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Magazine - Terroir & tradition

Île Margaux Une vigne entre deux eaux

COLETTE GOINÈRE - La vigne - n°302 - novembre 2017 - page 112

Face à Margaux, l'île Margaux, la plus petite île de l'estuaire de la Gironde, abrite un domaine qui vit au rythme du fleuve et des marées.
SUR L'ÎLE, QUATORZE HECTARES sont plantés de cinq cépages de rouges. PHOTO : C. GOINÈRE

SUR L'ÎLE, QUATORZE HECTARES sont plantés de cinq cépages de rouges. PHOTO : C. GOINÈRE

GÉRARD FAVAREL ET SON FILS PIERRE font la traversée à marée haute. Sur une île, tout est plus compliqué, plus cher, mais tellement plus intense. PHOTO : C. GOINÈRE

GÉRARD FAVAREL ET SON FILS PIERRE font la traversée à marée haute. Sur une île, tout est plus compliqué, plus cher, mais tellement plus intense. PHOTO : C. GOINÈRE

LES VENDANGES sont faites à la main. PHOTO : C. GOINÈRE

LES VENDANGES sont faites à la main. PHOTO : C. GOINÈRE

Seul le clapotis de l'eau vient troubler le silence. Ici, il faut écouter la respiration du fleuve, embrasser du regard une mer de vignes qui s'étire sur 14 ha et que caresse le vent incessant. « Il y a un mouvement, une musique exquise que donne le rythme des marées. La vigne et les raisins bénéficient de cette tranquille harmonie. Il y a une générosité de la nature qui se traduit dans la qualité des raisins. » Par de petites touches impressionnistes,Gérard Favarel évoque l'île Margaux, 20 ha, la plus petite de l'estuaire de la Gironde, qu'il a acquise en juin 2001.

L'a-t-il acheté aux précédents propriétaires, quatre cousins, sur un coup de foudre ? Pas vraiment. Plutôt une évidence. Gérard Favarel est en effet né au bord de la Garonne. L'eau et le fleuve font partie de sa vie et il devient très prolixe dès qu'il parle de son île. De son terroir de sable, d'argile bleue et de limon favorable à la maturation phénolique. Du fleuve qui régule les températures. Des brumes matinales. Du vent qui chasse les nuages, assèche et assainit la vigne de sorte qu'elle s'épanouit dans un excellent état sanitaire.

À peine devenu propriétaire, Gérard Favarel enchaîne les chantiers. Il remodèle la digue qui entoure l'île pour la protéger des tempêtes. Il coupe les broussailles qui l'ont envahie, n'en gardant qu'une partie. Il plante des arbres fruitiers et des rosiers à chaque bout de rang de vignes avec une variété de rosiers par cépage. Il cultive cinq cépages, que des rouges : merlot, cabernet-sauvignon, petit verdot, malbec et cabernet franc. Il renouvelle le matériel viticole, remet à niveau le cuvier et le parc de barriques.

Les vins sont embouteillés sur place. Puis les bouteilles sont chargées sur une barge pour être stockées et étiquetées sur le continent, chez un prestataire. Ce bateau - un bac en alu propriété de Gérard Favarel - peut transporter jusqu'à 5 t de marchandises.

Que de contraintes pour produire du vin ici ! Le vigneron n'y habite pas tout le temps. C'est son régisseur qui vit sur place. Lorsque le propriétaire vient au domaine, c'est toujours avec sa bible : l'annuaire des marées. « Nous devons toujours naviguer à marée haute. Charger et décharger des marchandises demande du travail et coûte cher. »

Pierre Favarel, son fils, en charge de la commercialisation, ne dit pas autre chose : « Nous devons tout transporter par bateau : les bouteilles vides, les pleines, la chaîne d'embouteillage que nous louons et les barriques que nous renouvelons par tiers tous les ans. L'insularité double les coûts. »

Loin de tout, il faut aussi être autonome : « On répare le matériel tout seul. Nous sommes à la fois mécaniciens, viticulteurs et marins. » Sans oublier l'entretien des 3 km de digues, des drains et des clapets.

Le domaine de l'île Margaux produit 100 000 bouteilles par an, en AOC Bordeaux supérieur. Les vendanges se font à la main. Depuis 2015, les vins sont certifiés bio. 70 % partent à l'export (Asie, Afrique et Europe).

Ils ont en projet : la création d'une filiale en Australie où le vin n'est pas encore distribué. Mais il y a un chantier d'une autre nature qui titille le père et le fils : mieux faire connaître leur vin dans leur région. « L'île Margaux ne figure pas sur la carte viticole du Conseil interprofessionnel des vins de Bordeaux », lâche Gérard Favarel. Et d'ajouter : « On peut exister sans reconnaissance. » À voir...

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