dossier - Bonnes pratiques phytos en zones non agricoles

Certiphyto en pratique, expériences croisées

ÉMILIE BASUYAU*. - Phytoma - n°657 - octobre 2012 - page 35

En marge d'une table ronde sur le certiphyto, cinq praticiens de ce certificat nous font part de leurs expériences. Ni langue de bois ni volée de bois vert.
Emmanuel Audoin, Véritas Photos : M.-F. Delannoy

Emmanuel Audoin, Véritas Photos : M.-F. Delannoy

Philippe Beuste, AAPP

Philippe Beuste, AAPP

Damien Nouguès, ville de Royan

Damien Nouguès, ville de Royan

Lionel Orcel, Nufarm

Lionel Orcel, Nufarm

Philippe Printz, AFPP

Philippe Printz, AFPP

La table ronde où se sont exprimés nos cinq témoins. De gauche à droite, Marianne Decoin (Phytoma), Christophe Juif (UPJ), Delphine Di Bari (DGAL), Isabelle Plaire (DGER), E. A udoin et P. Printz. Puis Dominique Malézieux (Soufflet Vigne), P. Beuste, L. O rcel et D. Nouguès. Photos : M.-F. Delannoy

La table ronde où se sont exprimés nos cinq témoins. De gauche à droite, Marianne Decoin (Phytoma), Christophe Juif (UPJ), Delphine Di Bari (DGAL), Isabelle Plaire (DGER), E. A udoin et P. Printz. Puis Dominique Malézieux (Soufflet Vigne), P. Beuste, L. O rcel et D. Nouguès. Photos : M.-F. Delannoy

2012, c'est « l'an 01 » pour l'application de la réforme de l'agrément des professionnels de la distribution de produits phytos et de leur application en prestation de services. C'est aussi la mise en place du dispositif définitif pour le « certiphyto » c'est-à-dire le certificat individuel de tous les professionnels du « phyto » en espaces verts publics et privés, que ces professionnels soient prestataires ou non. Voici des échos de terrain.

Mise en route

Après une période d'expérimentation débutée fin 2009 et qui a pris fin en juillet 2011, la réglementation définitive sur la certification des personnes et l'agrément, mais aussi, c'est nouveau, la certification des entreprises, a été fixée par un décret paru en octobre 2011, suivi de divers textes d'application. Le tout a été détaillé pp.31 à 34.

Mais sur le terrain, comment se sont passés l'anticipation du dispositif, la transmission des informations pour les professionnels, les contacts avec les organismes de formation, la mise en oeuvre des formations, etc. ?

Le 19 septembre, l'Union des entreprises pour la Protection des Jardins et des espaces publics a organisé une table ronde à l'occasion du salon professionnel SalonVert.

Cinq acteurs expriment leur perception

Certificateur, certifiés avec et sans agrément, fournisseur et formateur

Cinq des professionnels participants à cette table ronde, tous représentatifs de leur activité, ont pu répondre à nos questions en marge de cette rencontre. Par ordre alphabétique, ce sont :

– Emmanuel Audoin, Chef de Projet pour le Bureau Veritas, Département Agro Industries,

– Philippe Beuste, applicateur et Président de l'AAPP, Association des applicateurs professionnels phytopharmaceutiques,

– Damien Nouguès, responsable du Service environnement de la ville de Royan,

– Lionel Orcel, Directeur commercial Division espaces verts de la société Nufarm SAS,

– Philippe Printz, Directeur de l'Association française de protection des plantes, organisme habilité à délivrer la formation Certiphyto (catégories « mise en vente, vente » et « utilisation en travaux et services » de produits phytos).

Comment ils se sont organisés

Presqu'un an après le « décret Certiphyto », comment avez-vous organisé votre structure professionnelle ? A-t-il fallu informer vos équipes ?

Emmanuel Audoin : En tant qu'organisme certificateur référencé sur le sujet, et déjà présent auprès de nombreuses entreprises, nous sommes très sollicités pour expliquer la réforme et les échéances.

Nous avons passé beaucoup de temps à faire de la pédagogie, déjà pour expliquer la différence entre certificat individuel et certification d'entreprise.

Philippe Beuste : Aujourd'hui, dans l'entreprise que je dirige, tous les salariés qui appliquent des produits phytos sont certifiés. Certains depuis la phase expérimentale, d'autres depuis l'entrée en vigueur du certificat individuel début 2012. Il en est de même pour les membres de l'AAPP, association que je préside. Toutes les entreprises et leurs salariés étaient informés depuis le début de la réforme grâce à notre implication interprofessionnelle.

Je rappelle que les entreprises d'application et de distribution de produits phytos devront être certifiées et agréées d'ici le 1er octobre 2013. Et que, pour cela, tous les salariés concernés devront être titulaires du certiphyto avant. De plus, nous avions à passer contrat avec un organisme certificateur avant le 1er octobre 2012 !

Damien Nouguès : Nous avons été informés par une société fabriquant des produits phytos, mais j'étais déjà bien renseigné sur les lois Grenelle I et II ainsi que sur le Plan Ecophyto qui en a découlé. Nous avons été formés et sensibilisés à l'usage des produits et avons eu de bonnes informations. Ainsi, même si en principe nous avons jusqu'en 2014 pour certifier nos agents, nous avons pu anticiper l'application de cette mesure pour notre collectivité.

En interne, nous avons formé nos agents par groupes de 20 (services des espaces verts et de la voirie).

Nous appliquons, à Royan, la gestion différenciée et il y a eu beaucoup de discussions avec ces agents, notamment concernant leurs pratiques, les produits, l'environnement et le développement durable.

Lionel Orcel : En interne, dans ma société fabricante, nous avons beaucoup discuté du périmètre des personnes à former dans le cadre du Certiphyto. Nous avons eu quelques difficultés à trouver des informations en dehors de l'interprofession.

Nous avons, bien sûr, informé nos équipes qui se sont engagées volontairement dans le processus. Les services Formation et Ressources humaines ont collaboré afin de transmettre le plus d'informations aux salariés. Aujourd'hui, une trentaine de salariés (les équipes commerciales) sont formés.

Philippe Printz : Nous sommes habilités depuis mai 2012 pour former la distribution (pro et grand public) et les applicateurs.

Il y a une centaine de formateurs AFPP sur le territoire français (déjà dans notre réseau), et nous avons accueilli 30 autres formateurs qui se sont spontanément adressés à nous. L'AFPP dispensait depuis 1998 une formation appelée FOR MAP qui avait permis de former plus de 10 000 applicateurs en zones non agricoles. De ce fait, nous étions prêts pour proposer la formation Certiphyto à ce type de personnes.

Précieuse et parfois rare information

Pensez-vous avoir bien été orientés lors de vos recherches en vue de démarches pour obtenir le Certiphyto ?

PB : Les entreprises membres d'une organisation professionnelle ont été informées depuis maintenant 3 ans. De plus, l'information est disponible sur les sites du ministère de l'Agriculture mais il faut venir la chercher. Certaines DRAAF ont diffusé de l'information, mais pas toutes. En clair, une entreprise ne faisant pas la démarche d'aller chercher l'information ne l'avait pas toujours. Par ailleurs les collectivités sont loin d'être toutes informées.

DN : Effectivement, dans ma collectivité territoriale, les premières informations nous ont été apportées par une société privée, et nous n'avons eu globalement que peu d'informations sur la réforme de l'agrément et du certificat individuel. Nous voulions anticiper cette mesure avant la publication des textes. Le travail en interne s'est fait conjointement avec les ressources humaines pour mettre en place la communication destinée aux agents de la ville, qui semblent plutôt bien percevoir cette formation.

LO : Il reste encore du flou chez nous les fabricants. Aux mêmes questions posées, les réponses diffèrent trop souvent. Des modifications du référentiel ont complexifié la compréhension globale. Quel certifiphyto choisir pour nos commerciaux ? Celui du conseil ? Ou de la distribution ? Au final, tous ont été formés pour ce dernier.

PP : La DRAAF nous envoie des informations, à nous formateurs, sur les modalités d'organisation des sessions.

Notre mission est donc de délivrer une formation accompagnée de guides et d'outils d'information complémentaire. Ainsi nous remettons à chacun de nos stagiaires un livret récapitulatif de la formation suivie.

Bilan globalement positif

Pensez-vous que la réforme de l'agrément, avec la certification d'entreprise et le nouveau certificat individuel qu'est ce Certiphyto, est une chose positive dans la profession ?

PB : Absolument !! Enfin une identification de tous les acteurs. Et je parle en tant qu'applicateur déjà agréé auparavant selon la loi de 1992. Néanmoins, la réforme aurait pu aller plus loin dans les formations et les points de contrôle de certification des entreprises. Il y a encore des zones d'ombre dans des points du référentiel.

DN Pour nous les collectivités locales, c'est différent. Nous n'étions pas et ne sommes pas concernés par l'agrément. En revanche, nous le sommes par le certiphyto, alors qu'avant il n'y avait aucune certification officielle des personnes. Je pense que cette mesure était nécessaire.

Pour les agents, c'est synonyme de formation et de valorisation, cela les professionnalise beaucoup – parfois ils n'ont eu que des formations courtes voire des bases scolaires du secondaire uniquement.

Cette formation est le prolongement de leur spécialisation, et nous avons valorisé le Certiphyto pour nos collègues. C'est indéniablement un plus. Et c'est bien que ce soit obligatoire.

Cette formation devrait aussi être reconnue dans la carrière des agents, afin d'être un atout pour leur évolution professionnelle. Leurs efforts doivent être récompensés.

LO : Cela était nécessaire pour la reconnaissance de notre métier.

PP : Oui, c'est en effet une bonne chose, car cela contribue à professionnaliser tous les utilisateurs, alors qu'avant seul un petit nombre était formé.

Parlons d'argent...

Le coût du Certiphyto, on en parle peu mais quel est-il réellement ? Pensez-vous qu'il soit « décourageant » pour les plus petites structures ?

EA : Le budget de certification de l'entreprise lui-même n'est pas le plus important. Il faut voir plutôt les coûts internes de mise en oeuvre du référentiel et les formations des personnes.

PB : Le coût !!! ?? Un QCM pour un candidat ne coûte guère plus d'un plein d'essence... C'est un peu plus cher pour les formations. Mais les entreprises qui pratiquent l'application de produits phytos, comme la mienne et celle des autres adhérents de l'AAPP, cotisent à des fonds susceptibles de prendre en charge tout ou partie des coûts de formation voire des salaires...

Ceux qui disent que c'est trop cher ne veulent pas entrer dans la réforme.

LO : Pour nous fabricants, le Certiphyto est inclus dans nos budgets de formation, et nous trouvons que ce budget est parfaitement employé dans ce cadre. Le coût n'est donc pas rédhibitoire.

C'est l'investissement « temps » qui fut le plus important. Pas tellement le temps de formation de nos salariés, qui est un investissement utile. Mais plutôt le temps des démarches pour comprendre comment s'insérer dans le processus et quel référentiel choisir.

Du DAPA au Certiphyto

Dans votre société, comment est perçu le certiphyto ? Comme le DAPA ? Quels sont les avantages et les inconvénients de passer du DAPA au Certiphyto ?

PB : Le Certiphyto est très bien passé chez nous, applicateurs. Il est vu comme une amélioration voire une reconnaissance du poste (opérateur ou décideur).

On ne peut pas le comparer au DAPA qui ne distinguait ni les niveaux ni les secteurs d'activités (agricole, ZNA pro, jardinerie...)

Tous les acteurs sont enfin identifiés au plan national. Les formations ont pour but aussi de donner de l'information sur les bonnes pratiques et les réglementations.

Cependant, ce n'est pas une formation, c'est une information ! De véritables journées de formation aboutissent en principe à l'obtention d'un diplôme ou au moins d'une validation... Pour l'exemple, une personne ne sachant pas lire peut obtenir son certificat « opérateur » à la fin du stage... Comment lira-t-il les instructions sur un chantier, dans une zone de distribution ?

DN : Pour nous, collectivités locales, le Certiphyto est un progrès par rapport au DAPA puisque nous n'étions pas concernés par ce DAPA ! C'est une excellente démarche pour notre cadre de vie.

LO : Le Certiphyto n'est que l'évolution du DAPA. La démarche fut proactive dans notre société, même si cette nouvelle obligation réglementaire est plus contraignante. Cela dit, elle est également plus complète.

PP : Pour certains, la formation est moins poussée qu'avec le certificat du DAPA.

En revanche, cela touche un public plus large : le Certiphyto individuel concerne aussi les personnels des collectivités, comme l'a expliqué Damien Nouguès, et également, c'est nouveau, les conseillers.

Juste un regret : que la formation continue au cours des 5 ans de validité du certificat ne soit pas prise en compte pour son renouvellement.

L'information, c'est maintenant

Avez-vous des informations transmises régulièrement par votre interprofession ou par l'administration ? Ou bien par des centres de formations ? Ou des organismes certificateurs ?

PB : L'interprofession fournit de l'info tout le temps, dire le contraire à mon poste relève du non-sens !

L'administration envoie peu d'informations vers la profession, mais elle les met à disposition si on les cherche.

Les centres de formation donnent de l'info par mailing pour inciter les entreprises à choisir leur organisme. Ils sont plus incisifs sur les collectivités car elles ne sont pas soumises à certification d'entreprise. En revanche, ces centres ne donnent que peu d'infos sur l'après Certiphyto.

DN : Au niveau de ma collectivité locale particulière, je ne peux malheureusement pas dire que nous ayons reçu beaucoup d'information de la part de l'administration ni des centres de formation. C'est dommage.

Anticiper, oui, c'était possible

En fait, avez-vous anticipé le Certiphyto (était-ce possible de l'anticiper) ? Quel retour sur expérience ?

EA : Pour beaucoup d'entreprises, c'est le premier contact avec un organisme certificateur, un premier audit à préparer. D'où la nécessité, pour nous organisme certificateur, d'expliquer et dédramatiser. Pour une entreprise bien préparée, qui offre de bonnes conditions d'accueil à l'auditeur, il n'y a pas de raison pour que cela se passe mal.

La priorité, c'est un contrat de certification signé fi n septembre 2012 ! Puis il faut préparer son audit à faire si possible avant l'été 2013 afin d'être certifié pour octobre 2013.

PB : L'anticipation était facile... dès lors que nous étions informés au tout début, dès la phase expérimentale.

Un point très positif, il est à noter que nous sommes dans l'obligation d'informer tous nos clients, et notamment les collectivités locales qui, elles, ne sont pas toutes directement informées jusqu'ici.

Je pense que le simple fait de porter de l'information réglementaire élève les débats « passionnés » autour des pesticides.

Négatif... ?? Juste les plaintes de ceux qui travaillaient sans DAPA, et qui disent qu'en France on fait tout pour dissuader les entreprises de travailler. Allons dire cela aux pharmaciens et aux infirmiers !

DN : Pour les collectivités, la précipitation n'était pas de mise dans l'organisation des formations suite à la publication du décret, d'autant que l'arrêté qui nous concerne est sorti après les autres.

Mais auparavant, la période d'expérimentation du Certiphyto en 2010-2011 nous a permis de nous renseigner et d'organiser les discussions en interne. Nous avons préféré attendre la publication des référentiels en février dernier avant de nous engager dans le processus.

LO : Si le Certiphyto est important pour notre profession, nous manquons malheureusement d'information. Et il arrive que les informations soient parfois totalement contradictoires. Nous aurions aimé être mieux accompagnés.

PP : Ceci dit, depuis cette année 2012, le montage des dossiers est désormais beaucoup plus simple que lors de la phase expérimentale. C'est un point très positif.

Un gage à donner par la profession, et qui la valorise

Ainsi, tous ces professionnels s'accordent sur la nécessité d'une mesure sur la professionnalisation des métiers au service des espaces verts. Elle rend leur entretien plus sûr, plus respectueux de la santé de l'applicateur et de l'environnement.

Globalement, le Certiphyto contribue favorablement à l'amélioration de notre cadre de vie et de nos pratiques.

RÉSUMÉ

CONTEXTE : En marge d'une table ronde organisée par l'UPJ, cinq de ses intervenants évoquent leur expérience de mise en application de la nouvelle réglementation en ZNA sur :

– l'agrément et la certification des entreprises d'application en prestation de service, distribution de produits phytos et/ou délivrance de conseils à leur sujet ;

– le certificat individuel (certiphyto) des utilisateurs et distributeurs de produits phytos et des conseillers.

APPORTS : Ces cinq professionnels s'accordent sur l'intérêt de cette réforme pour élargir le public des personnes à certifier (certiphyto) et des entreprises à agréer et certifier (certification d'entreprise). Cela professionnalise la filière.

Le représentant des organismes certificateurs (des entreprises de distribution, conseil et/ou application en prestation) évoque la nouvelle obligation de certifier l'entreprise et le contrat passé au 1/10/2012 avec un organisme certificateur.

Le représentant des entreprises d'application de produits phytos en prestation de service et celui de fabrication de ces produits les distribuant aux utilisateurs (tous deux soumis à l'agrément, la certification d'entreprise et les certiphytos du personnel) et celui des centres de formation (préparant le certiphyto) témoignent de leur première expérience d'application de la réglementation.

Celui des collectivités territoriales (soumises au certiphyto individuel mais pas à l'agrément ni la certification d'entreprise) rapporte son travail, pour l'instant anticipé (certiphyto pas encore obtenable).

MOTS-CLES : ZNA (zones non agricoles), bonnes pratiques phytos (= phytosanitaires), réglementation, agrément, certification d'entreprise, certification individuelle, certiphyto, produits phytos (= phytopharmaceutiques).

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *E. BASUYAU, Responsable de la communication et des relations publiques de l'UPJ, Union des entreprises pour la protection des jardins et des espaces publics.

CONTACT : emiliebasuyau@upj.fr

LIENS UTILES : www.aapp.asso.com

www.afpp.net

www.bureauveritas.fr

www.chlorofil.fr

(NDLR : site de la DGER, Direction générale de l'enseignement et de la recherche du MAAF, ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt... Et on y trouve tous les textes offi ciels sur le certiphyto !

www.upj.fr

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