dossier

Maladie du bois, gros plan sur les greffons et porte-greffes en entrée de pépinière

VIRGINIE VIGUÈS*, D'APRÈS LA COMMUNICATION DE V. VIGUÈS, O. YOBREGAT, B. MILLE, F. BERUD, V. AYME-SEVENIER, C. BAP TISTE ET P. LARIGNON AU CIMBV DE JUIN 2012** - Phytoma - n°658 - novembre 2012 - page 26

Sept ans d'enquête en Provence et Sud-Ouest suggèrent que, pour les variétés testées, le niveau d'atteinte des vignes-mères n'a pas d'influence sur la présence des champignons associés aux maladies du bois dans les sarments de l'année.
Une des vignes-mères de porte-greffes sur laquelle ont été prélevés, quelques mois après la prise de photo, les échantillons analysés dans ce travail.      En bas, les rameaux sur lesquels seront prélevés les futurs porte-greffes.

Une des vignes-mères de porte-greffes sur laquelle ont été prélevés, quelques mois après la prise de photo, les échantillons analysés dans ce travail. En bas, les rameaux sur lesquels seront prélevés les futurs porte-greffes.

Les vignes-mères de porte-greffes et de greffons peuvent, comme les vignes en production, exprimer des symptômes de maladies du bois et/ou être colonisées par les champignons liés à ces pathologies. Mais ces champignons passent-ils dans les greffons et porte-greffes issus de ces parcelles ? L'IFV a mené une enquête qui apporte un début de réponse à cette question.

Sept années de travaux

Des milliers d'échantillons analysés

On sait que les plants de vigne commercialisés peuvent héberger certains des champignons associés aux maladies du bois de la vigne. Mais qu'en est-il des greffons et porte-greffes à leur entrée en pépinière ? Et, s'il y a contamination, quels facteurs peuvent l'influencer ?

Pour le savoir, l'IFV a analysé de nombreux échantillons de greffons et de porte-greffes.

La recherche de champignons a été faite dans les tissus ligneux par la méthode microbiologique de Larignon et Dubos (1997). Tous les champignons associés aux maladies du bois et détectables en pépinière (cf. articles cités dans le « pour en savoir plus » p. 28) ont été recherchés et notamment :

– Phaeomoniella chlamydospora (Pch), champignon associé à l'esca ;

– Phaeoacremonium aleophilum (Pal), champignon associé lui aussi à l'esca ;

– Les Botryosphaeriacées notés Botryosphaeria sp. et regroupant Neofusicoccum parvum, Diplodia seriata et des Botryosphaeria dont l'espèce n'a pu être identifiée ; ces champignons sont associés au BDA ;

Phomopsis sp., dont l'espèce P. viticola est responsable de l'excoriose.

Les facteurs comparés ont été :

– les variétés des greffons (cépages) et de porte-greffes ;

– le niveau de prélèvement du greffon et du porte-greffe sur le rameau ;

– l'état sanitaire de la parcelle d'origine.

Cinq cépages, quatre porte-greffes

L'analyse de l'influence du cépage ou de la variété de porte-greffe, a porté sur 3 160 échantillons, soit 1 580 greffons et autant de porte-greffes. Ce matériel a été prélevé sur des vignes-mères du sud de la France (essentiellement Provence-Alpes-Côte-d'Azur et Midi-Pyrénées) entre 2005 et 2011.

Cinq cépages ont été étudiés : le Sauvignon blanc, le Duras et le Mourvèdre (réputés très sensibles aux maladies du bois), le Gamay et la Syrah (réputés moyennement sensibles). Quatre variétés de porte-greffes ont été analysées : 3 309 Couderc, 110 Richter, Gravesac et Fercal.

Trois niveaux comparés

Par ailleurs, l'équipe de l'IFV a analysé l'influence du niveau de prélèvement des greffons et des porte-greffes sur les rameaux : proche du vieux bois (ou de la tête de saule pour les porte-greffes), au milieu des rameaux et à leur extrémité.

Pour chaque zone, 3 répétitions (cépages différents) de 100 unités ont été analysées, soit 900 échantillons de greffons et 900 de porte-greffes.

Douze parcelles enquêtées

Enfin, l'influence du statut sanitaire de la parcelle a été évaluée à partir 6 parcelles de vignes-mères de greffons – 3 de Sauvignon blanc et autant de Mourvèdre – et 6 vignes-mères de porte-greffes, tous du 110 Richter.

Sur les vignes-mères de greffons, les pieds manquants, morts et exprimant des symptômes de maladies du bois (forme lente ou apoplexie) ont été dénombrés. Sur les vignes-mères de porte-greffes, qui n'expriment pas de symptômes de maladies du bois, seuls les manquants ont été recensés. Sur chaque parcelle, 80 greffons ou porte-greffes ont été prélevés aléatoirement puis analysés, soit 960 analyses.

Résultats

Peu de différences entre variétés

Dans toutes les analyses, le taux de contamination des tissus ligneux du matériel végétal est très faible.

Concernant l'effet variétal, les greffons sont très peu touchés quelle que soit la variété (Tableau 1), le Mourvèdre dépassant de peu les 1 % de greffons touchés (1,25 %, et seulement par Botryosphaeria sp.).

Côté porte-greffes, la variété 110 R semble être un peu plus contaminée que les autres par Botryosphaeria sp. (5,4 % des échantillons) et dans une moindre mesure par Phomopsis sp. (1,9 % des échantillons). Le Fercal est touché par Phomopsis sp. (2,7 %). Dans les autres cas, les contaminations ne dépassent pas 1 % des échantillons.

À noter que les champignons associés à l'esca ne se retrouvent que rarement et à de faibles taux (pour Pch, décelé uniquement sur 0,7 % des greffons de Gamay et sur 0,3 % des porte-greffes 3309C), voire pas du tout (Pal n'est jamais trouvé dans cet essai ni dans la totalité de l'étude (Tableau 1).

Niveau de prélèvement

Concernant la zone de prélèvement, il n'y a pas de différence significative (Tableau 2). Seuls les porte-greffes prélevés à la base des rameaux (près du vieux bois) dépassent 1 % de contamination, et seulement pour Phomopsis sp.

État sanitaire de la parcelle, pas d'effet observé

L'état sanitaire des vignes-mères de greffon était très contrasté (Tableau 3), mais cela n'a pas joué sur le taux de contamination de ces greffons.

Les greffons de Sauvignon blanc, même issus de la parcelle la plus atteinte, n'étaient pas contaminés.

Quant à ceux de Mourvèdre, ils l'étaient faiblement mais uniquement par Botryosphaeria sp., et... au même taux (1,3 % des échantillons) quel que soit le statut sanitaire de la parcelle !

L'état sanitaire des vignes-mères de porte-greffes, apprécié uniquement par le nombre de manquants, était lui aussi contrasté. Le taux de contamination des porte-greffes issus de ces six parcelles de 110R ne montre aucune corrélation avec le pourcentage de pieds manquants.

À noter que le genre de champignon le plus fréquemment trouvé est Botryosphaeria. Phomopsis sp est présent à de moindres taux. Pal et Pch sont résolument absents (Tableau 3).

Globalement

Pas d'impact des trois facteurs

Finalement, ces tests ne montrent aucun impact significatif de la variété (cépage ou porte-greffe), de la zone de prélèvement ni de l'état sanitaire apparent des vignes-mères sur le taux de contamination des greffons et des porte-greffes par les champignons associés aux maladies du bois.

Des taux globalement faibles

Par ailleurs, ces taux sont faibles, et ceux des champignons directement associés à l'esca le sont encore plus.

Ainsi, seuls 0,13 % des greffons et 0,06 des porte-greffes ont été contaminés par des champignons associés à l'esca – en fait seulement Phaeomoniella chlamydospora ; Phaeoacremonium aleophilum étant absent. En outre, 0,3 % des greffons et 2 % des porte-greffes ont été contaminés par les champignons associés au black dead arm.

Bien entendu, ces résultats sont une première étape et ne valent que pour les variétés testées. Cependant, ils semblent rassurants dans le sens où les prélèvements sur les vignes-mères ne semblent pas un facteur significatif de contamination des futurs plants par les champignons associés aux maladies du bois.

Une étude plus approfondie sera menée en 2013 par l'IFV avec notamment l'analyse du niveau de contamination de la surface (écorce) des greffons et porte-greffes et l'augmentation du nombre et de la diversité des parcelles étudiées.

Étude menée avec le support financier du Casdar, FranceAgriMer et les régions Midi- Pyrénées et Provence-Alpes-Côte-d'Azur.

Tableau 1: Peu de différences entre variétés

Pourcentage de champignons associés aux maladies du bois de la vigne sur les tissus ligneux des sarments et des racines, en fonction de la variété (= cépage pour les greffons).

Tableau 2 : Pas d'influence significative du niveau de prélèvement.

Effet du secteur d'échantillonnage sur le taux de contamination. 1 800 échantillons analysés

Tableau 3 : Pas d'effet de l'état sanitaire de la parcelle d'origine.

Comparaison entre l'état sanitaire des 12 parcelles enquêtées et la détection de champignons associés aux maladies du bois sur le matériel végétal qui en est issu. so : sans objet

RÉSUMÉ

CONTEXTE : Les plants de vigne pouvant être porteurs de champignons associés aux maladies du bois, savoir d'où vient cette contamination permet de connaître les niveaux où on peut la combattre. Sachant que les vignes-mères de greffons et porte-greffes peuvent être contaminées, on ignorait si cette contamination pouvait passer dans le matériel végétal et entrer en pépinière avec lui. L'IFV a donc mené une enquête à ce sujet.

ÉTUDE : Des échantillons ont été prélevés dans des vignes-mères de porte-greffes et de greffons et leur taux de contamination en champignons associés aux maladies du bois analysés pour étudier l'influence de trois facteurs :

– la variété (5 cépages pour les greffons et 4 variétés pour les porte-greffes, 3 160 échantillons analysés) ;

– le niveau de prélèvement (3 niveaux différents, tant pour les greffons que les porte-greffes, 1 800 échantillons analysés),

– l'état sanitaire de la vigne-mère (960 échantillons prélevés sur 12 parcelles).

RÉSULTATS : Les résultats chiffrés ne montrent pas d'influence significative de la variété ni du niveau de prélèvement. Quant à l'état sanitaire des vigne-mères, et alors même que celui des parcelles échantillonnées est contrasté, il n'a aucune influence.

Par ailleurs, le taux de contamination est globalement très faible, surtout concernant les champignons associés à l'esca.

MOTS-CLÉS : vigne, pépinières, vigne-mère, greffon, porte-greffe, maladies du bois.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *V. VIGUÈS, Institut français de la vigne et du vin (IFV), Pôle Sud-Ouest.

COMMUNICATION SOURCE** : V. Viguès, O. Yobregat, B. Mille (IFV), F. Berdu (CA Vaucluse), V. Aymé- Sevenier (SPBPVV ), C. Baptiste & P. Larignon (IFV), 2012 - Wood decay diseases in grapevine nursery : focus on scion and rootstock cuttings. Congrès international sur les maladies du bois de la vigne (CIMBV ), Valence (Espagne), 18-21 juin 2012.

CONTACT : virginie.vigues@vignevin.com

LIENS UTILES : http://www.icgtd.org/workshops_page/8IWGTD_abstracts.pdf www.vignevin-sudouest.com

PARUS DAN S PHYTOMA : – P. Larignon & al., 2006 - Maladies du bois de la vigne, et les pépinières ? Phytoma n° 592, avril 2006, p. 14 à 17.

– V . Viguès & al., 2007 - Les maladies du bois peuvent commencer en pépinières. Phytoma n° 609, novembre 2007, p. 20 à 23.

– V . Viguès & al., 2008 - Maladies du bois de la vigne, des étapes à risque identifiées en pépinières. Phytoma n° 621, décembre 2008, p. 30 à 32.

– Larignon & al., 2009 - Maladies du bois de la vigne, côté pépinières : identification sur le matériel végétal des sources d'inoculum. Phytoma n° 622-623, juin 2009, p. 46 à 48.

– Viguès & al., 2010 - Maladies du bois de la vigne en pépinière, tests de méthodes de désinfection. Phytoma n° 638, novembre 2010, p. 27 à 29.

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