Alerte

Les cochenilles à sécrétions cireuses sur manguiers à la Réunion

CAMILLE DELPOUX*, JEAN-FRANÇOIS GERMAIN**, GÉRARD DELVARE***, ANTOINE FRANCK****, FRÉDÉRIC NORMAND* ET SERGE QUILICI**** - Phytoma - n°665 - juin 2013 - page 45

Icerya seychellarum, ravageur en recrudescence
Floraison des manguiers ph. F. Normand, CIRAD

Floraison des manguiers ph. F. Normand, CIRAD

Trois cochenilles identifiées.      4 - Celle des Seychelles, Icerya seychellarum : femelle adulte avec ovisac et larves de stades divers. ph.A. Franck, CIRAD

Trois cochenilles identifiées. 4 - Celle des Seychelles, Icerya seychellarum : femelle adulte avec ovisac et larves de stades divers. ph.A. Franck, CIRAD

Trois cochenilles identifiées.      5 - Celle du coton Phenacoccus solenopsis : femelles adultes et larves. ph. A. Franck, CIRAD

Trois cochenilles identifiées. 5 - Celle du coton Phenacoccus solenopsis : femelles adultes et larves. ph. A. Franck, CIRAD

Trois cochenilles identifiées.      6 - Celle de l'hibiscus Maconellicoccus hirsutus : femelles adultes avec ovisac, œufs et larves. ph. J. Etienne

Trois cochenilles identifiées. 6 - Celle de l'hibiscus Maconellicoccus hirsutus : femelles adultes avec ovisac, œufs et larves. ph. J. Etienne

Prédateur contré      Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10). Photos : A. Franck, CIRAD

Prédateur contré Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10). Photos : A. Franck, CIRAD

Prédateur contré      Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10).

Prédateur contré Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10).

Prédateur contré      Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10).

Prédateur contré Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10).

Prédateur contré      Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10).

Prédateur contré Coccinelles R. chermesina prédatant I. seychellarum : adulte sur adulte (ph. 7) et larve sur larve (ph. 8). Adultes d'H. eytelweinii, sur une nymphe de R. chermesina (ph. 9) et émergeant d'une pré-nymphe (ph. 10).

Au sein du complexe parasitaire associé aux manguiers à la Réunion, les cochenilles à sécrétions cireuses constituent un problème émergent. Alors qu'elles étaient considérées depuis des années comme des ravageurs mineurs, on assiste depuis 2011 à une forte augmentation de leurs populations dans toute la zone de production.

Mais quelles sont les espèces qui posent problème, et dans quelle mesure ? Et, surtout, pourquoi ? C'est pour répondre à ces questions que le CIRAD s'est penché sur cette thématique depuis fin 2011.

Les cochenilles à sécrétions cireuses en vergers de manguiers

Enquête écologique sur 23 parcelles

Plusieurs espèces de cochenilles à sécrétions cireuses ayant été récemment mentionnées dans les vergers de manguiers de l'île, il est apparu nécessaire de réaliser une enquête écologique afin de mieux comprendre la problématique liée à ces ravageurs sur cette espèce fruitière.

Celle-ci a été menée par le CIRAD dans toute la zone de production durant la période végétative, de mars à mai 2012. L'objectif était d'établir un premier état des lieux en identifiant les principales espèces et en précisant leur importance relative sur manguier ainsi que leurs principales plantes hôtes alternatives au sein des vergers. Des observations in situ et des prélèvements d'échantillons ont ainsi été réalisés dans 23 parcelles des variétés Cogshall (11 parcelles) et José (12 parcelles).

Les plantes hôtes ont été prospectées à l'intérieur du verger et au niveau des haies brise-vent autour des parcelles. Pour cela nous avons utilisé la méthode du « tour de champ » (Maillet, 1981 ; Le Bourgeois, 1993), qui permet de lister de façon quasi-exhaustive les différentes espèces de plantes d'une parcelle.

Une fois échantillonnées, les plantes hôtes ont été identifiées au moyen du logiciel AdventOI (Le Bourgeois et al., 2008).

Trois espèces de cochenilles présentes, dont une connue depuis longtemps

L'enquête a montré la présence de la cochenille des Seychelles, Icerya seychellarum (Westwood), connue depuis longtemps sur manguier à la Réunion (Plenet, 1965 ; Etienne & Roura, 1974 ; Quilici et al., 2003), et de deux autres espèces : la cochenille du coton (Phenacoccus solenopsis Tinsley) et celle de l'Hibiscus [Maconellicoccus hirsutus (Green)] (Pseudococcidae).

Si P. solenopsis était présente dans l'île dès 1989 (premier signalement sur Sideroxylon borbonicum DC. ; 08/01/1989 ; Vallée Heureuse ; réc : S. Quilici ; lames au MNHN ; dét: D. Matile- Ferrero), M. hirsutus est d'introduction récente (première récolte sur Psidium guajava L. ; 06/04/2011 ; Saint-Leu ; réc. : J. Minatchy (FDGDON), dét. : J.F. Germain).

Une identification pas toujours évidente

La femelle d'I. seychellarum, de grande taille, peut atteindre 7 mm de long et 5 mm de large (Kuwana, 1922 ; Cochereau, 1966). Le corps, ellipsoïdal, est épais et bombé. Il présente latéralement une trentaine de touffes floconneuses jaunâtres d'où émergent de longs filaments argentés ; une cire blanchâtre granuleuse recouvre la face dorsale qui porte trois bourrelets longitudinaux jaunâtres (deux latéraux et un médian) (photo 4). La face ventrale du corps est orange à rouge brique ; les pattes et antennes sont noires (Kuwana, 1922 ; Gery, 1991). Chez cette espèce les mâles sont très rares (Gery, 1991 ; Schmaedick, 2007). Ils n'ont jamais été observés à la Réunion.

Le corps de P. solenopsis, ovale, est couvert de cire blanche laissant apparaître sur le thorax et l'abdomen des zones dorsales nues, plus sombres et alignées (photo 5). Elle possède autour du corps 18 cires dont les deux postérieures, plus longues, peuvent atteindre la longueur du corps. Les pattes sont rouges. L'ovisac ne se développe que sur la partie ventrale de l'insecte (Miller et al., 2007 ; Nikam et al., 2010).

Le corps de M. hirsutus, ovale, de couleur rouge marron à rose orangé, est entièrement couvert d'une pruinosité cireuse blanche. Les œufs sont roses (photo 6). Les pattes sont blanches ou jaune clair. L'ovisac peut recouvrir entièrement le corps (Miller, 1999 ; Miller et al., 2007). À noter, les individus de cette espèce deviennent noirs dans l'alcool à 70 %.

Il n'est pas rare que les colonies de ces cochenilles à sécrétions cireuses présentent un aspect similaire à l'œil nu. De ce fait, l'identification des espèces est souvent difficile in situ. Pourtant, leur reconnaissance est primordiale dans la détection et le suivi des problèmes phytosanitaires qu'elles peuvent engendrer. D'où l'intérêt de critères simples de reconnaissance, permettant de différencier facilement les espèces au champ (Tableau 1).

Plantes hôtes principales

Au cours de l'enquête, ces espèces ont été observées sur de nombreuses plantes hôtes (Figure 1), mais préférentiellement sur des espèces appartenant à quatre familles botaniques : les Fabaceae, les Malvaceae, les Asteraceae et les Euphorbiaceae. Pour P. solenopsis les plantes hôtes les plus fréquentes sont deux Malvaceae : Abutilon asiaticum (L.) Sweet (l'« Abutilon strié ») et Malvastrum coromandelianum (L.) Garcke (l'« Herbe dure »). Icerya seychellarum et M. hirsutus sont en revanche fréquemment observées sur une Fabaceae : Desmanthus virgatus (L.) Willd (le « Petit-cassis »). Dans notre enquête, I. seychellarum s'avère être la plus polyphage des espèces de cochenilles à sécrétions cireuses trouvées en verger de manguiers à la Réunion, avec 36 plantes hôtes recensées.

Importance relative des trois espèces

Dans les vergers ayant fait l'objet de cette enquête (Tableau 2), P. solenopsis et M. hirsutus ne sont pas présentes dans toutes les parcelles et, lorsqu'elles le sont, elles se situent essentiellement dans la strate herbacée. Icerya seychellarum a en revanche été observée dans toutes les parcelles aussi bien sur les manguiers que dans l'enherbement.

Cette enquête nous a permis de constater que P. solenopsis et M. hirsutus constituent pour l'instant des bioagresseurs potentiels. En effet, ces deux espèces sont présentes dans l'enherbement des vergers à la Réunion et ont déjà été observées sur manguier dans d'autres pays (Arif et al., 2009 ; Germain et al., 2010). Elles sont donc à surveiller mais ne semblent pas présenter à l'heure actuelle un danger pour les vergers.

Au contraire, I. seychellarum est un bioagresseur important. C'est actuellement la seule espèce de cochenille à sécrétions cireuses susceptible de causer des dégâts sur manguiers.

La cochenille des Seychelles, ravageur en recrudescence sur manguier

Origine, répartition mondiale et éléments de biologie

Alors que Gery (1991) mentionne cette espèce comme étant probablement originaire de l'ouest de l'Océan Indien, Schmaedick (2007) situe plutôt son aire d'origine en Asie.

Actuellement, I. seychellarum est largement répandue dans la zone intertropicale (Figure 2), principalement dans les îles de l'Océan Indien et de l'Océan Pacifique, en Asie, en Afrique de l'Est et en Australie (Gery, 1991). Elle est également présente en Amérique du Sud (Schmaedick, 2007). Deux foyers ont aussi été observés il y a quelques années en Corse et dans le Var (Germain et al., 2007).

Sa reproduction se fait principalement par parthénogénèse thélytoque, l'ovocyte se développant sans fécondation préalable. Ceci explique la rareté des mâles.

La ponte, qui débute peu après le début de la sécrétion de l'ovisac, dure environ 12 jours à raison de 7 œufs par jour en moyenne, jusqu'au remplissage complet de l'ovisac (Kuwana, 1922 ; Gery, 1991).

L'éclosion des œufs a lieu dans l'ovisac quelques heures après la ponte. Les larves de premier stade restent dans l'ovisac pendant 2-3 jours puis en sortent et se dispersent activement sur le végétal (Kuwana, 1922). La sortie de l'ovisac se fait majoritairement pendant la journée avec un pic vers midi et serait liée à la photopériode (Hill, 1980).

Le cycle biologique complet dure environ trois mois mais la durée des stades de développement varie selon les plantes hôtes (Gery, 1991).

Icerya seychellarum était considérée à la Réunion comme un ravageur mineur

Comme pour la plupart des hémiptères, les dégâts directs causés par I. seychellarum sont dus à la spoliation de sève qui affaiblit les arbres, limite la croissance des feuilles, accélère leur sénescence et limite le rendement (Salman & Bakry, 2012). De fortes infestations peuvent aboutir à un ralentissement du développement de la plante voire à sa mort si l'attaque est trop importante (Beardsley, 1954 ; Cochereau, 1966).

Des dégâts indirects sont causés par le développement de fumagine sur le miellat excrété par les cochenilles, ce qui limite la photosynthèse des feuilles (Cochereau, 1966). On peut également observer sur manguier une dépréciation des fruits tachés par le mélange miellat-fumagine.

Cette espèce très polyphage s'attaque à de nombreux genres botaniques. Environ 150 espèces de plantes hôtes sont répertoriées aux Seychelles et à l'île Maurice (Gery, 1991), et en Polynésie Française ce sont plus de 80 plantes-hôtes qui ont été recensées (Cochereau, 1966). À la Réunion, l'espèce a été observée sur 21 plantes cultivées (SPV-Réunion, 1999).

Bien qu'I. seychellarum soit souvent considérée comme un ravageur mineur des cultures fruitières (Chin et al., 2002 ; Vesey-Fitzgerald, 1953), elle a causé à plusieurs reprises des dégâts importants, notamment dans les vergers de Polynésie française (Cochereau, 1966), sur arbre à pain en Micronésie (Beardsley, 1954) et sur certains végétaux endémiques à Aldabra aux Seychelles (Gery, 1991).

Elle était contrôlée par des ennemis naturels, dont la coccinelle Rodolia chermesina

À la Réunion, où elle est présente depuis de nombreuses années, ses populations ont toujours été bien contrôlées par l'action conjointe de ses ennemis naturels : la coccinelle Rodolia chermesina Mulsant, 1850 (photos 7 et 8) originaire de Madagascar et le diptère parasitoïde Cryptochetum iceryae (Williston, 1888) (Cryptochetidae) (Quilici et al., 2003). Voilà qui n'est pas sans rappeler l'excellent contrôle biologique de la cochenille Icerya purchasi Maskell par l'action de la coccinelle Rodolia cardinalis (Mulsant), exemple fameux de succès en lutte biologique classique (DeBach, 1964 ; Quilici et al., 2003).

Des dégâts en forte augmentation dûs à un déséquilibre dans le contrôle biologique de la cochenille

Depuis 2011, on assiste à un fort accroissement des populations d'I. seychellarum, surtout sur manguier. Parallèlement, l'observation de momies parasitées de la coccinelle est de plus en plus fréquente. Les pullulations de la cochenille observées à la Réunion semblent dues à un déséquilibre dans le contrôle de ses populations par ses ennemis naturels.

Plusieurs espèces de parasitoïdes récemment recensées à la Réunion s'attaquent à R. chermesina : Homalotylus eytelweinii (Ratzeburg, 1844) (Encyrtidae) (photos 9 et 10), Aprostocetus sp. (Eulophidae), Pachyneuron longiradius Silvestri, 1915 (Pteromalidae) et Dendrocerus sp. (Megaspilidae).

Nos premiers résultats montrent qu'H. eytelweinii est le plus important. Il représente en général 60 à 99 % des individus émergeant des pré-nymphes parasitées (Figure 3). Les taux de parasitisme, très élevés, varient de 72 à 100 %.

Homalotylus eytelweinii, un parasitoïde de coccinelles allié d'I. seychellarum

Cette espèce a été signalée pour la première fois dans le nordouest de l'île en août 2011 (01/08/2011 ; Saint-Paul/Grand Fond ; réc.: D. Vincenot et P. Rousse (Chambre d‘Agriculture de la Réunion) ; dét.: G. Delvare). Dans la littérature, elle a longtemps été confondue avec H. flaminius (Dalman) (Anis & Hayat, 1998 ; Trjapitzin, 2011). De ce fait, de nombreuses données biologiques attribuées dans diverses publications aux Homalotylus du « groupe flaminius » font probablement référence à H. eytelweinii (Ceryngier et al., 2012).

Le taux de parasitisme des Homalotylus spp. varie selon l'hôte et la région : peu élevé en régions tempérées et froides, il augmente dans le Sud de l'Europe et peut atteindre 95 % sur Chilocorus bipustulatus L. au Maroc (Smirnoff, 1957).

Les espèces de ce genre sont strictement inféodées aux Coccinellidae (photos 9 et 10). Homalotylus eytelweinii/flaminius s'attaque à des espèces de diverses tribus dont celle des Noviini à laquelle appartient R. chermesina. Espèce quasi-cosmopolite, H. eytelweinii est signalée en Europe, Asie, Afrique, Amérique centrale et du Sud (Trjapitzin, 2008 ; Noyes, 2011). La base de données du Cirad CBGP compte des occurrences en provenance du Bénin, du Burkina Faso, du Cameroun, du Tchad, du Togo et de la Réunion en Afrique tropicale, de Guadeloupe, du Brésil et du Paraguay dans la Région néotropicale. Les spécimens ont été obtenus sur des cultures diverses (cotonnier, maïs, piment) et de coccinelles variées (5 espèces déterminées).

Biologie et nuisibilité du parasitoïde

Les femelles des Homalotylus spp. s'attaquent aux premiers stades larvaires et l'adulte sort généralement de la pré-nymphe (Anis & Hayat, 1998). Ceux qui s'attaquent à des coccinelles d'assez grande taille sont des parasitoïdes grégaires, la femelle pouvant pondre plusieurs œufs à l'intérieur de l'hôte.

Chaque larve crée un compartiment à partir des tissus morts de la larve-hôte puis, à l'émergence, chaque adulte fore son propre trou de sortie (Iperti, 1964). Le développement d'H. eytelweinii s'achève dans les stades larvaires âgés momifiés. L'adulte est mature sexuellement dès son émergence. Après l'accouplement, il peut immédiatement parasiter d'autres coccinelles. Il se nourrit du miellat des cochenilles (Hodek et al., 2012).

La longévité de l'adulte est de 6 à 11 jours en laboratoire (Iperti, 1964). La durée de développement pré-imaginal varie selon l'hôte, la saison et la région, de 8 à 45 jours (Ceryngier et al., 2012).

Le parasitisme dû aux Homalotylus spp. engendre une diminution de la population de la coccinelle en augmentant la mortalité nymphale. Il pourrait aussi affecter le comportement des larves parasitées en réduisant leur efficacité dans la recherche de nourriture (Bayoumy & Michaud, 2012). À long terme l'efficacité prédatrice de la population d'auxiliaires peut être fortement réduite.

Aprostocetus sp., un autre parasitoïde

Aprostocetus sp. a été décrit sous le nom de Syntomosphyrum pauliani par Risbec (1953). La série type, examinée par G. Delvare à l'occasion d'un travail de révision des Eulophidae d'Afrique tropicale, a été obtenue à Madagascar (Tsimbazaza) de cocons de Cryptochetum monophlebi (Skuse, 1889) (Diptera, Cryptochetidae), une espèce parasitoïde d'I. seychellarum sur Crataegus mexicana Moc. & Sessé ex DC. Toutefois, le nom de ce parasitoïde vient en homonymie secondaire avec Aprostocetus pauliani, également décrit par Risbec (1952). Un nouveau nom est donc nécessaire, en cours de publication.

Cette espèce semble présenter une spécificité assez souple mais reste liée à I. seychellarum comme parasitoïde primaire, comme hyperparasitoïde ou comme parasitoïde de prédateurs.

Études en cours et perspectives

Cette enquête nous a permis de mettre en évidence que le problème des cochenilles à sécrétions cireuses sur manguiers à la Réunion est actuellement lié à la seule I. seychellarum.

Cette dernière voit très probablement ses populations augmenter du fait du parasitisme apparu récemment sur son principal prédateur R. chermesina. Certaines questions restent en suspens. Le déséquilibre observé dans les relations auxiliaire/ravageur sera-t-il permanent ou observera-t-on une saisonnalité des attaques de la cochenille et du parasitisme sur R. chermesina ? Ces questions font l'objet d'une étude en cours, menée par le CIRAD dans le cadre du projet ECOFRUT (sur financement européen FEADER).

En parallèle, un autre projet du CIRAD (BIOPHYTO, financement CASDAR) vise à développer des méthodes de gestion agro-écologique des ravageurs en vergers de manguiers.

L'objectif général est la mise en place à la Réunion de systèmes de cultures fruitières plus durables, réduisant au strict minimum le recours aux produits phytosanitaires dans la gestion des populations de bioagresseurs. En ce sens, les résultats de l'étude présentée ici devraient contribuer à la mise en place d'une gestion intégrée des populations de la cochenille des Seychelles dans les vergers de manguiers de l'île.

La culture du manguier à la Réunion

 Photos : F. Normand, CIRAD

Photos : F. Normand, CIRAD

Le manguier (Mangifera indica L.) est la quatrième production fruitière de la Réunion. La zone de culture s'étend sur plus de 300 ha du nord-ouest au sud de l'île. Deux variétés sont principalement cultivées : Cogshall (photo 2), variété floridienne introduite par le CIRAD, et la variété locale José (photo 3) qui fournissent respectivement 750 t et 1 700 t de production par an.

Les mangues sont principalement vendues sur le marché local et 110 t sont en outre exportées chaque année, ce qui place cette espèce fruitière en troisième position pour les exportations, après l'ananas et le litchi.

La floraison (photo 1 page précédente) a lieu de fin juin à début septembre après une période de repos végétatif. La récolte s'étale de fin novembre à fin février. La floraison, la nouaison et la période de maturité des mangues sont les stades les plus sensibles aux ravageurs (notamment la cécidomyie des fleurs, la punaise du manguier et les mouches des fruits) (Vincenot & Normand, 2009).

Tableau 1 : Critères simples de reconnaissance des trois espèces de cochenilles à sécrétions cireuses présentes en vergers de manguier à la Réunion (Cochereau, 1966 ; Miller, 1999 ; Nikam et al., 2010).

Tableau 2. Pourcentage du nombre total de parcelles enquêtées où chaque espèce de cochenille à sécrétions cireuses est présente.

Fig. 1 : Plantes-hôtes

Nombre d'espèces de plantes-hôtes recensées en vergers de manguiers, classées par familles botaniques, pour chacune des trois espèces de cochenilles.

Fig. 2 : Une cochenille à large distribution mondiale.

Aire de distribution d'Icerya seychellarum au niveau mondial (EPPO, 2013).

Fig. 3 : échantillonnage de pré-nymphes de coccinelles parasitées.

Proportions des différentes espèces de parasitoïdes émergeant de pré-nymphes de Rodolia chermesina, sur 3 parcelles de manguier (septembre 2012). Un échantillon de 50 prénymphes a été collecté par verger.

Des « cochenilles à sécrétions cireuses » ?

On désigne par cochenille les insectes de l'ordre des Hemiptera appartenant à la super famille des Coccoidea. Celle-ci est composée de 33 familles qui comprennent au total environ 8 000 espèces.

On regroupe classiquement les principales cochenilles d'importance agronomique en trois groupes : les diaspines (ou cochenilles à bouclier), les Coccidae anciennement appelées lécanines et les Pseudococcidae (cochenilles farineuses).

Les cochenilles farineuses produisent une cire blanchâtre qui recouvre leur corps. La plupart des espèces pondent leurs œufs dans un ovisac cireux qui recouvre au moins une partie de leur corps (Miller et al., 2007). Leurs colonies ont généralement un aspect farineux d'où leur nom commun.

À la Réunion, on recense actuellement sur les cultures 20 espèces de cochenilles farineuses (SPV-Réunion, 1999 et récentes identifications de matériel de la FDGDON ; collections MNHN et LSV).

Des Pseudococcidae, on peut rapprocher les Monophlebidae qui produisent également des sécrétions cireuses. Dans cet article, nous avons utilisé pour désigner les espèces de ces deux dernières familles le terme « cochenilles à sécrétions cireuses ».

RÉSUMÉ

CONTEXTE : Classées depuis de nombreuses années comme des ravageurs mineurs en vergers de manguiers à la Réunion, les cochenilles à sécrétions cireuses posent actuellement problème.

ÉTUDE : Le CIRAD a initié une étude sur ce groupe de bioagresseurs afin de préciser les espèces présentes dans les vergers, leurs plantes hôtes alternatives et leur importance relative sur manguier.

RÉSULTATS : On a décelé la présence dans les vergers de trois espèces polyphages : Maconellicoccus hirsutus, Phenacoccus solenopsis et Icerya seychellarum. Cette dernière, à ce jour la seule présente sur manguier, est actuellement classée comme un bio-agresseur important. Elle se nourrit de la sève ce qui affaiblit les arbres et peut conduire à des baisses de rendement.

La forte augmentation de ses populations depuis 2011 est très probablement due à un déséquilibre au sein de son cortège d'ennemis naturels. En effet son principal prédateur, la coccinelle Rodolia chermesina voit ses populations très affectées du fait d'un parasitisme accru, notamment par l'arrivée récente de l'Encyrtidae Homalotylus eytelweinii.

MOTS-CLÉS : Manguier, île de La Réunion, Icerya seychellarum, Rodolia chermesina, Homalotylus eytelweinii, parasitisme, contrôle biologique.

SUMMARY

CONTEXT : Although mealybugs have been considered for many years as minor pests in mango orchards in Reunion Island, they are presently considered as a problem. An ecological survey was initiated by the CIRAD in order to identify the species observed in mango orchards, to specify their host plants and to define their relative importance for the mango crop.

RESULTS showed the presence of three polyphagous species : Maconellicoccus hirsutus, Phenacoccus solenopsis and Icerya seychellarum. The latter is the only one recorded on mango trees and is currently considered as an important pest on this fruit crop. High populations of this sap-feeding giant-mealybug may weaken the trees and cause a decrease in the yield. The increase of I. seychellarum populations since 2011 seems related to a modification within its natural enemies complex. The populations of its main predator, the ladybird Rodolia chermesina are strongly affected by increased rates of parasitism by a recently arrived Encyrtid, Homalotylus eytelweinii.

KEY WORDS : Mango tree, Reunion Island, Icerya seychellarum, Rodolia chermesina, Homalotylus eytelweinii, parasitism, natural biological control.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *C. DELPOUX, F. NORMAND, CIRAD, UPR HortSys, BP 180, 97455 Saint-Pierre cedex, La Réunion.

**J.-F. GERMAIN, CIRAD, UPR HortSys, BP 180, 97455 Saint-Pierre cedex, La Réunion.

***G. DELVARE, ANSES, Laboratoire de la Santé des végétaux, Unité Entomologie et Plantes invasives, CBGP Campus international de Baillarguet, CS 3016 34988, Montferrier-sur-Lez Cedex.

****A. FRANCK, S. QUILICI, CIRAD, UMR PVBMT, CIRAD/Université de La Réunion, Pôle de Protection des Plantes, 7, chemin de l'IRAT, 97410, Saint-Pierre, La Réunion.

SITES INTERNET : – EPPO., 2013 - PQR - EPPO database on quarantine pests. En ligne http://www.eppo.int (consulté le 05/01/2013).

– FREDON Corse, 2006 - La Cochenille farineuse des Seychelles Icerya seychellarum. En ligne http://www.fredon-corse.com/ravageurs/cochenille-des-seychelles.htm (consulté le 27/02/2013).

– Le Bourgeois T., Carrara A., Dodet M., Dogley W., Gaungoo A., Grard P., Ibrahim Y., Jeuffrault E., Lebreton G., Poilecot P., Prosperi J., Randriamampianina J.A., Andrianaivo A.P., Théveny F., 2008 - Advent-OI : Principales adventices des îles du sud-ouest de l'Océan Indien.V.1.0. In Cirad [ed.]. Cirad, Montpellier, France. Cdrom.

– Miller D.R., Rung A., Venable G.L., Gill R.J., Williams D.J., 2007 - Scale Insects : Identification Tools for species of quarantine significance (USDA). En ligne : http://www.sel.barc.usda. gov/ScaleKeys/Mealybugs/Key/Mealybugs/Media/html/SelectSpeciesFSet.html. (consulté le 19/02/2013).

– Noyes J.S., 2011 - Universal Chalcidoidea Database. En ligne www.nhm.ac.uk/entomology/ chalcidoids/index.html (consulté le 26/02/2013).

BIBLIOGRAPHIE : La bibliographie (37 références) est disponible auprès des auteurs.

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