigneron, celui-ci touche 50 % du capital assuré. S'il gèle deux fois sous le seuil, l'assureur lui verse tout le capital.
Cette assurance, lancée par Axa Corporate Solutions, existe déjà dans d'autres secteurs. Axa assure ainsi le manque de vent pour les éoliennes ou de soleil pour les campings.
« Le vigneron peut assurer une partie seulement de son exploitation, précise Stephen Gellot, président de LCA Assurances Climatiques, à Saumur. Ce qui compte, c'est uniquement la température enregistrée par la station Météo France indiquée dans son contrat. L'assurance se fonde sur cet indice, pas sur des constats. Si un vigneron subit un gel alors qu'il a opté pour une assurance à -1,5 °C et qu'à Beaucouzé la température la plus froide relevée à la station a été de -1,4 °C, ce vigneron ne percevra aucune indemnité. »
Pour le moment, cette offre ne couvre que le gel. En 2018, LCA Assurances Climatiques la proposera dans le Maine-et-Loire, l'Indre-et-Loire, le Loir-et-Cher et peut-être dans le Cher. Stephen Gellot encourage les vignerons à utiliser la DPA (dotation pour aléa) pour financer tout ou partie des cotisations d'assurance.
À Bordeaux, la profession a fait appel à Gras Savoye et à son directeur général, Cédric Tétard. Depuis 2017, ce courtier propose, lui aussi, un contrat Axa basé sur la température enregistrée dans une des neuf stations de Météo France en Gironde, du 15 avril au 31 mai.
Si le thermomètre choisi affiche 0 °C au moins une fois durant cette période, le vigneron perçoit 25 % du capital qu'il a garanti. Si la température minimale tombe à -1 °C, l'indemnité monte à 50 %, puis elle passe à 75 % avec -2 °C et à 100 % avec -3 °C. L'an prochain, pour assurer 10 000 € en AOC Pauillac, il en coûtera 315 €.
Une assurance totalement nouvelle verra le jour en 2018, en Gironde. Elle s'enclenchera lorsque le rendement de toute une AOC chutera de plus de 20 % sous la moyenne décennale. Les exploitations assurées seront alors couvertes, qu'elles subissent ou non la perte de rendement. Inversement, si une exploitation fait une mauvaise récolte, mais pas l'ensemble de l'AOC, elle ne sera pas indemnisée.
Tous les risques climatiques sont pris en compte : gel, sécheresse, coulure, etc. Gras Savoye s'appuie sur la moyenne décennale de l'AOC, fournie par les Douanes. Le viticulteur doit assurer toutes ses surfaces déclarées dans l'AOC choisie et fixer le capital qu'il garantit. La franchise est de 20 % et l'assurance ne couvre pas les pertes au-delà de 70 %.
Pour l'AOC Bordeaux rouge, la moyenne décennale est de 49,1 hl/ha. Si un vigneron a assuré 150 €/hl et que la récolte de l'AOC est de 25 hl/ha, il sera indemnisé sur la base de 14,28 hl/ha (49,1 hl moins 20 % de franchise, moins le rendement moyen de 25 hl/ha). Il touchera 2 142 €/ha (150 €/hl x 14,28 hl/ha). Et sa prime sera de 204,75 € (2,7 % de 49,1 hl x 150 €/hl).
Ces produits, déjà proposés à Cognac, devraient rapidement être disponibles partout.
YANN LE GOASTER, DIRECTEUR DE LA FÉDÉRATION DES GRANDS VINS DE BORDEAUX « Il faut élargir l'offre d'assurances climatiques »
« Les viticulteurs sont demandeurs d'assurances car nous venons de vivre deux aléas climatiques majeurs en cinq ans, ce qui n'était encore jamais arrivé. En Gironde, seulement 25 % des vignerons sont assurés. Notre objectif est d'augmenter fortement la couverture des risques climatiques avec une offre élargie correspondant aux besoins de chacun. Les assurances paramétriques, bien que non subventionnées, répondent aux souhaits de ceux qui cherchent la simplicité de gestion et qui veulent connaître précisément ce qu'ils toucheront en cas d'aléa. La bonne réponse face aux sinistres qui se multiplient est de s'assurer mais aussi d'augmenter progressivement les volumes de VCI. »