Les vergers de pommiers et autres fruits à pépins ont vu arriver trois substances inédites (souches précises du virus de la granulose, de Candida oleophila et de Aureobasidium pullulans) et un diffuseur de phéromones à composition originale. ph. Sumi Agro
Les agrumes ont vu arriver trois insecticides : un conventionnel à base de chlorpyriphosméthyl, et deux UAB (utilisables en agriculture biologique), à base l'un de kaolin et l'autre... d'huile essentielle d'orange douce.
Depuis un an, la protection des cultures fruitières a vu arriver trois produits à base de substances actives inédites en France et un quatrième associant de façon inédite des substances connues. Ces nouveautés de type « biocontrôle » sont « inscrites NODU vert »(1) et utilisables en agriculture biologique (UAB) comme en PFI, production fruitière intégrée.
Par ailleurs, parmi les huit autres nouveautés, soit deux produits déjà autorisés dans d'autres filières agricoles (vigne, légumes) et six produits déjà connus en vergers avec de nouvelles autorisations, les « vertes » sont majoritaires. Comptage.
Trois substances inédites
Virus de la granulose, nouvelle souche contre les « carpos »
Commençons par les trois substances actives inédites. Elles arrivent en arboriculture fruitière avant ou en même temps que dans d'autres filières agricoles. Toutes sont contenues dans des produits utilisables en agriculture biologique (UAB) et inscrits sur la liste « Nodu vert biocontrôle »(1), et toutes sont des microorganismes vivants. Mais avec des cibles bien différentes.
La première des trois est un bio-insecticide. C'est un virus, précisément celui de la granulose du carpocapse…
Mais… mais il y avait déjà un tel virus sur le marché ? Certes. Mais ce n'était pas le même ! Celui contenu dans la toute neuve Carpovirusine EVO2 est la souche CpGV-R5, différente de la souche CpGV-M formulée dans la Carpovirusine 2 000 utilisée en vergers depuis plus de dix ans.
L'intérêt ? Il tient en trois mots : « gestion des résistances ».
En effet, dans des vergers biologiques ayant beaucoup utilisé la Carpovirusine 2 000 (et/ ou son « petit frère », le Madex, à base de la même souche virale), des populations de carpocapse étaient devenues résistantes au virus.
NPP, filiale du groupe Arysta LifeScience et fabricante des Carpovirusines, explique avoir cherché « en collaboration avec l'INRA, le GRAB (Groupement de recherche en agriculture biologique) et l'Ecole des Mines d'Alès (…) un isolat plus efficace grâce à un soutien financier de l'ANR (Agence nationale de la recherche). » Et avoir trouvé l'« isolat viral CpGV-R5, qui possède un mode d'action légèrement différent de l'isolat d'origine CpGV-M et contourne la résistance ». De plus, il est « aussi efficace que l'isolat d'origine sur populations sensibles ».
Le produit est autorisé contre le carpocapse des pommes et des poires en vergers de pommiers et poiriers (plus cognassier et nashi, qui bénéficient en général des mêmes autorisations que le poirier), mais aussi contre son cousin le carpocapse des noix sur noyer (Tableau 1).
Candida oleophila, sus à Penicillium et Botrytis
La deuxième substance est un bio-fongicide. Là aussi elle est à base d'un microorganisme, mais il s'agit d'une levure. Une souche précise, naturelle mais dûment sélectionnée, de Candida oleophila. Cette souche O est contenue dans Nexy, de la société belge Bionext (Tableau 2).
Ce produit est autorisé sur pommes et poires (plus coings et nashis) pour des applications après la cueille, contre les maladies de conservation. Précisément et uniquement, précise son autorisation de mise sur le marché, les pourritures à Penicillium expansum et Botrytis cinerea.
La souche O de C. oleophila exerce un antagonisme vis-à-vis de P. expansum et B. cinerea, essentiellement par compétition pour l'espace qu'est la surface du fruit. Comme elle n'attaque pas ce fruit et ne se nourrit pas à ses dépens, elle le protégera donc contre les attaques des deux moisissures. Le produit n'est pas encore distribué en France à l'heure où sont écrites ces lignes. À suivre.
Aureobasidium pullulans, pour la fleur contre le feu (bactérien)
La troisième nouvelle substance est elle aussi un microorganisme, et encore une levure. Mais – c'est rare en santé végétale – elle est surtout bactéricide.
Il s'agit en fait d'un mélange à parts égales de deux souches d'Aureobasidium pullulans, poétiquement nommées DSM 14940 et DSM 14941. Il est autorisé dans Blossom Protect (Tableau 2). Ce produit de la société allemande Bio Ferm est vendu en France par De Sangosse.
Il est destiné à la protection des vergers de pommier et poirier (plus cognassier et nashi) contre le feu bactérien. Il s'applique au verger, entre les stades BBCH 61 et 69, autrement dit entre le début de la floraison (10 % de fleurs ouvertes) et sa fin (début de formation du fruit visible). D'ailleurs le nom commercial de ce produit signifie en anglais « protecteur de la fleur ».
Originale combinaison
Bouquet composé
La quatrième nouveauté de l'année, elle aussi UAB et listée Nodu vert, concerne encore les pommiers et poiriers (+ cognassiers et nashis). Son originalité ne vient pas de chacune de ses substances actives : toutes sont déjà utilisées en vergers. Elle consiste à les associer pour la première fois dans le même produit. Nommé Ginko Duo, il est distribué par Sumi Agro.
Ce diffuseur de phéromones de confusion sexuelle, autorisé fin 2011 et lancé en 2012, a été cité dans Phytoma en mars dernier(2) et présenté en détail en décembre(3). Il associe les phéromones visant le carpocapse à celles visant la tordeuse orientale du pêcher (TOP). Un bouquet phéromonal composé de six substances en tout. Pour les curieux, voir leur liste en note(4).
L'avantage ? Celui de régler le problème d'un ravageur émergent sans négliger le principal, le tout sans poser de diffuseurs supplémentaires.
Détourner du pommier la tordeuse orientale du pêcher
En effet, les mâles de TOP ne sont pas attirés par les phéromones femelles de carpocapse. La confusion sexuelle « anti-carpo » est donc inopérante. Alors que, pour leur part, les insecticides anti-lépidoptères (et a fortiori ceux à large spectre), qu'ils soient chimiques ou biologiques, frappent la TOP en même temps que leur cible carpocapse, même si la première a tendance à émerger un peu avant le second.
Résultat : ces dernières années, avec le développement de la confusion sexuelle en vergers de pommiers et poiriers, la tordeuse orientale a montré une fâcheuse tendance à en devenir un ravageur émergent. Elle a même eu, à ce titre, l'honneur d'un article dans Phytoma en 2010(5) !
Une première solution peut être d'associer deux jeux de diffuseurs. Du reste, la plupart des diffuseurs anti-TOP ont obtenu des extensions d'usage en vergers de fruits à pépins. Mais, dans un verger hanté par les deux ravageurs, il faut alors accrocher aux arbres deux jeux de 500 diffuseurs/ha : un contre « le carpo » et l'autre contre « la top ». Donc y passer deux fois plus de temps. Or l'on sait que le temps passé pour l'accrochage représente une part importante du coût de la confusion sexuelle…
La deuxième solution, c'est ce double diffuseur qui n'exige qu'une session d'accrochage.
Deux arrivées en vergers
Huile essentielle d'orange douce, l'insecti-fongicide
Un autre volet de l'innovation en vergers est l'arrivée de produits déjà connus sur d'autres cultures. C'est le cas en particulier de l'huile essentielle d'oranges douces.
Le produit qui en contient, nommé Prev'Am, était déjà autorisé en maraîchage sous serres (tomate et concombre) comme insecticide contre les aleurodes et avait comme tel été présenté dans Phytoma(6). Vendu par la société Vivagro, il a obtenu en 2012 une foultitude d'usages en maraîchage mais aussi en arboriculture fruitière, comme insecticide (Tableau 1) sur agrumes, kiwi et banane et comme fongicide (Tableau 2) sur pêcher et petits fruits rouges (cassissier, groseillier, framboisier et autres rubus).
La raison de cette polyvalence ? Elle vient du mode d'action du produit.
Mode d'action physique
En effet, cette huile obtenue par pression à froid des écorces d'orange n'a pas de toxicité particulière par ingestion – d'ailleurs elle est utilisée en alimentation humaine. En revanche, elle a une action physique desséchante sur les tissus vivants, qu'il s'agisse de cuticules d'insectes ou de parois des champignons( 7).
À condition que ces cuticules et parois soient assez fines. C'est pourquoi elle est active et autorisée contre de petits insectes « mous » type aleurodes ou cicadelles (voir tableau 1), et contre les champignons qui vivent en surface des feuilles ou des fruits notamment les oïdiums (voir tableau 2).
Chlorpyriphos-méthyl, contre les cochenilles
Il y a quand même un insecticide conventionnel qui arrive en verger. Il se nomme Reldan 2, est vendu par Dow AgroSciences et est à base de chlorpyriphos-méthyl, substance déjà utilisée sur vigne.
C'est un organophosphoré, famille d'insecticides dont une bonne part des représentants est classée toxique voire très toxique et dont la majorité a, du reste, été interdite. Mais celui-ci a passé l'examen européen et son classement toxicologique est relativement bénin (Xi, irritant).
Il est autorisé contre les cochenilles, ravageurs en recrudescence et particulièrement coriaces, d'une part sur quatre catégories de cochenilles sur pêcher (détails tableau 1) et d'autre part sur cochenilles des agrumes sur mandarinier et clémentinier.
D'un verger à l'autre
Trois insecticides dont deux « verts »
La troisième catégorie de nouveautés est représentée par six produits déjà connus en arboriculture fruitière mais qui arrivent sur des usages nouveaux : espèces fruitières et/ou bio-agresseurs cibles inédits. Il y a trois insecticides, dont un seul, Calypso, de Bayer, est un produit conventionnel. À base de thiaclopride, un néonicotinoïde récent (première autorisation en 2006), c'est un insecticide très polyvalent. La liste complète de ses usages est fastidieuse à lire… En 2012, il s'est vu autorisé contre de nouveaux ravageurs sur des cultures pour lesquelles il était déjà utilisé (amandier, pêcher, abricotier, prunier), mais aussi sur de nouvelles espèces fruitières : cerisier, cassissier, framboisier et autres Rubus. Détails tableau 1.
Les deux autres insecticides sont, pour leur part, des produits de biocontrôle classés UAB et inscrits Nodu vert.
La Carpovirusine 2000 d'Arysta est l'insecticide anti-lépidoptère à base de la « souche d'origine » du virus de la granulose du carpocapse estampillée CpGV-M, déjà évoquée plus haut. Elle est désormais autorisée contre la tordeuse orientale du pêcher, tant sur pêcher que sur pommier.
Le second insecticide naturel est le Sokalciarbo proposé par Agri Synergie. Il est à base de kaolin, une substance minérale, donc. Déjà autorisé auparavant sur pommier, poirier, pêcher, abricotier, prunier, cerisier, amandier, noyer et noisetier, il a bénéficié d'extensions d'emploi sur noyer contre mouches – dont celle dite du brou, c'est important pour les producteurs – ainsi que sur olivier et agrumes (tableau 1).
Trois fongicides, au moins autant
Quant aux trois fongicides ayant bénéficié d'extensions d'emploi (Tableau 2), il y en a bien un qui est issu de la synthèse chimique, mais ce n'est pas un pesticide à proprement parler ! Il s'agit d'un SDN, stimulateur de défenses naturelles.
C'est l'acibenzolar-méthyl de Bion 50 WG de Syngenta, désormais autorisé sur bananier avec même une dérogation pour le traitement aérien.
Le deuxième produit est aussi un SDN – mais d'origine naturelle, classé UAB et listé Nodu Vert. C'est le Vacciplant Fruits et Légumes (dit aussi Iodus 2 Cultures spécialisées) de Goëmar, à base de laminarine, extrait d'algues marines. Déjà utilisé sur pommier et poirier (+ cognassier/nashi) contre le feu bactérien, il s'est vu autorisé aussi contre la tavelure sur pommier.
Le dernier produit, nommé Armicarb et proposé par De Sangosse, est à base de bicarbonate de potassium. Il a eu une extension d'emploi contre l'oïdium des petits fruits rouges. Lui aussi est UAB et Nodu vert. Large et incontestable majorité verte !
<p>(1) Cette liste, présentée dans <i>Phytoma</i> en octobre dernier (Le Nodu vert est arrivé, n° 657, p. 4 & 5), rassemble des produits UAB ayant un profil toxicologique et écotoxicologique favorable. La deuxième version, et dernière en date, est arrêtée au 1er octobre 2012.</p> <p>(2) Dans « Confusion sur pommier, vers l'envol en verger », <i>Phytoma</i> n° 652, mars 2012, p. 22 à 24.</p> <p>(3) A. Cazenave et J.L. Kleinhans, 2012. Mieux connaître <i>Ginko Duo</i>, diffuseur de phéromones pour la confusion sexuelle (...), <i>Phytoma</i> n° 659, décembre 2012, p. 42 & 43.</p> <p>(4) E, e-8, 10 dodécadiène-1-ol (= coldémone), 1-dodécanol, 1-tetradécanol, acétate de e 8 dodecenyle, acétate de z 8 dodecenyle et Z 8 dodécénol. Respirez.</p> <p>(5) M. Siegwart & al., 2010. Recrudescence de la tordeuse orientale. <i>Phytoma</i> n° 633, avril 2010, p. 28 à 32.</p> <p>(6) Lemarchand F., 2011 - Mieux connaître Prev'Am, insecticide naturel anti-aleurodes. <i>Phytoma</i> n° 640, janvier 2011, p. 42-43.</p> <p>(7) Toute personne qui s'est éclaboussé les yeux en pelant une orange comprendra pourquoi.</p>