Première étape, l'observation. 3 : Épidémiosurveillance de jeunes plants ligneux d'ornement sous serre. Photos : J. Jullien
Première étape, l'observation. 4 : Observation phytosanitaire du poireau en exploitation maraîchère.
6 : Fructifications de Phyllosticta sp. sur feuille de Dracaena, sous loupe binoculaire. ph. SRAL Pays
8 : Relevé de captures du charançon de la patate douce (Cylas formicarius) en piège à phéromones au sein du réseau d'épidémiosurveillance des cultures tropicales en Guadeloupe.
L'épidémiosurveillance constitue l'un des dispositifs de protection des cultures au sein de la surveillance biologique du territoire (SBT). Elle est conduite en métropole et dans les départements d'Outre-mer, en agriculture et en zones non agricoles de façon organisée, coordonnée et efficace. Le but est de pouvoir, face à tout problème phytosanitaire, effectuer à la fois un signalement et donner les informations objectives nécessaires aux conseils de protection, grâce aux « Bulletins de santé du végétal » (BSV).
Il s'agit donc de détecter mais aussi d'identifier. Cela peut impliquer un diagnostic et des analyses phytosanitaires. Comment cela fonctionne-t-il en France aujourd'hui ? Réponses ci-après. Avec les coordonnées des laboratoires et leurs domaines de compétence.
Comme en médecine humaine
Un bon diagnostic pour une thérapie adaptée
Les actions de diagnostic et d'analyse phytosanitaire déterminent la pertinence de l'information publiée dans le BSV et la prise de décision qui en découle. Si l'observateur et l'animateur d'une filière végétale rencontrent des difficultés pour définir l'origine d'une affection, ils peuvent solliciter un laboratoire selon ses compétences analytiques.
L'efficacité de la lutte raisonnée contre les organismes nuisibles aux cultures est liée en grande partie à la précision du diagnostic et à la qualité des analyses. Elle considère également l'activité des auxiliaires biologiques.
Dans le domaine de la santé humaine, le médecin généraliste prescrit une thérapie à son patient une fois qu'il a posé le bon diagnostic, si nécessaire grâce à une analyse provenant d'un laboratoire médical. Le processus est le même en santé végétale, sauf que le rôle du docteur est tenu par un technicien ou un conseiller agricole assurant le rôle de « phytiatre ». Un laboratoire d'analyses phytosanitaires peut également disposer d'une telle compétence.
Précisons toutefois que la formation initiale en diagnostic du médecin est davantage formalisée que celle du « phytiatre ».
Complexité du diagnostic
Un même bio-agresseur peut changer d'apparence
Les ravageurs animaux revêtissent plusieurs formes au cours de leurs métamorphoses, et certaines ressemblent à celles d'auxiliaires (photos 1 et 2). Les maladies s'expriment de diverses manières durant leurs cycles. Cette diversité d'apparences complique le diagnostic. Il faut parfois, par exemple, élever une larve d'insecte plusieurs jours en captivité pour déterminer l'imago dès son émergence.
De plus, pour détecter un ravageur microscopique de type nématode ou phytopte, isoler un pathogène ou faire le lien entre plusieurs facteurs, une solide expérience doublée de méthodes de détermination pointues sont nécessaires.
Plusieurs facteurs peuvent conjuguer leurs actions
Le diagnostic phytosanitaire est aussi compliqué lorsqu'il s'intéresse à l'action conjuguée de différents organismes nuisibles, par exemple la surinfection d'une nécrose d'origine fongique ou bactérienne par un champignon saprophyte.
Dans ce contexte, le travail d'investigation mené par le personnel du laboratoire doit s'attacher à déterminer la cause initiale du dépérissement, ce qui est parfois difficile au vu d'un échantillon. Cette relation de cause à effet est un principe étiologique bien connu en médecine grâce aux postulats de Koch, établissant la relation entre un microbe à une maladie.
Enfin, lors du diagnostic phytosanitaire, il est important de connaître les liens de causalité entre affections d'origine abiotique et développement parasitaire, et bien sûr d'éviter les confusions.
Difficultés de tout savoir sur des cultures très diversifiées…
En pratique, le diagnostic repose sur un mode opératoire propre à chaque organisme étudié, mais dépend beaucoup de l'expérience de l'observateur au sein d'une filière végétale.
En cultures légumières et en productions horticoles ornementales (photos 3 et 4), le diagnostic est complexe à réaliser à cause de la grande hétérogénéité des situations de terrain rencontrées : nombreuses espèces végétales (légumes, fleurs, arbres, arbustes, gazons) ; typologie des cultures (pieds-mères, jeunes plants, semences, bulbes, plantations…) ; conduite et milieux culturaux ; stress physiologiques, affections parasitaires…
… Ou des organismes nuisibles émergents
Des complications existent même en grandes cultures et vigne bien que ces productions très représentées sur le territoire soient bien étudiées, notamment face à une attaque d'organisme nuisible émergent. Dans ce cas, les attentes légitimes des professionnels concernés sont : réactivité, fiabilité du diagnostic, évaluation de la gravité, données biologiques et épidémiologiques indispensables à la lutte raisonnée.
La sollicitation d'un laboratoire d'analyses phytosanitaires
Un dispositif structuré et mutualisé
Au sein du réseau d'épidémiosurveillance des cultures, le transfert des données d'observation suit un schéma de diffusion préétabli entre les différents acteurs. Ce dispositif structuré et mutualisé peut impliquer la prestation d'un laboratoire d'analyses interne ou externe au réseau (figure 1).
Il permet de s'assurer de la fiabilité des données relevées sur le terrain avant une publication éventuelle des résultats dans le BSV. Certains laboratoires d'analyses phytosanitaires réalisent des diagnostics généraux. Ils émettent une ou plusieurs hypothèses qu'ils vérifient par une méthodologie appropriée (photos 5 & 6). Si l'analyse sort de leur champ de compétences, ils peuvent transmettre l'échantillon à un laboratoire spécialisé.
L'envoi d'échantillons exploitables, une condition indispensable
Précisons toutefois que la plupart des bioagresseurs et auxiliaires référencés dans les protocoles d'épidémiosurveillance des cultures sont identifiables à l'œil nu, et que les analyses sont généralement restreintes à des cas particuliers (émergences, suspicions de bioagresseurs réglementés...).
En tout cas, la pertinence du diagnostic dépend en grande partie de la qualité de l'échantillonnage effectué sur le terrain. Pour mener à bien leurs investigations, les laboratoires doivent recevoir des échantillons en bon état de conservation, en nombre suffisant, accompagnés de renseignements détaillés. La fiche d'accompagnement d'échantillon est remplie par le demandeur de l'analyse, parfois assortie d'une photo de situation. Elle apporte de nombreuses précisions à l'analyste, qui, en sa possession, oriente mieux ses recherches (Fig. 2).
Plus les échantillons sont frais à leur arrivée au laboratoire, plus le diagnostic et les analyses sont fiables.
Il faut également réaliser le prélèvement en prenant certaines précautions d'usage, de sorte que l'échantillon soit représentatif de la plante ou de la culture atteinte, si nécessaire après s'être informé auprès du laboratoire destinataire (photo 7).
Typologie des analyses en épidémiosurveillance des cultures
Les analyses phytosanitaires en épidémiosurveillance des cultures répondent à deux principaux cas de figure rencontrés sur le terrain par les observateurs : appui au diagnostic visuel ; détermination spécifique, par exemple lors du piégeage des ravageurs (photos 8 & 9).
Quelques laboratoires affichent des compétences de phytodiagnostic généraliste, tandis que certaines unités d'analyses sont spécialisées.
Enjeux des analyses en phytodiagnostic
Compétences du laboratoire, mais aussi de l'observateur
La qualité d'un phytodiagnostic dépend autant de la précision de l'observation d'abord, et de l'échantillonnage ensuite, réalisés par l'observateur sur le terrain que de la compétence analytique du laboratoire.
Valeur des récoltes agricoles et cas des ZNA
En zones agricoles, cette action mutualisée contribue à la valeur des productions végétales et à une meilleure rentabilité des investissements. C'est dire l'importance que le diagnostic a pris ces dix dernières années dans le contexte de mondialisation des échanges (import/export), de compétitivité, de développement de la protection intégrée des cultures et de sécurité alimentaire. En zones non agricoles (espaces verts, parcs, jardins, voies de communication), les enjeux sont multiples, à la fois esthétiques, paysagers, patrimoniaux ou encore touristiques.
Circulation entre pays et bio-agresseurs émergents
Dans certaines filières, le matériel végétal circule au sein de l'Union européenne, mais aussi de l'hémisphère sud vers la zone nord, autant que de l'Extrême-Orient à destination des pays occidentaux, ce qui augmente considérablement les risques d'introduction d'organismes nuisibles exotiques. Les cultures sous abri y sont très exposées.
Le diagnostic s'intéresse donc particulièrement aux bioagresseurs émergents.
La question de la lutte biologique
Par ailleurs, l'utilisation de certains auxiliaires en lutte biologique nécessite une détermination précise du ravageur. Par exemple, les micro-hyménoptères parasitoïdes d'aleurodes, de pucerons ou de cochenilles. Là encore, le diagnostic est indispensable à la prise de décision.
Les enjeux du plan Ecophyto 2018 et le RFSV
S'ajoutent à ce contexte technico-économique les enjeux écologiques du plan Ecophyto 2018 fixés par le Grenelle de l'environnement depuis 2008 pour diminuer progressivement l'utilisation des pesticides. La structuration du réseau national d'épidémiosurveillance des cultures en 2009, dans le cadre de l'axe 5 du plan, a engagé en 2010 la réflexion du ministère chargé de l'agriculture par le biais de sa DGAl-SDQPV(1) sur les laboratoires d'analyses phytosanitaires et plus largement le phytodiagnostic. L' étude est conduite depuis 2011 avec l'appui du laboratoire national de santé des végétaux (LSV) de l'Anses(2), chargé de l'évaluation des risques phytosanitaires. Cette dynamique a conduit à la création en 2011 du Réseau français de santé des végétaux (RFSV).
État des lieux et prospective
2010-2011, le recensement
Un recensement des unités de diagnostic et d'analyses phytosanitaires a été réalisé en 2010 et 2011 par la DGAl-SDQPV auprès des DRAAF-SRAL(3) et grâce au contrôle technique de second niveau des réseaux régionaux d'épidémiosurveillance des cultures. Il a permis de vérifier l'adéquation des besoins exprimés par les observateurs et les animateurs filières avec les capacités des laboratoires. Cette initiative a été présentée au Comité national d'épidémiosurveillance (CNE), instance de gouvernance de la surveillance biologique du territoire.
L'état des lieux a permis, dans un premier temps, de recenser les domaines de compétences déjà couverts et d'évaluer ceux qu'il serait nécessaire de développer.
Organisation interprofessionnelle pour optimiser les analyses
Ensuite, la rencontre des principaux analystes phytosanitaires (laboratoires publics et privés, services chargés de la protection des végétaux, Inra, instituts techniques, firmes phytopharmaceutiques, fédération nationale de lutte contre les organismes nuisibles) ainsi que des représentants de différentes filières de la production végétale, a initié un projet d'organisation interprofessionnelle en lien avec la recherche au sein du RFSV. Cette organisation vise à optimiser l'analyse des échantillons en garantissant une réactivité et une fiabilité suffisantes dans les différentes disciplines phytosanitaires.
Les organismes les plus nuisibles sont ciblés en priorité : parasites réglementés, émergents et/ou préoccupants (listes d'alerte de l'OEPP(4)), bioagresseurs fréquemment traités afin de réduire progressivement l'utilisation des pesticides.
Mais pour être exploitables, les informations phytosanitaires publiées en régions, dont les départements d'outre-mer, doivent s'appuyer sur un diagnostic et des analyses de qualité. Il en est de même pour les entreprises privées, les coopératives et les collectivités territoriales situées hors du réseau SBT, qui peuvent solliciter directement des laboratoires d'analyses pour leur propre compte.
Exigences des professionnels
Une identification rapide et fiable
Le BSV est d'autant plus efficace qu'il est réactif vis-à-vis de l'évolution parasitaire. Les observateurs et animateurs-filières du réseau d'épidémiosurveillance, et plus largement tous les professionnels de la production végétale ou des zones non agricoles, exigent donc une identification rapide et fiable des bioagresseurs et des auxiliaires. Ils expriment surtout des besoins de déterminations spécifiques pour les organismes nuisibles les plus préjudiciables aux cultures, comme certains nématodes phytoparasites, acariens nuisibles, insectes piqueurs et suceurs de sève (aleurodes, cicadelles, cochenilles, pucerons, psylles), thrips, larves terricoles, mouches des fruits, légumes et cultures florales, insectes défoliateurs, maladies fongiques, bactériennes, phytoplasmiques et virales (virus, viroïdes), ainsi que des adventices envahissantes. Le signalement précis des espèces nuisibles rencontrées dans les parcelles permet de mieux raisonner la lutte phytosanitaire et d'orienter la protection intégrée : lâchers d'auxiliaires biologiques, rotation culturale, variétés résistantes… (photos 11, 12 et 13).
Principaux laboratoires d'analyses phytosanitaires
Les laboratoires sollicités en épidémiosurveillance des cultures travaillent les échantillons en routine. Il s'agit de structures publiques ou privées.
De plus, les unités de recherche chargées prioritairement de la mise au point des méthodes de détection des bioagresseurs, dont les émergents et/ou réglementés, peuvent participer à ces analyses. Elles ne sont généralement pas en lien direct avec les acteurs de l'épidémiosurveillance, sauf cas de disciplines aux compétences non diffusées comme l'entomologie, l'acarologie et la nématologie. Elles sont contactées le cas échéant par le SRAL(5) pour une analyse officielle suite à la suspicion d'un organisme nuisible réglementé, l'obtention d'un passeport ou d'un certificat phytosanitaire. Les laboratoires en charge de ces dernières analyses sont agréés(6) ou référents au niveau national(7) (photo 14).
Enfin, les laboratoires chargés de vérifier les résistances des bioagresseurs aux pesticides (Anses-Rpp, Inra) sont mobilisées sur des plans de surveillance officiels.
La situation s'améliore…
Face aux bio-agresseurs « habituels »
Globalement, les besoins des observateurs sont satisfaits, notamment grâce aux efforts entrepris ces cinq dernières années par les laboratoires dans le domaine de la phytopathologie. En revanche, les activités d'épidémiosurveillance ont difficilement accès à un diagnostic approfondi, en particulier en nématologie (photos 15 & 16), en acarologie, voire en entomologie pour certains ordres d'insectes comme les thysanoptères, les diptères ou les homoptères. La malherbologie et les auxiliaires biologiques sont également peu analysés en routine.
Côté bioagresseurs émergents
Mais le problème le plus crucial à régler est la détection précoce des bioagresseurs émergents. Qu'ils soient réglementés ou non, leur mise en évidence reste compliquée à réaliser en épidémiosurveillance.
Outre les risques de confusion lors d'un diagnostic, les méthodes de détection peuvent faire défaut. L'actualisation des connaissances des analystes sur les espèces émergentes et/ou les plus préoccupantes n'est pas toujours assurée. Les instituts techniques généralement bien informés, sont souvent réactifs sur ces affections prioritaires, mais ne réalisent pas de prestation de services pour des tiers, sauf en viticulture (IFV).
Une connexion transversale entre les évaluateurs et gestionnaires des risques phytosanitaires, les laboratoires et les professionnels de l'agriculture et des espaces verts s'avère donc aujourd'hui primordiale.
C'est ce que développe depuis 2011 le Réseau français de santé des végétaux (RFSV).
Noblesse du diagnostic général
Enfin, le diagnostic général doit retrouver ses lettres de noblesse. Cette activité assure le lien indispensable entre l'observation de terrain, l'analyse finale et, si cela est jugé pertinent, la publication de l'information dans le BSV. Un rôle déjà effectué par certains animateurs-filières du réseau d'épidémiosurveillance et quelques laboratoires, mais qui aurait intérêt à être davantage partagé, notamment dans le cadre de formations des analystes de laboratoire, pour mieux répondre aux attentes des professionnels du végétal et des pouvoirs publics.
<p><b>Remerciements :</b> aux membres du groupe de travail GT6 du Réseau Français de la Santé des Végétaux (RFSV) piloté par Joël Francart de la DGAl-SDQPV, pour la relecture attentive de cet article ; à Nathalie Franquet et à Géraldine Anthoine de l'Anses-Lsv pour leur contribution ; aux responsables des laboratoires de diagnostic et d'analyses phytosanitaires contactés pour la pertinence de leurs informations.</p> <p>(1) Direction générale de l'alimentation - Sous-direction de la qualité et de la protection des végétaux.</p> <p>(2) Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.</p> <p>(3) Direction régionale de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt, Service régional de l'alimentation.</p> <p>(4) Organisation européenne et méditerranéenne de protection des plantes.</p> <p>(5) Service régional de l'alimentation, chargé de la protection des végétaux.</p> <p>(6) Le ministère chargé de l'agriculture a la possibilité d'agréer des laboratoires pour la réalisation d'analyses officielles. La demande d'analyses peut émaner d'un service de l'État, d'un délégataire de l'État ou de tout opérateur ayant besoin d'un résultat d'analyse officiel, par exemple en vue d'une exportation de végétaux ou de produits végétaux.</p> <p>(7) Le laboratoire national de référence (LNR) travaille en étroite collaboration et supervise un réseau de laboratoires agréés. Cette activité a pour but de garantir la qualité du travail de ces laboratoires vis-à-vis des autorités sanitaires nationales et internationales. Les nouvelles méthodes de dépistage ou d'analyse sont développées au LNR qui réalise ses recherches.</p>
Fig. 1 : Épidémiosurveillance des cultures.
Logigramme : diagnostic sur le terrain, analyse en laboratoire, information dans le Bulletin de santé du végétal.