Sur le métier

Emilie Donnat La femme qui orchestre la qualité

PAR MARIANNE DECOIN - Phytoma - n°656 - août 2012 - page 48

À peine cinq ans passés dans le monde céréalier et elle y est déjà incontournable. Son travail : initier, coordonner, faire avancer et aboutir, puis valoriser des projets pluridisciplinaires de recherche appliquée dans le domaine de la qualité sanitaire des produits agricoles. Un thème qui intéresse les professionnels et le public, mais aussi un métier d'homme (pardon, femme)-orchestre souvent mal connu. Deux raisons pour tirer un portrait.

Le titre exact de la fonction d'Émilie Donnat à l'ACTA est « Chargée de mission Qualité, traçabilité et sécurité alimentaire des productions agricoles ». Bon, d'accord, ce titre définit son domaine de travail : la qualité et la sécurité sanitaire de l'alimentation sont des thèmes porteurs auxquels Phytoma s'intéresse, voir le dossier pp. 17 à 36. Mais quelles sont ses fonctions ? De quelle(s) mission(s) au juste est-elle chargée ?

Chargée de casting en quelque sorte

« Je coordonne des programmes de recherche interorganismes et interdisciplinaires répondant à des appels à projets », explique-t-elle. De fait, elle était l'organisatrice de chaque rencontre du RMT Quasaprove(1) dont Phytoma s'est fait l'écho(2). Elle les présentait et les animait au côté de Francis Fleurat-Lessard, co-animateur du réseau. Mais, au contraire de ce chercheur de l'INRA, spécialiste reconnu du sujet(3), elle n'expose aucune communication scientifique ni technique. Son rôle dans ces rencontres, volet public de son activité, n'en est qu'une toute petite partie : la touche finale. Alors, en quoi consiste son travail ?

« Repérer et sélectionner des appels à projets concernant mes thèmes de missions. Jusqu'à maintenant, je n'ai travaillé que sur des projets CASDAR(4), du ministère de l'agriculture, mais je commence à m'intéresser à des projets européens. » Et une fois un sujet repéré ? « Je cherche des organismes, instituts, laboratoires, etc., qui ont des compétences pour répondre à l'appel à projets. Je les sollicite pour leur proposer d'être partenaires du projet. » Un casting en quelque sorte... Et ensuite ?

Chercheuse de crédit

« Je choisis avec chacun d'eux sur quel volet précis, inclus dans le projet, il peut et veut travailler. Cela me permet d'élaborer le programme de travail. Et bien sûr de monter le dossier de candidature. »

Mieux qu'un casting, l'écriture des partitions coordonnées d'un concert harmonieux.

Quelle est l'étape suivante ?

« Le valider auprès des partenaires et, après concertation et accord de tous, déposer le projet auprès du financeur. »

En pratique, jusqu'ici, c'est le ministère chargé de l'Agriculture (actuellement ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt). Un travail de pêcheuse de crédits bien utile car souvent chacun des partenaires n'a pas le loisir de le mener.

Chef d'orchestre voire de chantier

Mais le rôle d'E. Donnat ne s'arrête pas là.

Une fois le projet accepté avec ses financements, elle en est chef de projet, animatrice, coordinatrice et responsable technique, administrative et financière. Chef d'orchestre ?

Elle tempère : « Il y a parfois un co-responsable scientifique( 5) (ndlr : l'ACTA est pour sa part « tête de réseau » des instituts techniques agricoles) et j'ai une assistante pour le volet administratif et financier. »

Certes, mais c'est quand même elle qui veille à l'avancement harmonieux du programme. Un vrai chef de chantier ! Quand un projet commun associe des organismes et métiers différents, il faut quelqu'un pour coordonner, faire passer l'information entre partenaires (chacun a tendance à rester dans son coin) et... pousser certains à accélérer le travail. E. Donnat ne citera pas de noms. Mais, oui, il lui est arrivé de relancer des partenaires de tel ou tel programme et leur rappeler qu'ils doivent rapidement travailler leur sujet avant les échéances... Faute de quoi ils seront écartés du projet et perdront le financement qui va avec.

« Je ne décide jamais seule. Chaque projet a un comité stratégique qui se réunit au moins une fois par an, et des comités de pilotage opérationnels deux à trois fois par an, éventuellement en conférence téléphonique. »

Au fait, qui les organise, matériellement, ces comités ?

E. Donnat, évidemment.

Valorisation

Et bien sûr il y a la valorisation : compte-rendu annuel technique et financier auprès du financeur avec les résultats, partiels en cours de route et complets en fin, documents de communication plus large.

« Chaque partenaire rédige les informations sur son travail. Le mien est de les coordonner, veiller aux échéances et d'éditer ces rapports », en version papier et web. Il y a aussi l'organisation des réunions de transfert auprès des professionnels comme celle du 6 juin (voir articles p. 27 et 33). Voilà ce qu'est le travail de « chargé de mission ».

Quasaprove pas seul

Et les sujets, au fait ? Le gros chantier depuis janvier 2009, c'est le RMT Quasaprove, déjà présenté dans Phytoma.

Si ce réseau, après les trois ans de travail prévus, a été reconduit jusque fin 2013, c'est parce qu'il a été productif (les quatre rencontres de transfert aux professionnels l'ont montré) et peut l'être encore.

« Nous avons intégré de nouveaux partenaires, se réjouit E. Donnat. Le réseau a labellisé des projets satellites comme celui sur la multicontamination des productions végétales en plein champ (ETM(6) et mycotoxines) basé sur le suivi très fin d'un réseau de parcelles, ou encore le projet Ecoprotect Grain. » (N.B. l'enquête citée p. 27 en est un volet).

Mais E. Donnat, qui avait coordonné avant Quasaprove un programme sur la démarche HACCP(7) en production primaire, travaille aussi sur un projet d'évaluation de la performance énergique des exploitations. Et cherche de nouveaux projets pour demain.

<p>(1) Réseau mixte technologique Qualité sanitaire des productions végétales de grandes cultures.</p> <p>(2) Voir les articles p. 27 et p. 33 de ce numéro, ainsi que celui d'avril 2010 (par C. Regnault-Roger) évoqué p. 27 et celui de septembre 2011 (n° 646, p. 33).</p> <p>(3) Voir l'article p. 27.</p> <p>(4) Compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural. Géré par la DGER (Direction générale de l'enseignement et de la recherche) du ministère chargé de l'agriculture (MAAF).</p> <p>(5) Pour le RMT Quasaprove, c'est F. Fleurat-Lessard.</p> <p>(6) éléments traces métalliques.</p> <p>(7) Hazard Analysis Critical Control Point.</p>

BIO EXPRESS

 ph. Yann cainjo

ph. Yann cainjo

ÉMILIE DONNAT

2003. Après un DESS de technologies appliquées aux organismes végétaux à l'UPMC(1) Jussieu, entre au CTIFL(2) comme Ingénieur qualité commerciale fruits et légumes sur l'antenne de Rungis.

2006. Ingénieur d'expérimentation à l'AREFE(3).

2006-2007. Prépare une spécialisation Responsable qualité sécurité environnement en industries agroalimentaires à SupAgro Montpellier.

Depuis septembre 2007. Est chargée de mission Qualité, Traçabilité et Sécurité sanitaire des productions agricoles à l'ACTA(4).

(1) Université Pierre et Marie Curie.

(2) Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes.

(3) Association régionale d'expérimentation fruitière de l'Est.

(4) Le réseau des instituts des filières animales et végétales.

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