dossier - Bonnes pratiques en zones non agricoles

Produits phytos, treize substances inédites et d'autres nouveautés

Marianne Decoin* - Phytoma - n°637 - octobre 2010 - page 24

Entretien des ZNA, espaces verts comme jardins
 ph. M. Decoin

ph. M. Decoin

Les produits d'entretien des golfs font partie du marché professionnel : celui-ci a vu arriver des nouveautés. ph. Golf de Saint-Germain

Les produits d'entretien des golfs font partie du marché professionnel : celui-ci a vu arriver des nouveautés. ph. Golf de Saint-Germain

Depuis un an, de nouveaux produits phytos(1) sont apparus sur le marché des ZNA. Les tendances ? D'abord le déblocage des autorisations constaté l'an dernier s'est confirmé. Ensuite, la grande majorité des treize nouvelles substances actives sont d'origine « agricole ». D'autres nouveautés consistent en associations, usages ou formulations inédites de substances connues en ZNA. Enfin, le naturel monte en puissance. En voici le catalogue, en différenciant les produits destinés aux amateurs de ceux destinés aux professionnels.

D'octobre 2009 à septembre 2010, les zones non agricoles ont vu arriver pas moins de treize substances actives phytos nouvelles dans le secteur, plus des associations originales de substances connues et aussi des extensions d'emploi (autorisations pour de nouveaux usages accordées à des produits déjà autorisés par ailleurs).

Ainsi se confirme le retour de l'innovation constaté d'octobre 2008 à septembre 2009 (voir l'encadré 1).

Commençons par le marché des produits destinés aux amateurs.

En plus de leur autorisation de mise sur le marché (AMM), ces produits bénéficient de la mention officielle « EAJ » dite « mention jardin » (voir encadré 2 p. 26). Ils sont vendus en formulations spéciales et petits contenants adaptés aux besoins des jardiniers amateurs.

Jardins d'amateurs : cinq substances désherbent

Deux originales revendiquent leur naturel

Deux substances herbicides inédites ont été lancées (tableau 1). Inédites comme herbicides ! L'une est connue comme désinfectant de locaux, serres, matériel, etc. : c'est l'acide acétique, celui qui donne son acidité au vinaigre. L'autre est l'acide pélargonique. Son nom l'indique, il se trouve à l'état naturel dans le pélargonium (= géranium). Les herbicides qui les contiennent, expliquent leurs vendeurs, utilisent les propriétés de substances naturelles. Original sur le marché herbicide français.

Du vinaigre au pélargonium

Commençons par l'acide acétique. Deux nouveaux désherbants qui en contiennent tous deux 100 g/l sont présentés prêts à l'emploi : pas besoin de manipulation pour les diluer, ce qu'apprécient beaucoup de jardiniers amateurs. Vendus par Scotts France, ils se nomment Naturen Allées et Naturen Jardin. Le premier est autorisé pour le désherbage PJT(2). Le second débarrasse des herbes indésirables les arbres et arbustes d'ornement « en plantation » c'est-à-dire une fois installés, les « zones cultivées » et celles « à mettre en culture ». En gros il désherbe tout ce qui n'est ni un sol à laisser nu (allée, terrasse) ni une pelouse en place.

Quant à l'acide pélargonique, il est lancé dans Finalsan Ultima AF, de Neudorff, distribué notamment par Bayer Jardin et Compo Grand Public.

Partenaire original

Il y est associé à l'hydrazide maléique, connu en agriculture mais comme substance de croissance, précisément anti-germinatif des pommes de terre, carottes, oignons, etc., et pas comme herbicide. Un partenaire original, donc.

Dans le nouvel herbicide, l'acide attaque les portions de mauvaises herbes qu'il touche et l'hydrazide, qui est systémique, se répand dans ces plantes jusqu'aux racines pour y bloquer le développement des organes jeunes (radicelles, etc.) donc le redémarrage de végétation.

Là aussi le produit est vendu prêt à l'emploi.

Deux agricoles partenaires... du même

Enfin le pyraflufen-éthyl et le diquat, deux autres substances herbicides connues en agriculture, arrivent dans les jardins.

Le pyraflufen-éthyl, déjà connu sur blé, a d'abord été autorisé dans Rapido PJT, de Scotts France. Il y est associé à l'incontournable glyphosate. En fait le produit n'est pas commercialisé mais, au printemps 2010, on a appris l'autorisation de la même équipe dans un désherbant pour jardins d'amateurs. C'est Kommando Max, de Scotts France, et il n'est pas destiné aux allées mais aux zones cultivées (sauf végétaux comestibles) et avant mise en culture.

Quant au diquat, connu depuis longtemps en agriculture comme herbicide et défanant, il est associé au N-phosphonométhyl-glycine qualifié par e-phy(3) de forme de glyphosate (on parle désormais de glyphosate sel de di-ammonium). Quoiqu'il en soit, le nouveau produit est distribué par Compo et se nomme Resolva 24 h Spray. Il est autorisé en « traitements généraux – désherbage des zones cultivées et avant mise en culture » – là encore tout ce qui n'est pas allée, terrasse ou pelouse en place.

Deux partenaires différents donc pour le glyphosate. Mais ce dernier appartient au groupe G de l'HRAC(4) alors que le pyraflufen-éthyl appartient au groupe E et le diquat au groupe D. Les deux nouvelles substances sécurisent donc le mode d'action de leur partenaire.

Jardins d'amateurs : trois fongicides nouveaux en ZNA

Depuis les semences de céréales

Après les herbicides combattant les plantes indésirables, voyons les produits protégeant directement les plantes désirées (Tableau 2). Côté fongicides, trois nouveautés nous arrivent du secteur agricole.

La première se trouve dans un produit complet. Il s'agit du triticonazole, triazole déjà utilisé dans le traitement des semences de céréales. Il est proposé pour traiter la végétation des arbres et arbustes d'ornement, rosiers, cultures florales diverses et aussi cultures comestibles (légumes et fruits de jardins) dans Roseclear Ultra Gun, de Scotts.

Le produit est à la fois fongicide grâce au triticonazole et insecticide grâce à l'acétamipride. Cette dernière substance était déjà dans les jardins depuis l'an dernier dans la gamme Polysect (5 produits cités dans notre dossier d'octobre 2009).

Depuis les champs, vignes, vergers...

La deuxième substance nouvelle en ZNA est la trifloxystrobine, strobilurine connue sur céréales, vigne, pommier, etc., qui arrive dans le fongicide Protros AL, de Bayer Jardin.

Elle y est associée au tébuconazole, triazole déjà connu en ZNA mais seulement dans des fongicides gazon réservés aux professionnels. La nouvelle spécialité est autorisée en jardins d'amateurs sur rosiers, arbres et arbustes d'ornement et cultures florales.

Depuis les pommes de terre des « pros »

Troisième substance, le mandipropamide. Cet anti-mildiou était déjà autorisé sur pomme de terre en agriculture dans Revus, de Syngenta Agro. Pour les jardiniers, Compo le lance sur pomme de terre dans Revus Jardin.

Jardin d'amateurs : très « bio », les insecticides

Pyréthrine et abamectine

Passons aux insecticides avec deux nouveautés à base de substances naturelles : de nouveaux partenaires se trouvent associés aux extraits de pyrèthre, dits pyrèthres naturels ou pyréthrines et déjà autorisés en jardins d'amateurs.

Fazilo, commercialisé par Compo, associe les pyréthrines à l'abamectine. Cette substance d'origine biologique (bactérienne) connue dans des produits à usages professionnels (horticulture florale et espaces verts) était inédite jusqu'ici dans le monde des jardins d'amateurs. Le produit est autorisé sur arbres et arbustes d'ornement, rosiers, plantes d'intérieur, cultures florales diverses ainsi que sur « toutes espèces florales » : tous les végétaux d'ornement des jardins de particuliers.

Pyrèthre et huile de colza

L'autre nouvel insecticide associe, lui, les pyrèthres naturels à l'huile de colza.

Cette dernière est utilisée en agriculture comme adjuvant. Elle était déjà autorisée en jardins contre les formes hivernantes des ravageurs de la vigne et des cultures fruitières et les cochenilles des arbres et arbustes d'ornement. Mais son association avec les pyrèthres est inédite.

Elle est proposée dans Insecticide Spruzit AF et Insecticide Spruzit EC, de Neudorff. Les deux produits, distribués par Bayer Jardin, sont autorisés sur arbres et arbustes d'ornement, rosiers, cultures florales diverses mais aussi chrysanthème, glaïeul, hortensia et œillet. Mais pas sur cultures comestibles (arbres fruitiers, légumes) ni plantes d'intérieur.

Les deux « Spruzit » sont-ils jumeaux ? Non. Ils diffèrent par le titrage et la présentation.

La formule « AF » est prête à l'emploi sans dilution. La formule « EC », C comme concentré, est 25 fois plus concentrée : elle titre 825 g d'huile par litre. La même quantité de spécialité permet donc de soigner 25 fois plus de plantes, mais il faut préparer la bouillie à pulvériser. Elle intéressera donc des jardiniers plus attentifs et/ou entretenant des surfaces plus importantes.

Amateurs, deux extensions

Huile de colza seule

Pour les amateurs, il reste à signaler deux extensions d'emploi. La première concerne encore l'huile de colza, mais seule. Les deux insecticides jardin, Naturen J et Huile végétale insecticide RPJ, vendus par Scotts France et déjà autorisés contre cochenilles des arbres et arbustes d'ornement, le sont désormais aussi contre acariens et pucerons sur arbres d'ornement mais aussi fruitiers, rosiers et cultures florales et aussi légumes. Végétaux d'ornement mais aussi comestibles, donc.

Pour les arbres

La seconde substance est l'azoxystrobine. Déjà autorisée sur cultures florales et gazons de graminées (et une foule d'usages agricoles), elle bénéficie d'extensions d'emploi sur arbres et arbustes d'ornement en jardins dans Ortiva Jardins vendu par Compo.

Marché professionnel, les herbicides

Passons aux produits pour les professionnels. Les herbicides occupent 85 % de ce marché(5). Il a vu cinq innovations en un an (Tableau 3).

Trois venues des champs

On a appris fin 2009 l'autorisation du iodosulfuron méthyl et du florasulame, substances connues en grandes cultures. Le premier est une sulfonylurée et le second a un mode d'action proche même s'il appartient à une autre famille chimique au doux nom de triazolopyrimidines. Ils sont tous deux du groupe B de l'HRAC.

Tous deux sont lancés associés à des substances déjà utilisées en espaces verts et publics. Le iodosulfuron avec le diflufénicanil (ou DFF) dans Valdor Flex, de Bayer EV pour le désherbage PJT, et le florasulame avec du 2-4, D dans Junction, de Dow AS pour les gazons de graminées. à noter : le DFF appartient au groupe F1 de l'HRAC et le 2,4-D au groupe O.

Début 2010, arrivait une autre substance agricole inédite en ZNA : la carfentrazone-éthyl. Utilisée pour désherber les graminées que sont les céréales, elle est lancée sur gazon de graminées. Appartenant au groupe E de l'HRAC, elle est associée au MCPP-P (du groupe O) dans Dicoplus Pro, de Scotts France, et Xokko Select, WG, de Compo Expert. Le premier est autorisé à la fois comme herbicide et comme anti-mousse. Le second ne l'est que comme herbicide : pour lutter contre les mousses et/ou hépatiques, Compo Expert préconise plutôt son Mogeton à base de quinoclamine, le seul anti-mousse spécifique du marché.

Deux en commun avec les jardins

Enfin, le pyraflufen-éthyl, déjà cité plus haut car lancé en jardins amateurs, atteint aussi le marché « pro ». Son association avec le glyphosate est lancée dans Hammer PJT et Hammer EV, vendus par Scotts France dans des présentations adaptées aux usages professionnels. Le premier est autorisé en PJT et le second sur zones cultivées (massifs, etc., bref tout ce qui n'est ni allée-trottoir ni gazon).

La cinquième nouveauté en matière de substances actives s'appelle Finalsan Ultima et elle est distribuée par Compo Expert pour le désherbage PJT. Autorisée en même temps que Finalsan Ultima AF, elle a les mêmes substances actives inédites en tant qu'herbicides : l'acide pélargonique qui entre sur le marché phyto et l'hydrazide maléique qui y était comme anti-germinatif de produits récoltés.

Les différences avec la spécialité vendue aux amateurs ? Celle destinée aux professionnels est six fois plus concentrée. Elle exige une manipulation (dilution) mais le même volume de produit traite six fois plus de surface. Et son conditionnement est adapté au marché « pro ».

Jouer les granulés

Par ailleurs l'innovation peut passer par des formulations. Ainsi Nufarm lance Granamide Select pour désherber les arbres et arbustes d'ornement en pépinière (usage agricole) mais aussi en plantation.

Le produit est à base de pendiméthaline, substance déjà utilisée sur ces usages mais proposée pour la première fois en solo (sans partenaire) sous forme de granulés à appliquer sur le rang de plantation.

Ce mode d'application localisé libère les végétaux ligneux des mauvaises herbes vraiment concurrentes sans empêcher l'enherbement ou l'entretien mécanique de l'interrang. Comme ce n'est ni une pulvérisation ni un poudrage, il n'y a pas de risque de dérive dans l'air ni sur les plans d'eau proches et les végétaux à protéger.

Marché pro, les autres

Insecticides, dont un nouveau

Et les autres produits ? Ils sont listés dans le tableau 4. Il y a un insecticide issu de l'agriculture. Le thiaméthoxame, de Syngenta, est autorisé dans Flagship Pro sur arbres et arbustes d'ornement, rosier et cultures florales diverses. Mais cette AMM intéresse plutôt les pépiniéristes et horticulteurs producteurs de ces plantes que leurs utilisateurs en espaces verts.

Fongicides, surtout gazons

Enfin les gazons ont vu arriver plusieurs innovations fongicides, toutes de Syngenta.

Le propiconazole, déjà utilisé sur rosiers dans Polyflor, est lancé sur gazon dans Banner Maxx. De même l'association de cyproconazole et de fludioxonyl, connue sur arbres et arbustes d'ornement, rosier et cultures florales, est lancée sous le nom de Glazenn.

Enfin le fludioxonyl solo, qui n'était disponible que sur vignes et vergers, entre sur le marché dans Medallion.

À noter par ailleurs l'extension d'emploi sur arbres et arbustes d'ornement d'Ortiva Gold, le « frère pro » d'Ortiva Jardins.

Régulateur

Signalons enfin le lancement de Primo Maxx, de Syngenta. C'est un régulateur de croissance à base de trinexapac-éthyl, substance déjà connue sur gazon dans Spatio. Mais la nouvelle formulation est autorisée, outre les gazons, en « traitements généraux ». Elle peut être ainsi utilisée pour réguler la croissance des zones herbeuses extensives.

L'opération est beaucoup plus rapide qu'une tonte : cela permet de réduire les risques d'accidents et les perturbations liées aux interventions le long d'une autoroute, par exemple.

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Dans cet article, <i>« phytos »</i> vaut pour <i>« phytopharmaceutique »</i>.</p> <p>(2) Le terme PJT est l'abréviation de : <i>« allées de parcs, jardins et trottoirs »</i> même si en jardins amateurs les allées s'accompagnent plutôt de terrasses que de trottoirs, et si les allées que les professionnels ont à désherber ne sont pas toutes situées dans des parcs et jardins !</p> <p>(3) E-phy est la base de données en ligne sur les produits phytopharmaceutiques du ministère chargé de l'agriculture.</p> <p>(4) HRAC = Herbicide Resistance Action Committee. Ce comité international, qui regroupe les principaux fabricants d'herbicides mondiaux, met en commun les connaissances sur leur mode d'action, surveille la survenue des résistances et alerte à leur propos. Il regroupe les familles chimiques de produits en « groupes ». Deux substances appartenant au même <i>« groupe HRAC »</i>, qu'elles appartiennent à la même famille chimique ou non, ont le même mode d'action. Elles sont donc menacées de <i>« résistances croisées »</i> : une mauvaise herbe résistante à l'une risque davantage de résister à l'autre qu'à des substances d'autres groupes.</p> <p>(5) Source : E. Basuyau et J. My - <i>« Produits phytos, les fabricants s'engagent »</i>, <i>Phytoma</i> n° 635, juin-juillet 2010, p. 38.</p>

1 - Retour sur l'article de l'an dernier

Après plusieurs années de pause, le marché des ZNA avait vu arriver une dizaine d'innovations d'octobre 2008 à octobre 2009. Une de ces innovations était une substance totalement originale, 8 autres venaient de l'agriculture et il y avait une association inédite.

La substance originale est la quinoclamine (anti-mousse de Mogeton).

Il y avait quatre insecticides agricoles : le biologique Beauveria bassiana (Ostrinil) et les conventionnels lufénuron (Lusty), acétamipride (Polysect) et thiaclopride (Calypso).

Les trois fongicides agricoles avaient nom chlorothalonil, difénoconazole et iprodione (respectivement de Daconil Fix 500, Polyscore et Rovral Aqua Flo).

Enfin il y avait un herbicide agricole (le prosulfocarbe de Défi, maintenant Filon EV, inclus dans le pack Aureus) et une association d'oxyfluorfène et d'amitrole, herbicides déjà connus en ZNA (Ektar Sol).

Le tout était cité dans « l'actualité du secteur, du côté des intrants », dossier ZNA de Phytoma n° 626-627 d'octobre 2009, p. XVIII.

2 - Jardins, la mention et le marché

Tous les produits phytos destinés au « marché jardin » doivent avoir la « mention jardin » ou mention EAJ. Mais les produits ayant cette mention jardin ne sont pas tous destinés au marché jardin. Enfin, pour l'instant... Explications.

D'abord, mention jardin ou pas, tous les produits phytos ont une AMM. Quiconque vend, vante ou utilise comme produit phyto une préparation sans AMM tombe sous le coup de la loi(1). Pour qu'un produit bénéficie d'une AMM, son efficacité, mais aussi sa toxicité et son écotoxicité, doivent avoir été testées, évaluées et publiées. Chaque produit a ses classements(2) mentionnés sur son étiquette.

Tous les produits pour amateurs ont la mention jardin

Ensuite, pour qu'un produit phyto ait le droit d'être vendu sur le « marché jardin » des produits vendus aux jardiniers amateurs, dit aussi « marché amateurs » ou « marché grand public », il faut qu'en plus de son AMM il bénéficie de la mention EAJ dite aussi « mention jardin ». Cette mention officielle signifie « emploi autorisé dans les jardins d'amateurs ». De par un arrêté de 2004(3), elle n'est donnée qu'à des produits présentant des niveaux de sécurisation renforcés par rapport à ceux destinés au marché professionnel.

Donc, tous les produits phytos du « marché jardin » ont la « mention jardin ».

Certains produits à mention jardin vont chez les pros

Mais pour l'instant , rien n'interdit à un professionnel d'utiliser un produit ayant la mention jardin : il a une AMM de plein droit.

Certes, un produit destiné au marché jardin est présenté de façon adaptée aux besoins des particuliers : petit contenant sécurisé, formulation souvent prédiluée prête à l'emploi, etc. Ce n'est pas adapté aux surfaces qu'entretient une collectivité locale ou un gestionnaire de golf, autre terrain de sport, voies de communication, etc. Mais aujourd'hui un fabricant peut vendre aux professionnels un produit à mention EAJ conditionné sous une forme adaptée aux besoins de ces professionnels. Attention : cette forme doit respecter les exigences de l'arrêté de 2004 : en particulier, pas de « mention pouvant suggérer une utilisation professionnelle du produit » (ex. : ne pas se nommer « Quelque chose Pro »), dose d'emploi indiquée au litre ou au mètre carré au lieu des hectolitres et hectares qui sont les unités habituelles des produits professionnels.

Délais de rentrée, quoique...

Par ailleurs, les amateurs utilisant des produits à mention EAJ le font sans délai de rentrée. Ces délais, durant lesquels le public ne peut pas entrer dans les espaces traités ou fouler les surfaces traitées, sont, de par un arrêté de 2006(4), d'au moins 6 heures sauf si l'étiquette donne un délai plus court, et peuvent être plus longs. Le casse-tête que cela pose aux professionnels de l'entretien des espaces publics est épargné aux jardiniers amateurs.

Certains en concluent que les produits à mention jardin seraient utilisables sans délais de rentrée par tous leurs utilisateurs même professionnels. Ce serait, face au casse-tête des délais de rentrée, une solution plus sécurisante que l'utilisation de produits sans AMM phytopharmaceutique pour des usages qui le sont... le risque(5) de lancement de tels produits est ô combien réel.

Selon d'autres sources, pour qu'un produit échappe au délai de rentrée, il faut qu'il ait la mention EAJ mais aussi qu'il soit appliqué en espace privé par un applicateur amateur.

Nous ne trancherons pas...

Bien sûr un délai de rentrée plus court que 6 heures peut être précisé par l'AMM. Cela commence à exister(6).

Probablement provisoire : la réglementation va bouger !

De toute façon, la possibilité pour des professionnels d'utiliser des produits à mention EAJ risque d'être provisoire.

En effet, il est question de réformer la réglementation pour que les AMM avec mention jardin s'appliquent uniquement à des utilisations par des amateurs.

Il y aurait ainsi des usages « jardins amateurs » (et rien qu'eux), des usages « professionnels en zones non agricoles », des usages agricoles et des usages forestiers.

A suivre.

(1) Article L253-17 du Code Rural, qui prévoit des amendes et de l'emprisonnement (deux ans pour la vente et la publicité et six mois pour l'utilisation).

(2) Le classement toxicologique varie de très toxique (mention « T+ » sur l'étiquette, et qui est très rare) à dispensé de classement (ou non classé, pas de mention de classement sur l'étiquette) en passant par T (toxique), Xn (nocif) et Xi (irritant). Aucun produit à mention EAJ n'est T+, ni T. Le classement écotoxicologique peut être soit dangereux pour l'environnement (mention « N »), soit dispensé de classement (pas de mention sur l'étiquette).

(3) Arrêté du 6 octobre 2004, paru au JORF du 27 novembre 2004 ; version actuelle consolidée au 20 août 2010.

(4) Arrêté du 12 septembre 2006, paru au JORF du 21 septembre 2006.

(5) On peut parler de risque et pas seulement de possibilité, probabilité... Car un produit sans AMM n'aura pas de délai de rentrée... mais surtout il n'aura pas subi les tests de toxicité et d'écotoxicité exigés d'un produit ayant une AMM. Il n'offrira donc pas l'assurance d'innocuité d'un produit à AMM et mention EAJ ! Et, en cas de problème de santé publique, d'atteinte à l'environnement ou de dégâts au végétaux dus à ce produit, l'utilisateur, le vendeur et le promoteur seront en tort...

(6) Citons, par exemple le Shinaï PJT vendu par Compo Expert. Encore un glyphosate certes ! Mais c'est semble-t-il le premier à être autorisé en PJT sur mauvaises herbes annuelles à 1 080 g/ha de substance active (3 l/ha de spécialité à 360 g/l de glyphosate) et à avoir précisé dans son AMM et sur son étiquette que son délai de rentrée pour l'usage PJT est seulement « attendre le séchage de la bouillie ».

Résumé

Depuis un an, le marché phytopharmaceutique des ZNA s'est enrichi de treize substances actives inédites.

Cinq substances herbicides arrivent en jardins d'amateurs. L'acide acétique et l'acide pélargonique, inédits comme herbicides, revendiquent les propriétés de substances naturelles. Le second est associé à l'hydrazide maléique, connu comme substance de croissance agricole. Le pyraflufen-éthyl et le diquat, connus comme herbicides agricoles, sont lancés associés à des substances déjà utilisées en jardins.

Trois substances fongicides agricoles, le triticonazole, la trifloxystrobine et le mandipropamide, arrivent en jardins.

Un insecticide agricole d'origine biologique, l'abamectine, arrive associé aux pyréthrines naturelles déjà connues en jardin. Ces pyrèthres naturels sont associés pour la première fois à l'huile de colza, elle aussi connue en jardins.

Pour les professionnels (outre le pyraflufen-éthyl, l'acide pélargonique et l'hydrazide maléique, eux aussi lancés sur ce marché), le iodosulfuron-méthyl, le florasulame et la carfentrazone-éthyl sont trois herbicides inédits d'origine agricole. Enfin le thiaméthoxame, insecticide d'origine agricole, arrive sur végétaux d'ornement.

Mots-clés : ZNA (zones non agricoles), produits phytopharmaceutiques, jardins d'amateurs, espaces verts, substances actives, herbicides, insecticides, fongicides, régulateurs, substances naturelles, innovations.

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