Ayant grandi à Paris, sans attaches agricoles, rien ne prédestinait Pierre Diagouraga à se retrouver un jour en Champagne crayeuse, à discuter pomme de terre avec des agriculteurs ! Le premier pas est pourtant franchi pendant ses études. Après sa maîtrise à l'Université Pierre-et-Marie-Curie, il entre à l'Enita de Clermont-Ferrand pour préparer un diplôme d'ingénieur option agronomie et production végétale.
Envie d'aller sur le terrain
De 2001 à 2004, notre ingénieur se forge une solide compétence en expérimentation. Son premier contact avec la pomme de terre et les agriculteurs date de cette époque. En 2005, il entre chez Biotek Agriculture, prestataire en expérimentation basé dans l'Aube, pour les essais d'homologation des produits phytosanitaires. En tant que chef de projet BPE, il définit les protocoles avec les clients, assure le lien entre eux et le technicien expérimentateur et rédige les synthèses d'essais. Une mission très intéressante, mais qui le cantonne trop souvent au bureau. Pierre Diagouraga a des fourmis dans les jambes : il veut aller beaucoup plus sur le terrain et surtout travailler au contact des agriculteurs.
But final : conseiller les adhérents
En 2010, cette occasion lui sera donnée en intégrant l'ATPPDA(1), en tant qu'ingénieur conseil.
« Le but final de l'ATPPDA est de conseiller les adhérents, de la fumure de fond apportée l'année précédant l'implantation de la pomme de terre jusqu'au stockage », explique Pierre Diagouraga. Les conseils sont prodigués au cours des huit tours de plaine annuels ou bien individuellement quand un adhérent rencontre un problème particulier.
« J'essaye de rencontrer chacun au moins une fois par an. »
Quand on sait que l'association compte aujourd'hui une centaine d'agriculteurs, 3 600 ha de pomme de terre de consommation et 300 ha de fécule (60 % des surfaces de l'Aube), notre ingénieur conseil ne chôme pas !
Tester et synthétiser
Et pourtant ce n'est que la partie visible de l'iceberg car, pour conseiller, il faut acquérir des références. Et pour cela, Pierre Diagouraga met en place chaque année avec l'aide de Damien Lucquin, son technicien, une vingtaine d'essais en micro-parcelles : fertilisation, protection des cultures, préparation du sol, des plants…
« En moyenne, 50 % des essais est consacré à la protection phytosanitaire », précise-t-il. En 2012, le traitement des plants accapare six essais.
« L'Oscar poudre ne pourra plus être utilisé à partir de 2014. Depuis quatre, cinq ans, les essais pour approfondir les solutions de remplacement prennent une place prépondérante. » S'y ajoutaient un essai pour évaluer la sélectivité d'une nouvelle formulation d'un herbicide, un autre pour définir la date optimale d'application de l'anti-germinatif Fazor et un troisième en défanage.
« Je voulais vérifier s'il existait une différence de rapidité de formation de la peau selon le défanant utilisé car j'entendais beaucoup de choses à ce sujet dans la plaine. » Conclusion ? Nous ne la connaîtrons pas, les résultats étant réservés aux adhérents. Ceux-ci cotisent en effet chaque année pour le fonctionnement de la structure. Une fois la récolte terminée, vient le temps du traitement des résultats et de la réalisation des synthèses. Fin novembre, début décembre, elles sont présentées et remises sous forme de document aux adhérents lors de réunions techniques. De celles-ci émergent également des sujets pour l'année suivante.
« La pomme de terre est une culture passionnante avec énormément de choses à tester. Des arbitrages entre les thèmes sont souvent nécessaires. » Le programme est ensuite validé par le conseil d'administration.
Surveiller maladies et ravageurs
Pour conseiller les agriculteurs, Pierre Diagouraga recourt également aux informations d'Arvalis, des firmes phytosanitaires ainsi qu'à celles des réunions techniques régionales et nationales.
L'ATPPDA participe également au bulletin de santé végétale avec cinq parcelles suivies (sur vingt-cinq). « La dartrose est la maladie la plus dommageable en pomme de terre de consommation en Champagne- Ardenne. Le mildiou, qui a beaucoup fait parler de lui en 2012, est de mieux en mieux géré grâce à la progression de l'efficacité des produits et de la technicité des agriculteurs. Ponctuellement, nous observons également du rhizoctone et des gales. Côté ravageur, le puceron est bien maîtrisé et le doryphore est peu présent dans la région. »
Le taupin l'inquiète
Mais ce qui l'inquiète le plus, c'est la montée en puissance du taupin. « Nous avons observé un plus grand nombre d'adultes cette année. Il faut être vigilant car ce ravageur est préjudiciable pendant tout le cycle de la pomme de terre. Les produits présents sur le marché sont peu efficaces. Il va certainement faire partie des sujets à étudier dans les années à venir. »
Après deux campagnes au sein de l'ATPPDA, comment notre ingénieur conseil voit-il l'avenir ? « Je travaille sur le terrain. Je suis en contact avec les agriculteurs, les firmes, les chambres d'agriculture, institut et distributeurs. Je suis vraiment à la croisée des chemins et c'était ce à quoi j'aspirais. »
Bien dans ses baskets (ou plutôt dans ses bottes), Pierre Diagouraga pourrait bien rester à l'ATPPDA au moins aussi longtemps que son prédécesseur (dix ans).