Les stations de traitement des effluents phytos se développent, à la ferme et en collectif

La gestion des effluents phytos évolue : les procédés de traitement officiellement reconnus s'installent dans le paysage, et installent le principe des « stations phytos ». Une station phyto, qu'elle soit individuelle ou collective, n'est pas forcément un équipement chic, cher et clé en main, c'est une installation cohérente avec les besoins du ou des utilisateur(s). Seule économie à ne pas faire : celle du diagnotic et de la réflexion. Par ailleurs, si la réglementation n'a pas bougé du côté des procédés, elle le fait pour les stations collectives.

Depuis l'an dernier(1), la liste des 14 procédés officiellement reconnus par le ministère chargé de l'environnement pour traiter les effluents phytos n'a pas bougé(2). Mais l'utilisation de ces procédés s'est développée.

Ainsi, l'Agence de l'eau Rhône-Méditerrannée & Corse a aidé 350 installations d'« aires de lavage et de rinçage des matériels de pulvérisation » en 2011 contre 60 en 2010. Des aires créées en lien avec une station collective de traitement des effluents, ou des stations phytos complètes avec dispositif de traitement.

Les dispositifs qui s'installent le plus sont ceux dits rustiques : le Phytobac, l'Osmofilm et l'Héliosec. Attention, « rustique » signifie que ces procédés utilisent des processus naturels sans dépense d'énergie fossile, mais pas qu'on peut les installer n'importe comment !

Tous exigent un diagnostic préalable. Il permet notamment de choisir les dimensions adaptées au volume annuel d'effluents et à la hauteur des « pics » d'apports en saison.

Biodégradation

Le principe

Le procédé le plus répandu est le Phytobac®, officiellement reconnu depuis 2007. C'est un « lit biologique » : un bac étanche à toute fuite de liquide dans le milieu contient un mélange de terre de l'exploitation et de paille stimulant les bactéries du sol présentes naturellement, et qui biodégradent les effluents phytos.

Les diverses versions « reconnues phytobacs » par Bayer CropScience, adaptateur en France de ce dispositif inspiré des biobeds suédois, sont les modèles de marque « Biobac », de Biotisa, la gamme « Évolution », d'Hermex, ceux de distributeurs régionaux et les bacs artisanaux dûment encadrés par un expert Phytobac.

Phytobacs reconnus et leurs experts

De 600 dispositifs implantés avec l'aide de 150 experts phytobacs recensés en octobre 2009(3), on est passé à « 2 500 phytobacs reconnus fonctionnant en France, dont 80 % en agriculture et 20 % en espaces verts. », estime Sonia Laurent, ingénieur Bonnes pratiques chez Bayer CropScience qui ajoute : « Nous avons formé à ce jour environ 450 experts phytobac. »

Ces experts, qui souvent assurent d'autres fonctions par ailleurs, ont suivi une formation dispensée par Bayer. Ils réalisent notamment l'indispensable diagnostic préalable à l'implantation du modèle adapté : dimensions, emplacement, articulation avec les installations préexistantes ou créées en même temps, etc.

Et les bacs sauvages ?

Par ailleurs des agriculteurs se sont lancés dans l'auto-construction de bacs remplis de terre et de paille. On ne connaît pas leur nombre. Le problème de ces bacs sauvages, c'est la gestion de l'eau. « Qu'un bac sèche, ce n'est pas grave, explique Gérard Catroux, ancien chercheur à l'INRA sur la biologie des sols et fondateur de Biotisa. Les bactéries se mettent en sommeil mais vont repartir toutes seules dès que le substrat sera réhumecté. Entre temps il n'y pas de nuisance, simplement un arrêt du travail… »

En revanche, « en cas d'excès d'eau, le milieu est en anaérobiose et les bactéries du sol utiles, qui sont aérobies, sont détruites ». Autrement dit : le sol manque d'air et, comme les bactéries en avaient besoin pour vivre, elles sont noyées. « Il y a des odeurs désagréables et la vie microbienne, donc la dégradation des substances phytos, ne peuvent pas repartir seules. Il faut évacuer l'eau en excès... Puis réensemencer voire remplacer le substrat. » Tout bac à effluents laissé à la belle étoile risque d'être noyé en cas de fortes pluies.

Tout phytobac digne de ce nom a donc une toiture facile à enlever, laissant passer l'air mais le protégeant des pluies.

D'autre part, pour la même quantité d'effluents générés annuellement, la « vidange directe » des effluents au fur et à mesure qu'on vide ou lave le pulvérisateur exige un bac de plus grandes dimensions que si l'on a une cuve tampon. Sinon, risque de débordement...

Régulation, les solutions

Et pour réguler l'humidité du substrat ? Les auto-constructeurs comptent sur leur doigté... « Moyennant quoi, une bonne part(4) des bacs auto-construits ont un problème de fonctionnement ! », estime G. Catroux.

Deux types de régulation sont disponibles :

– programmation de l'apport d'eau en fonction du volume du bac et du climat du secteur ;

– évacuation de l'excès d'eau par un drainage ramenant l'eau à la cuve tampon sans fuite dans le milieu ; n'oublions pas que le dispositif doit être étanche à toute fuite de liquide ! Biotisa a breveté un tel système.

Déshydratation

Osmofilm

Les deux autres procédés rustiques, l'Osmofilm et l'Héliosec, sont des évaporateurs.

L'Osmofilm®, reconnu officiellement en 2008, équipe environ 700 stations en France, estime émeric Oudin, directeur général d'Axe Environnement qui distribue ce dispositif de la société Pantek recommandé par Basf Agro.

Le principe est d'introduire les effluents dans des saches translucides composées d'une membrane polymérique. Celle-ci laisse passer la vapeur d'eau mais pas les liquides ni les molécules complexes. L'eau s'évapore à travers, d'autant que ces saches ménagent un effet de serre, et les molécules phytos y restent piégées, voire en partie photodégradées. Depuis octobre 2009, le reliquat déshydraté (en moyenne entre 500 g et 1 kg pour 250 l d'effluents mis en sache) est récupéré par le biais d'Adivalor.

Axe Environnement propose des stations, soit clé en main de capacité 1 ou 2 m3 (1 000 ou 2 000 l) soit à la carte. Elles comprennent bac, saches, plaque de remplissage et clip de fermeture, ainsi que toit (indispensable contre la pluie) translucide (augmentation de l'effet de serre) et sécurisation : rétention et grillage. Sans oublier la cuve tampon puisqu'on remplit les saches par lot de 250 l.

Héliosec

Héliosec®, créé et recommandé par Syngenta et fabriqué par Solhead, fonctionne par évaporation à l'air libre dans une bâche fixée dans un contenant imperméable à tout produit – le tout sécurisé et sous toit translucide.

Le procédé a été lancé plus tard que ses deux aînés et le devenir de ses déchets réglé plus tard aussi : les bâches et leur contenu déshydraté sont récupérées par le biais d'Adivalor depuis 2011. En mars 2012, Syngenta annonçait environ 250 dispositifs installés ou en cours de commande, là aussi après diagnostic.

Séparation

Le principe et les BF Bulles

Une autre technique de gestion des effluents phytos consiste à séparer l'eau liquide des résidus, de façon assez efficace pour pouvoir réutiliser l'eau ou la rejeter dans le milieu.

Parmi les procédés basés sur ce principe, le BF Bulles®, reconnu depuis 2007, est propriété de Vitivista et distribué par Jade (N.B. Il s'agit de deux sociétés sœurs, toutes deux filiales d'Alidad Invest). Il y a deux modèles d'unités de traitement mobiles BF 8 et BF 16.

Parmi les 10 appareils en fonction en France, deux BF 8 (le « petit » modèle) ont été vendus à des domaines viticoles qui traitent chacun environ 15 m3 d'effluents/an, gros volume pour une exploitation. Les autres (un BF 8 et sept BF 16) tournent en prestation de service.

Jade et ses sept partenaires

Le réseau BF Bulles, de Jade, comprend :

– Vitivista dans le Sud-Ouest ;

– Cohesis et Eco-fox en Champagne ;

– Phyto'Ger en Bourgogne ;

– Europulvé en Alsace ;

– Vitaconsult en Val-de-Loire et Bretagne ;

- Groupe Agrosud-Racines dans le Sud-Est ;

– S2E en Gironde.

Tous les sept ont acheté l'appareil à Jade, avec contrat de prestation de service, formation à l'utilisation et engagement de suivi-assistance. Il s'agit bien de partenaires.

Prestation de services

Pour les huit appareils tournant en prestation de service, « le recul des dernières campagnes nous confirme le traitement d'une moyenne de 100 m3 par an et par prestataire », estime Gaelle Bernadot, responsable Services environnement de Jade. Les prestations peuvent être « individuelles » ou « collectives ».

Dans le premier cas, le prestataire arrive avec son BF Bulles sur l'exploitation, traite les effluents que l'agriculteur avait au préalable stockés dans une cuve tampon, rejette l'eau épurée dans le milieu ou dans un stockage adapté (certains clients la gardent précieusement pour les lavages suivants) et repart. Le second cas concerne trois appareils : celui de Vitivista (qui « tourne » aussi en prestation individuelle), celui de Phyto'Ger et celui de Vitaconsult, qui tournent sur des aires collectives.

Collectivisation

Des aires à tout faire

Ces « aires collectives » ont un intérêt surtout en zone à forte densité d'exploitations.

Il y a des aires à tout faire : remplissage et lavage du pulvérisateur, stockage et traitement des effluents. Elles intéressent surtout les régions avec des sièges d'exploitation trop enclavés pour pouvoir y caser une « station phyto ».

C'est le cas de la station d'Avize, dans la Marne. Mise en service en mars 2007(5), elle a traité 70 m3 d'effluents viticoles cette année-là.

Autre exemple, la station de Saint-Bonnet près Riom dans le Puy-de-Dôme, créée en 2003 avant que la réglementation ne se précise(6). Elle fonctionne toujours avec son phytobac.

Et puis 20 des projets subventionnés par l'Agence de l'eau Rhône-Méditerannée & Corse en 2011 sont des stations collectives. Certaines fonctionnent déjà.

En Bourgogne, une station tourne à Volnay, en Côte-d'Or, depuis 2011. Ce sont 60 m3 d'effluents, stockés en cuve de rétention sécurisée, qui ont été traités par le BF Bulles de Phyto'Ger. Une station à Vosne-Romanée, avec ce BF Bulles, et une à Chassagne-Montrachet, équipée de deux phytobacs, démarrent en 2012.

Dans l'Isère, le lycée agricole de la Côte-Saint-André a monté une station collective avec phytobac pour sa propre exploitation et des agriculteurs du secteur.

Dans la Drôme, à Aouste-sur-Sye, la première station collective de la vallée de la Drôme a été ouverte fin 2011. En octobre 2011, la chambre d'agriculture présentait cette station étanche et équipée d'un « traitement des effluents dans un bac étanche », fonctionnant en « lit biologique ». D'autres sont prévues.

Dans le Gard, une station collective a vu le jour sous l'égide de la Chambre d'agriculture et sur le site de la SERFEL avec plusieurs procédés. Lesquels ? Phytobac, Osmofilm et Héliosec.

Ou juste pour traiter les effluents

Ceci dit, dès fin 2007, on apprenait qu'à Avize certains adhérents n'étaient venus qu'après la saison « pour porter leur container d'effluents et le faire traiter ».

C'est l'autre façon de voir une station collective : la dédier au traitement des effluents. Cela intéresse les agriculteurs pouvant avoir une aire de remplissage/lavage avec cuve tampon pour les effluents, mais ne souhaitant pas investir dans un dispositif individuel pour les traiter. Leur pulvérisateur restera chez eux, la tonne d'effluents ira à la station.

Ainsi Vitivista Sud-Ouest, qui propose aux agriculteurs une prestation de type « stockez vos effluents chez vous, nous venons les traiter avec notre BF Bulles » a adapté son offre en installant une station de traitement des effluents sur le site de son dépôt.

« Certains clients ne font pas plus de 1 000 l d'effluents phytos par an, explique G. Bernadot. Plutôt que leur vendre une cuve restant sur l'exploitation et une prestation consistant à venir traiter leurs effluents chez eux, nous leur proposons la prestation de venir récupérer leur cuve conforme sécurisée d'un m3 pleine en échange d'une autre vide. Nous ramenons la cuve pleine sur notre site où nous stockons l'effluent et le traitons quand nous voulons. »

En 2011, 15 des 103 m3 qu'elle a traités l'ont été sur son site. Au fait, cela permet de vérifier l'étanchéité des cuves.

Autre cas, l'aire collective de Clisson, en Loire- Atlantique (photo). Une cuve étanche de 15 m3 stocke les effluents apportés dans les cuves sécurisées des agriculteurs. Effluents ensuite traités par le BF Bulles de Vitaconsult. « Il y a plusieurs autres projets de ce type en discussion », explique Alain Gilet, directeur de cette société.

Laquelle y utilise son BF Bulles quand elle ne va pas chez des agriculteurs installer des stations individuelles équipées soit d'Efflubacs (phytobacs reconnus des Ets Bretaudeau et SCPA), soit bientôt de BF Bulles pour de gros volumes (ex. pépiniéristes), le tout après diagnostic effluents à la suite des diagnostics d'exploitation Aquasite qu'elle réalise.

Réglementation

Aires collectives, classées ICPE « à déclaration »

Pour conclure, il faut encore parler de réglementation !

D'abord du terme de « tonne » employé plus haut. Pour avoir le droit de sortir de l'exploitation des effluents phytos pas encore épurés, il ne faut pas en transporter plus de 1 000 l, soit une tonne, à la fois.

Ensuite du statut des stations collectives. Nous avions écrit en 2010 qu'elles ne devraient pas être classées si elles ne rejettent pas d'eau. Beaucoup se sont équipées de procédés sans rejet d'eau ou bien récupèrent l'eau épurée pour le lavage des pulvérisateurs suivants.

Par ailleurs un arrêté du 23 décembre 2011 paru le 10 janvier 2012(8) précise la réglementation des installations de lavage de contenants « de matières dangereuses » et de « déchets dangereux ». Or les bouillies et effluents phytos sont légalement dans ces catégories. Du reste l'introduction de cet arrêté se réfère à l'arrêté phyto du 12 septembre 2006.

L'arrêté du 23 décembre s'appliquera le 1er juillet 2012 (bientôt !).

– Il ne concerne pas les stations individuelles car, selon son article 2, il ne s'applique pas aux installations dont « l'activité de lavage ne constitue pas l'activité principale » et qui exercent « une activité de production imposant le lavage » de leur matériel, cas des exploitations et services espaces verts (production d'aménités) ; de plus, l'arrêté de 2006 autorisait la gestion des effluents sur l'exploitation et celui de 2011 ne l'abroge pas.

– Il concerne les installations spécialisées, cas des stations collectives, « engageant une quantité d'eau inférieure à 20 m3 par jour »(9) (aucune station phyto n'en fait autant) ; ce seront des installations classées pour l'environnement (ICPE), mais seulement « soumises à déclaration sous la rubrique n° 2795 ».

Choisir son site

En pratique, une station collective peut soit se déclarer « sous la rubrique 2795 », soit s'implanter sur un site déjà déclaré et sécurisé comme tel. Par exemple celle de Clisson est sur le site des Ets Bretaudeau, distributeurs de produits phytos. Ou encore, saluons la prévoyance des pionniers d'Avize ! Leur station est sise sur le site classé de la CSGV (Coopérative du syndicat général des vignerons).

<p>* Phytoma.</p> <p>(1) Effluents phytos, de nouveaux outils – deux nouveaux procédés reconnus… <i>Phytoma</i> n° 644, mai 2011, p. 35 à 39.</p> <p>(2) La demande de reconnaissance du procédé de Véolia signalée l'an dernier n'a pas (encore ?) abouti.</p> <p>(3) Éliminer les effluents phytos, il faut a-ccom-pa-gner. <i>Phytoma</i> n° 626-627, octobre 2009, p. 36 à 40.</p> <p>(4) <i>« Plus de la moitié »</i>, avance-t-il, mais il s'agit d'un <i>« ressenti »</i>. Ces dispositifs ne sont pas recensés…</p> <p>(5) Station phyto collective en Champagne viticole. Le pôle environnement de la CSGV d'Avize… <i>Phytoma</i> n° 611, janvier 2008, p. 28 à 32.</p> <p>(6) La gestion des effluents a été précisée par l'arrêté du 12 septembre 2006, paru au JORF (Journal officiel de la République française) du 21 septembre et prévoyant la reconnaissance officielle des procédés de traitement de ces effluents.</p> <p>(7) Préserver l'environnement à la ferme, s'équiper antipollution. <i>Phytoma</i> n° 634, mai 2010, p. 42 à 44.</p> <p>(8) Arrêté du 23 décembre 2011, paru au JORF du 10 janvier 2012 et <i>« relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées soumises à déclaration sous la rubrique n° 2975 »</i>. Ses annexes ont été publiées au B.O., Bulletin officiel du ministère chargé de l'environnement (à l'époque le MEDDTL) du 25 janvier 2012.</p> <p>(9) Celles qui en utilisent davantage sont soumises à autorisation, régime plus compliqué.</p>