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Tomate, Tuta absoluta touche à l'Atlantique

Marianne Decoin* - Phytoma - n°631 - février 2010 - page 44

On l'a trouvée en Bretagne et Pays-de-la-Loire après Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Corse, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes
 Chenille de T. absoluta (ph. A.-I. Lacordaire)

Chenille de T. absoluta (ph. A.-I. Lacordaire)

 ph. A.-I. Lacordaire

ph. A.-I. Lacordaire

Médaillon p. 44 : chenille de Tuta absoluta. Bas de la p. 44, adulte sur feuille de plant de tomate, photographié en Espagne. Ci-dessous, mines sur feuilles en début d'infestation (Bouches-du-Rhône, juin 2009) : si l'on repère cette mineuse assez tôt (avec des pièges, c'est faisable avant même les premières mines) on pourra agir à temps pour éviter de gros, très gros dégâts sur feuilles et sur fruits. Photo du bas, larve (chenille) âgée. Photos : A.-I. Lacordaire

Médaillon p. 44 : chenille de Tuta absoluta. Bas de la p. 44, adulte sur feuille de plant de tomate, photographié en Espagne. Ci-dessous, mines sur feuilles en début d'infestation (Bouches-du-Rhône, juin 2009) : si l'on repère cette mineuse assez tôt (avec des pièges, c'est faisable avant même les premières mines) on pourra agir à temps pour éviter de gros, très gros dégâts sur feuilles et sur fruits. Photo du bas, larve (chenille) âgée. Photos : A.-I. Lacordaire

Où en est Tuta absoluta, la mineuse de la tomate originaire d'Amérique du Sud qui est apparue en France il y a moins de dix-huit mois ? Ce petit papillon aux voraces chenilles a gagné du terrain : outre les quatre régions déjà signalées comme touchées en juin dernier, deux nouvelles sont désormais concernées. Il s'agit des Pays-de-la-Loire et de la Bretagne. Certes, les individus identifiés dans ces zones atlantiques ont été collectés sur des pièges sans qu'il y ait de pullulations ni même de populations installées, encore moins de dégâts. Mais la vigilance s'impose.

En juin dernier(1), nous signalions la présence de Tuta absoluta dans quatre régions.

Il s'agissait de la Corse (Corse du Sud, on le sait maintenant), de Provence-Alpes-Côted'Azur (c'est dans le Var que ce ravageur a été signalé en premier dès octobre 2008, et les Bouches-du-Rhône et le Vaucluse ont suivi), du Languedoc-Roussillon (Gard, Hérault et Pyrénées-Orientales) et enfin de Rhône-Alpes même s'il ne s'agissait que de la Drôme, département dont une bonne partie est qualifiée de « provençale » par les guides touristiques.

Depuis lors, le réseau de surveillance s'est activé : observation dans les serres avec pose de pièges à phéromones pour une détection précoce, et vigilance ailleurs aussi. En effet, on avait déjà vu la mineuse en plein air (sur des tomates plein champ dans le Gard) en avril 2009... Et puis l'été a passé...

Tuta s'est étalée

... et l'aire de présence reconnue de T. absoluta s'est agrandie : d'abord, elle s'est étalée dans les régions où elle était présente. L'Aude est désormais touchée ainsi que les Alpes-Maritimes : toute la bordure méditerranéenne est donc occupée. Plus au nord, cette mineuse remonte des deux côtés du Rhône : en Ardèche d'un côté, en Isère de l'autre. à noter : elle est également signalée en Suisse.

Plus récent et inquiétant : en janvier 2010, le LNPV de Montpellier a formellement identifié T. absoluta sur quelques échantillons prélevés sur des pièges en Pays-de-la-Loire et Bretagne. à quelques centaines de kilomètres de la Méditerranée et du couloir rhodanien...

Certes il s'agit d'infestations repérées grâce à des pièges à phéromones posés dans le cadre du réseau de biovigilance. Ce ne sont donc pas des pullulations. Les producteurs de ces régions sont avertis et pourront agir.

Mais des dégâts risquent de survenir très vite à la belle saison si l'on ne fait rien dans des cultures qu'on n'aura pas surveillées.

Vigilance partout en France comme ailleurs en Europe

Donc, attention, le message est à faire passer aux producteurs des nouvelles régions touchées : elles ne sont plus indemnes de T. absoluta, ce ravageur les menace eux aussi.

De plus, quand on voit la rapidité avec laquelle ce mini-papillon est passé de la Méditerranée à l'Atlantique, on est en droit de penser qu'entre les deux, le Sud-Ouest n'est pas à l'abri !

Cette peste présente dans divers pays du pourtour méditerranéen (Espagne, Italie, Maroc, Algérie...) a été repérée au premier semestre 2009 aux Pays-Bas(2) puis en Grande-Bretagne. Au deuxième semestre 2009, on l'a signalée en Bulgarie, à Chypre et en Allemagne.

Rappelons que cette mineuse des feuilles a été trouvée aussi sur solanacées adventices (morelles, etc.) et sur aubergine. Il faut certes surveiller les tomates en priorité car le ravageur est particulièrement nuisible sur cette culture, mais ne pas négliger les autres solanacées : aubergines sûrement, mais que dire des poivrons ainsi que des solanacées ornementales tels que pétunias, pommiers d'amour et autres amours en cage ?

Et la lutte ? On y travaille

Koppert France, qui avait alerté dès 2008 sur l'arrivée du ravageur en France et a envoyé au LNPV de nombreux échantillons, a réalisé une réunion d'information à Nantes en décembre 2009 et en a programmé d'autres en Bretagne début février 2010. De plus, la société a mis en place en 2009 une étude sur 16 exploitations productrices de tomate sous abris des Bouchesdu-Rhône, du Vaucluse et de la Drôme.

Un article de A.-I. Lacordaire, du Service développement de cette société, publiera bientôt ses résultats. Ils concernent l'évolution des populations de cette mineuse et son comportement alimentaire : mieux les connaître permet de savoir où chercher pour repérer les infestations le plus tôt possible. Et il traite des possibilités de lutte culturale et biologique.

Culturale ? En résumé : effeuiller, ça va, mais il faut aussi sortir et détruire les feuilles, sinon bonjour les dégâts.

Biologique ? Nous avions évoqué en décembre dernier(3) les possibilités du trichogramme Trichogramma achaeae. Pour sa part Koppert a testé avec succès son Macrolophus caliginosus. Ce prédateur généraliste accepte volontiers de mettre la mineuse à son menu. Détails dans un prochain numéro.

Mais hélas, très probablement affaire à suivre concernant les infestations dès le printemps prochain !

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) et (2) <i>« Tuta absoluta menace la tomate ». Phytoma</i> n° 622-623, juin 2009, p. 3.</p> <p>(3) L. Damoiseau 2009 - ABIM à Lucerne, le biocontrôle dépasse l'agrobio. <i>Phytoma</i> n° 629, décembre, p. 39 à 41.</p>

Figure 1 -

Présence de Tuta absoluta en France.

Résumé

Tuta absoluta, lépidoptère originaire d'Amérique du Sud connu comme ravageur des cultures de tomate et identifié en France depuis octobre 2008, a gagné du terrain depuis le dernier point fait dans Phytoma en juin 2009.

D'une part son aire de présence s'est étendue dans les quatre régions déjà touchées alors (Corse, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes). D'autre part des prospections (piégeages d'adultes) réalisées en Bretagne et Paysde-la-Loire ont montré sa présence, confirmée par le LNPV (identification formelle) en janvier 2010. Même s'il n'y a pour l'instant aucun dégât près de l'Atlantique, la vigilance est nécessaire dans ces régions.

Elle est nécessaire aussi dans les autres zones de production de tomates, et la question se pose pour d'autres solanacées maraîchères ou ornementales.

Un article apportant des connaissances utiles pour gérer ce ravageur paraîtra prochainement.

Mots-clés : tomate, Tuta absoluta, progression, biovigilance, piégeage.

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