«Jusqu'à présent, nous utilisions des piquets en acier galvanisé. Mais ce métal brillant ne s'intègre pas bien dans le paysage. Il détonne dans nos parcelles en coteau à proximité de belles zones boisées », explique Lionel Boissezon, responsable du Château Lafoux, à Tourves, dans le Var. En 2017, dans une parcelle nouvellement plantée de 1,7 ha, il a opté pour du Corten. Cet alliage d'acier, gris à la livraison, se couvre peu à peu d'une patine de couleur rouille, qui s'assombrit avec le temps pour devenir brune. « Les piquets prenant un ton mat se fondent dans le paysage », constate Lionel Boissezon.
Ce dernier a acheté des piquets P5 chez Profil Alsace de 2 m de haut et de 1,8 mm d'épaisseur. Il a payé 4,65 € HT par piquet (prix pour mille unités). « C'est un peu moins cher que le même modèle en acier galvanisé à chaud. Et en les enfonçant, ils m'ont semblé plus résistants », note-t-il.
Pour rester dans les tons sombres, il a opté pour des fils Deltex, en nylon élastique noir, plutôt qu'en acier galvanisé. Et pour les piquets de tête, il a choisi du bois. Lionel Boissezon juge le résultat esthétique très satisfaisant. « Reste à voir comment ces piquets en Corten vieilliront dans nos sols qui sont un peu acides », ajoute-t-il.
Sur la résistance du Corten, les fabricants se veulent rassurants. D'après eux, ce matériau bénéficie d'une longue durée de vie, sans apporter plus de précisions. Néanmoins, en viticulture, on manque encore de recul, le Corten débarquant tout juste sur le marché français et n'étant utilisé que depuis quelques années en Italie et en Espagne. « Il faut observer quelle est la durée de vie de la partie enfoncée dans le sol, qui reste plus humide que l'air », relève Jean-Marie Leclercq, consultant spécialisé dans le palissage.
Avec son aspect rouillé, le Corten ressemble aux cornières en acier brut. Mais, en surface, sa couche oxydée est beaucoup plus stable. Et surtout, les piquets sont profilés. Ils offrent ainsi les mêmes possibilités d'accrochage des fils que leurs équivalents en galvanisé, ce qui n'est pas le cas des cornières, ni des piquets en bois.
« Au-delà de l'aspect esthétique, c'est ce qui m'a poussé à essayer le Corten sur quelques rangs », souligne Eduardo Pincheira, chef de culture au Château Romanin, à Saint-Rémy-de-Provence, dans les Bouches-du-Rhône. « Ces piquets coûtent un peu plus cher que les galvanisés que nous utilisons habituellement. Mais ils restent accessibles. Et avec des piquets de tête en bois, l'aspect est beaucoup plus esthétique », précise-t-il.
Thibault Boudier, chef de culture dans un domaine du Var, fait le même constat. « En 2017, nous avons installé ces piquets dans une nouvelle plantation de 1,5 ha, isolée dans une zone sauvage du domaine. Leur couleur s'assortit bien à celle de nos terres rouges et ils s'intègrent mieux dans le paysage que les piquets brillants en galvanisé », estime-t-il, lui aussi.
Il envisage d'essayer les fils en Corten pour parachever sa quête d'une esthétique différente. Ces derniers présentent une meilleure résistance à la torsion que les fils en acier classiques.
« C'est un premier essai. Le surcoût reste léger. Je pense prendre à nouveau des piquets en Corten pour les prochaines plantations dans des vignes en coteau. En revanche, dans nos parcelles situées en plaine, nous allons garder l'acier galvanisé afin de conserver l'homogénéité de cette partie du vignoble. »
Un alliage particulièrement résistant
La commercialisation des piquets en Corten commence tout juste en France. Philippe Zucchini, de la société SVPM, basée à Aix-en-Provence, est agent commercial pour Profil Alsace, Ferro Bulloni et Vignetinox. À Castelnaudary (Aude), le groupe coopératif Arterris distribue depuis l'an dernier les piquets espagnols Ega Perfil. Tous deux sont convaincus de l'intérêt de ce nouveau matériau. « Le Corten est un alliage d'acier qui contient du cuivre, du chrome et du nickel. Avec l'humidité de l'air, il se forme à la surface de ce métal une couche d'oxydation autoprotectrice qui ralentit fortement la corrosion, explique Philippe Zucchini. Ce matériau intéresse d'abord les vignerons pour des raisons esthétiques. » Outre son aspect, ce nouvel acier est plus résistant que l'acier galvanisé. « Son élasticité maximale est bien supérieure, note Annick Taulet, chef de marché chez Arterris. De ce fait, il convient bien pour les vignes en fertirrigation ayant une forte charge et une surface foliaire importante. »