État des lieux

Face aux ravageurs les solutions de lutte indirecte

JEAN-LOUIS BERNARD* - Phytoma - n°676 - août 2014 - page 10

À côté des méthodes de lutte directe à l'aide d'insecticides ou de moyens alternatifs, on note une attention nouvelle portée aux mesures indirectes de protection.
La luzerne, qui héberge une faune auxiliaire abondante et diversifiée, peut ainsi être utile aux cultures voisines. Photos : Coop. de France déshydratation

La luzerne, qui héberge une faune auxiliaire abondante et diversifiée, peut ainsi être utile aux cultures voisines. Photos : Coop. de France déshydratation

Les aleurodes, ravageurs des cultures légumières et ornementales, sont une des cibles principales de la lutte biologique et de l'étude de mesures indirectes de protection. Photo : Syngenta Agro

Les aleurodes, ravageurs des cultures légumières et ornementales, sont une des cibles principales de la lutte biologique et de l'étude de mesures indirectes de protection. Photo : Syngenta Agro

Dégâts de phylloxera sur feuilles. En fait, ce ravageur attaque surtout les racines des vignes, d'où l'utilisation déjà ancienne de portegreffes résistants. Photo : Syngenta Agro

Dégâts de phylloxera sur feuilles. En fait, ce ravageur attaque surtout les racines des vignes, d'où l'utilisation déjà ancienne de portegreffes résistants. Photo : Syngenta Agro

Végétaliser les bords de champ (haies, lisières, bandes enherbées et fleuries) peut avoir un effet indirect antiravageurs. Photo : M.-F. Delannoy

Végétaliser les bords de champ (haies, lisières, bandes enherbées et fleuries) peut avoir un effet indirect antiravageurs. Photo : M.-F. Delannoy

Après l'article consacré, dans le précédent numéro de Phytoma, à la lutte directe contre les ravageurs, nous abordons ici l'évolution des moyens de protection indirecte.

En effet, si la diversification des moyens de lutte directe contre les ravageurs est souhaitable pour tout système de protection qui aspire à durer, une meilleure compréhension de la protection intégrée a remis en lumière l'intérêt des mesures indirectes de protection.

Mesures indirectes : de quoi s'agit-il ?

Des mesures toujours préventives

Ces mesures regroupent l'ensemble des actions qu'un agriculteur peut entreprendre, en dehors de la période végétative des cultures pérennes ou avant la mise en place d'une culture annuelle (semis, plantation) afin de réduire l'impact des ravageurs durant le cycle végétatif.

Les mesures indirectes sont strictement préventives et n'ont de valeur qu'appliquées avant que la pullulation des nuisibles ne soit enclenchée ou avant que des dégâts préjudiciables ne se soient produits.

Agir sur la plante, l'environnement ou le ravageur avant que ce dernier ne nuise

Ces mesures regroupent à la fois celles concernant l'espèce cultivée ou sa conduite destinées à favoriser l'autodéfense de la culture, celles appliquées à l'environnement de la plante cultivée pour accroître sa compétitivité vis-à-vis des ravageurs, celles appliquées à l'organisme à combattre en dehors de sa période de nuisibilité, afin d'en diminuer le potentiel néfaste. Si ces actions ne sont pas toujours suffisantes pour empêcher les dommages lorsque les conditions du milieu sont très favorables aux bioagresseurs, elles sont de nature à retarder l'apparition des infestations, à minimiser leur virulence et à soulager l'investissement en matière de lutte directe.

Quatre domaines reviennent au goût du jour

Nous présenterons rapidement ici quelques domaines où leur prise en compte semble actuellement bénéficier d'un renouveau d'attention des professionnels :

– rotation, longueur du cycle des cultures et assolement pour gérer les nuisibles ;

– sensibilité aux ravageurs des variétés cultivées ;

– relation paysage agricole et ravageurs ;

– plantes-pièges et gestion de l'interculture.

Rotations, longueur du cycle des cultures et diversification de l'assolement

Un intérêt technique à revenir à des rotations longues dans un assolement varié

Depuis une cinquantaine d'années au moins, et pour des raisons essentiellement économiques, il est incontestable que les rotations ont eu tendance à se raccourcir et l'assolement à se simplifier. Cette évolution modifie considérablement la dynamique des ravageurs, tant aériens que souterrains. Certains peuvent être favorisés par cette simplification, d'autres à l'inverse ne se manifesteront plus en raison du non-retour du support végétal qui leur était précédemment favorable.

Il existe un assez large consensus sur l'intérêt d'allonger les rotations et d'enrichir l'assolement de nouvelles cultures ou de couverts intermédiaires afin de donner à l'agriculteur davantage de leviers pour gérer les nuisibles.

Des freins économiques : exemple de la luzerne

En revanche, allonger une rotation restera un vœu pieux si nous ne pouvons proposer à l'agriculture des productions qui, tout en orientant favorablement rotation et assolement, offrent un revenu décent, le plus proche possible de celui des spéculations habituelles que l'on veut substituer.

Un exemple : la luzerne est une culture pérenne souvent présentée comme idéale pour allonger les rotations. Elle porte moins de ravageurs que la plupart des cultures tout en hébergeant une faune auxiliaire abondante et diversifiée(1) utile aux productions voisines. Mais comment la faire adopter dans un contexte agricole où productions végétales et élevage sont largement découplés, dans des marchés ouverts où le coût des protéines pour l'alimentation animale lui est défavorable, où des primes ne lui sont pas garanties dans le long terme et, plus simplement, en l'absence d'une unité de déshydratation proche de l'exploitation ?

Le cas d'un nématode à kystes

Il faut compter aussi avec l'existence d'éléments naturels qui prennent parfois le contre-pied d'une diversification des cultures globalement favorable à la maîtrise des ravageurs.

Un seul exemple à nouveau. Avec l'essor des biocarburants, colza et betterave se retrouvent de plus en plus fréquemment dans les mêmes rotations (10 % en 2007, 26 % en 2010). Cet avantage apparent lié à l'enrichissement de la rotation par des familles botaniques différentes est tempéré par l'existence du nématode à kystes Heterodera schachtii.

Ce bioagresseur nuisible à la betterave et au colza se maintient très bien avec l'aide des repousses de ce dernier, souvent conservées après récolte comme piège à nitrates. Ce qui implique de nouveaux itinéraires de culture(2) dans des rotations pourtant enrichies au plan botanique.

Joue+r les dates de semis

Outre la succession des espèces cultivées sur le champ et leur répartition dans l'espace, l'expérience nous a appris à jouer sur le choix des variétés, les dates de semis et la longueur du cycle végétatif des cultures, tout ceci dans le but d'éviter certains problèmes parasitaires.

Ainsi, reculer la date de semis des escourgeons et des blés tendres d'hiver a été l'un des moyens privilégiés dans les années 1980 pour minimiser l'importance des infestations de pucerons sur les jeunes semis, donc la pression de la jaunisse nanisante de l'orge (JNO) qui nécessitait alors le recours à des applications insecticides à l'automne.

Actuellement, avancer les semis de maïs en utilisant des variétés à cycle plus court contribue à minimiser les dégâts tardifs de la pyrale et la présence de mycotoxines.

Dans les deux cas, moins d'insecticides sont employés, mais il y a une perte de rendement potentielle pour les cultivateurs.

Par ailleurs, contre les ravageurs actifs en début de cycle végétatif (mouche grise des céréales, blaniules des betteraves, taupins et oscinies du maïs...), l'agriculteur s'efforce le plus souvent de favoriser une levée rapide des semis afin de minimiser la durée de la période la plus sensible à l'action de ces nuisibles. Cela permet de tirer un bon parti de variétés sensibles. Mais cette stratégie a été largement battue en brèche suite aux conditions climatiques en mars et avril 2013, qui ont occasionné des levées de printemps laborieuses dans beaucoup de régions.

Sensibilité des variétés cultivées aux ravageurs

Réalité relativement sous-utilisée, question de coûts...

Si la sensibilité aux maladies cryptogamiques est un critère ordinairement pris en compte pour la sélection variétale, il n'en est pas de même pour la sensibilité aux ravageurs.

Pourtant, le potentiel théorique pour la sélection de plantes résistantes est vaste car on connaît chez toutes les espèces végétales de nombreuses lignées sauvages peu sensibles à des arthropodes phytophages, à des nématodes, à des maladies transmises par des insectes...

Mais le coût élevé de la sélection amène les organismes publics ou privés en charge de tels travaux à être extrêmement sélectifs sur le choix des priorités. La recherche d'une résistance à un ravageur donné sera donc hiérarchisée par rapport à d'autres attentes comme la tolérance à une maladie, un critère de productivité, de rusticité, de qualité... etc.

...et de risque de baisse de qualité alimentaire

Bien souvent aussi, il peut y avoir opposition entre qualité alimentaire et résistance aux ravageurs. Dans le milieu naturel, beaucoup de plantes résistantes doivent cette propriété à leur aptitude à synthétiser ou à stocker dans leurs tissus des composés fortement toxiques pour les ravageurs (ex. : alcaloïdes...). Or ces composés sont toxiques aussi pour les consommateurs humains ou les animaux d'élevage.

Pomme de terre et betterave : résistance ou tolérance aux nématodes

Pour différentes cultures annuelles, des efforts particuliers ont cependant porté sur la résistance ou la tolérance aux nématodes nuisibles.

C'est le cas par exemple avec la sélection de cultivars résistants aux nématodes à kystes sur la pomme de terre (Globodera sp.) ou la betterave (Heterodera schachtii). En pratique, il apparaît souvent judicieux d'optimiser les itinéraires de culture qui valorisent les résistances connues et minimisent les risques de perte de rendement ou de qualité(3).

Blé : quand la cécidomyie jaune remplace l'orange

Autre exemple qui montre la complexité de l'exercice : la résistance du blé tendre à la cécidomyie orange (Sitodiplosis mosellana). Les espoirs réels, nés avec l'inscription en 2006 de variétés résistantes à ce ravageur important, ont été tempérés par le fait que cette capacité ne présageait en rien d'une résistance à la cécidomyie jaune (Contarinia tritici). Ce ravageur est, au départ, moins fréquent mais il vient parfois occuper la niche de la cécidomyie orange dans les parcelles dorénavant non traitées(4).

Parlons quand même de maïs Bt

L'expérience mondiale des variétés intégrant des gènes issus de Bt montre l'étendue des possibilités offertes par la transformation, ouvrant la voie à un progrès plus rapide dans certains domaines. À ce jour, seul un petit nombre d'espèces végétales transformées résistantes à des ravageurs a été proposé pour la culture, mais il est certain que les innovations sont appelées à se multiplier et qu'elles viendront à la rencontre des cultivateurs au cours des prochaines années.

Si l'agriculture française n'a guère pu faire à ce jour l'expérience des variétés actuellement commercialisées dans le monde (maïs Bt en 2007), certains de nos voisins comme l'Espagne ou le Portugal possèdent maintenant plusieurs années de recul.

Cultures pérennes : la lenteur décourage...

Pour les cultures ligneuses de rapport, la résistance aux ravageurs n'est pas non plus à ce jour un axe de recherche prioritaire. Créer une variété durablement résistante nécessite d'y intégrer plusieurs gènes, sans que cela offre toute garantie de succès à long terme. De plus, sur des ligneux, les opérations classiques de croisement et de rétrocroisement nécessaires à l'obtention d'une variété résistante d'intérêt commercial sont excessivement lourdes, lentes et coûteuses.

Sans oublier qu'un travail fructueux étalé sur plusieurs décennies peut être anéanti brutalement lorsqu'une modification génétique spontanément apparue dans la population des ravageurs concernés lui permet de contourner la résistance.

...sauf pour les porte-greffes et/ou face aux maladies transmises par des vecteurs

La situation est moins complexe lorsqu'il s'agit de sélectionner un porte-greffe résistant à un ravageur du sol car les critères qui commandent l'accès au marché sont différents de ceux qui caractérisent les greffons.

Enfin, quand les méfaits de certains ravageurs résultent non pas des prélèvements nutritionnels sur la culture mais de la transmission de maladies à virus ou à phytoplasmes, il est possible d'envisager une sélection portant non pas sur le vecteur lui-même mais sur la résistance de la plante cultivée au micro-organisme pathogène.

Ici encore la génétique moderne peut apporter des réponses en hâtant considérablement la mise au point de cultivars résistants. À l'exemple de la variété de prune transformée Honey Sweet résistante au virus de la sharka, annoncée par le US Department of Agriculture à l'automne 2013, soit quatorze années seulement après la découverte de cette maladie aux États-Unis.

Regain d'intérêt pour la relation entre paysage agricole et ravageurs

À propos de la lutte biologique

La lutte biologique est un élément emblématique des méthodes modernes de défense contre les ravageurs. Les lâchers massifs d'auxiliaires ont été évoqués dans l'article précédent comme un moyen de lutte directe.

La lutte biologique par acclimatation est elle aussi un moyen de lutte directe. Elle vise à introduire des auxiliaires pour tenter de les établir de façon permanente afin de contrôler des ravageurs généralement introduits d'autres régions. Elle a connu de beaux succès en métropole ces vingt dernières années avec les parasitoïdes Psyllaephagus pillosus contre le psylle de l'eucalyptus et Neodrynus typhlocybae contre la cicadelle pruineuse Metcalfa pruinosa.

À la Réunion, les lâchers du parasitoïde Tamarixia radiata ont éradiqué en deux ans le psylle asiatique des agrumes et relancé la culture de ces espèces.

Des efforts sont en cours avec l'introduction en 2011 du parasitoïde asiatique Torymus sinensis destiné à contrer l'expansion du cynips de châtaignier Dryocosmus kuriphilus, introduit de Chine en Europe en 2000(5). D'autres recherches visent la chrysomèle du maïs, Diabrotica virgifera. Mais ces travaux n'entrent pas, par nature, dans l'agenda de l'agriculteur.

En revanche, il est de son ressort d'organiser le paysage sur le territoire de l'exploitation. Dans ce domaine, on constate une sensibilité nouvelle du monde agricole qui devrait renforcer la contribution des auxiliaires indigènes à la protection des cultures.

Vergers : des haies, de l'herbe et des refuges à insectes utiles

On peut situer la prise en compte du paysage pour la protection des cultures contre les ravageurs au milieu des années 1970 avec les solutions imaginées dans la vallée du Rhône pour résoudre l'épineux problème du psylle sur les poiriers.

La pratique d'un traitement hivernal basé sur l'avertissement agricole et les mesures destinées à favoriser les punaises anthocorides, auxiliaires présents dans les haies en lisière des parcelles, ont permis de limiter les applications insecticides dirigées contre ce ravageur.

Par ailleurs, il est reconnu que la flore composite naturelle utilisée pour enherber les vergers peut, dans certains cas, réduire la pression exercée par divers ravageurs, pucerons en particulier, sur les cultures(6).

Il n'est donc plus exceptionnel de voir des vergers bordés de haies composites spécialement étudiées, ou de constater la présence d'équipements type nichoirs ou abris à insectes. Ces derniers favorisent la présence de prédateurs tels les chrysopes dont l'effet réducteur sur les attaques de pucerons a été établi pour les arbres fruitiers poussant à proximité.

Vigne : organisation du parcellaire et enherbement

En viticulture, les ravageurs les plus nuisibles sont des espèces indigènes, et le recours à l'entomofaune locale est apparu depuis longtemps comme une piste prioritaire(7). En outre, un nombre croissant de travaux récents démontre la nette influence qu'exerce l'organisation parcellaire sur la dynamique de plusieurs ravageurs(8). Les expériences en cours dans le Saumurois, le Limouxin... sont porteuses d'avenir et conduiront sans nul doute à concevoir différemment l'organisation des vignobles du futur.

À ces projets s'ajoute une réalité concrète : le développement de l'enherbement. Initié à la fin des années 1980, il ne visait pas en priorité le contrôle des ravageurs. À présent, cet intérêt s'ajoute aux objectifs initiaux (lutte contre l'érosion, maîtrise des rendements, réduction des pollutions et image des terroirs). Certes, il reste encore délicat selon les régions de déterminer la « flore compagne » idéale pour optimiser la présence des prédateurs, parasites ou parasitoïdes souhaités. Mais déjà, l'enherbement des sols, l'attention portée à la végétation de bordure et une gestion avisée des produits de protection incluant la prise en compte de leurs effets secondaires ont permis la régression des pullulations d'acariens phytophages.

Cette orientation, jointe à l'emploi préférentiel d'insecticides sélectifs des typhlodromes comme les RCI(9) et à la mise en œuvre de la confusion sexuelle, a contribué à réduire de plus de 90 % l'utilisation des acaricides spécifiques depuis 1985 !

Grandes cultures et bords de champs

Une telle évolution n'est apparue que plus tard en régions de grandes cultures. Après de longues années dominées par le remembrement, un début de réorganisation de l'espace agricole s'est fait jour vers 1990 avec l'attention nouvelle accordée aux bordures des cours d'eau, lisières et bandes herbeuses destinées à réduire l'érosion des sols et les fuites de contaminants d'origine agricole vers les eaux de surface. Ces tentatives rejoignaient celles du monde de la chasse, préoccupé par la destruction des refuges favorables à la faune et à une diminution de l'abondance des insectes dans les milieux agricoles ouverts, préjudiciable à des espèces comme la perdrix.

L'étude des bords de champs, haies et talus démontre leur capacité à augmenter et à diversifier l'entomofaune avec une présence renforcée d'espèces auxiliaires(10). Certains exploitants consacrent ainsi plus de place à des haies basses, aménagent des tournières, fossés et pointes comme autant de zones réservoir conçues comme favorables à la biodiversité et englobant de manière parfois explicite le développement des arthropodes auxiliaires.

Trame verte, bandes fleuries

À partir de 2008, ces évolutions ponctuelles ont rejoint les projets contribuant à édifier dans l'espace la trame bleue et la trame verte promues par le Grenelle de l'environnement. Ce renouveau de l'aménagement rural se poursuit actuellement avec l'étude des bénéfices escomptés des bandes fleuries semées en bordure des cultures, parfois étudiées pour augmenter la présence de certains auxiliaires tout en favorisant les pollinisateurs.

Par exemple les travaux de la Fredon Nord-Pas-de-Calais ont montré qu'une bande fleurie semée en bordure d'une parcelle de choux avait un impact positif jusqu'à 50 mètres au sein de la culture. Le semis de certains mélanges de graines montre un potentiel remarquable avec près de sept fois plus de syrphes que dans une bande enherbée classique semée uniquement de Poacées, tout en hébergeant entre huit et cinquante fois moins de pucerons(11).

Des plantes-pièges aux couverts d'interculture contre les ravageurs

Principe et passé des plantes-pièges

On appelle plante-piège une espèce végétale qui, couplée avec une culture de production, exerce une action attractive, répressive ou stimulante sur un ravageur donné de nature à faciliter la défense de la culture.

Dans le passé, un double semis était parfois réalisé pour combattre l'altise du colza, du navet ou du radis. L'espèce cultivée jouait alors le rôle de plante-piège, les ravageurs se reportant plus volontiers sur les levées plus attractives issues d'un second semis effectué quelques jours après le premier.

Pièges à nématodes, pièges à aleurodes

Aujourd'hui, les agriculteurs installent sur l'interculture qui précède la betterave des couverts réalisés au moyen de variétés de radis ou de moutardes sélectionnées afin de réduire les populations du nématode à kystes Heterodera schachtii. Outre certaines crucifères, le fenouil, la coriandre, l'asperge, le sorgho, diverses liliacées... ont été reconnus comme intéressants pour piéger divers nématodes à galles.

Si quelques espèces végétales comme Tagetes sp. sont carrément nématicides, peu de plantes possèdent de telles propriétés et moins encore sont susceptibles d'être facilement introduites dans les rotations culturales.

Un autre type de plante-piège consiste à introduire dans les parcelles des végétaux qui attirent et regroupent un ravageur qu'il est ensuite facile de détruire par effeuillage, lâcher d'auxiliaires ou traitement chimique localisé. Testée par l'Astredhor sur du poinsettia sous abri, l'aubergine s'est révélée très intéressante pour contrôler la mouche blanche des serres, Trialeurodes vaporariorium. Malheureusement, l'espèce nuisible voisine Bemisia tabaci ne semble pas pouvoir être régulée par la même plante-piège((12).

Couverts d'interculture : à explorer

De nos jours, intérêts agronomiques et contraintes environnementales poussent les exploitants à occuper le terrain en dehors des cultures au moyen de couverts capables de limiter l'érosion, de fragmenter les compactions nées du labour ou des engins de récolte, de stocker en profondeur les eaux de pluie, de piéger les nitrates (Cipan) ou d'étouffer certaines adventices préoccupantes. Si un tel ensemencement est de plus en plus régulièrement entrepris, il n'existe qu'un faible nombre d'exemples où un des objectifs recherchés serait la réduction des ravageurs du sol.

Dans ce domaine et compte tenu des besoins évidents, il existe donc un vaste champ d'expérience pour la mise au point de couverts réprimant cette faune indésirable.

Certes l'emploi de plantes-pièges ou la biofumigation sont encore des exercices complexes. Mais il est vraisemblable que les travaux dans ce domaine déboucheront sur un certain nombre de situations où les couverts végétaux faciliteront la gestion de ravageurs particulièrement dommageables.

Conclusion

À ces nouveaux moyens s'ajoute une connaissance mieux partagée des mesures indirectes de protection, mises en pratique plus régulièrement par les agriculteurs, intégrées assez communément dans des stratégies de défense relevant de la protection intégrée.

Nos concitoyens méconnaissent hélas largement cette réalité et les messages colportés par les principaux médias ne contribuent aucunement à les éclairer. La défense des cultures est une discipline dont les raisons d'être et les bénéfices pour l'ensemble de la population ne sont que très rarement expliqués au public. Lequel en revanche est abreuvé de propos apocalyptiques entretenant une suspicion tenace sur la qualité de l'alimentation et les activités agricoles en général.

Il est souhaitable que les travaux entrepris pour aller vers des méthodes efficaces toujours plus sûres soient poursuivis. Mais il serait dommageable pour l'ensemble des filières agricoles de laisser prospérer des informations erronées reposant sur la méconnaissance ordinaire et l'ignorance des progrès accomplis. Ces informations poussent à la multiplication des règlements nés de la peur de l'inconnu, rejoignant ainsi d'autres domaines où science et progrès s'efforcent pourtant d'aller de pair.

<p>(1) Nicaud C., Meriaux B., Villenave-Chasset J., Cailleret C., Frerot B., Drozdz T., Buridant C., Bador S., La Luzerne : réservoir d'auxiliaires. AFPP, 9e Cira, oct. 2011.</p> <p>(2) Champeil A., Ruck L., Ballanger Y., Brun F., Chabert A., Fournet S., Identification et gestion du risque lié au nématode <i>H. schachtii</i> dans des rotations associant betteraves sucrières et colza. AFPP, 9e Cira, oct. 2011.</p> <p>(3) Brun F., Champeil A., Chabert A., Fournet S., Ruck L., Gestion des attaques de nématodes <i>H.schachtii</i> dans une rotation betteravière : leviers agronomiques et outils d'aide à la gestion des populations. AFPP, 9e Cira, oct. 2011.</p> <p>(4) Flodrops Y., Taupin P., Blé Tendre. Lutter contre la cécidomyie orange. <i>Perspectives agricoles</i>, n° 365, mars 2010 ; Collectif Arvalis - Inst. du végétal, Choisir et décider 2012 - Variétés et traitements d'automne - Centre, Île-de-France, Limousin.</p> <p>(5) Borowiec N., Thaon M., Brancaccio L., Warot S., Risso S., Bertoncello E., Quacchia A., Ris N., Malausa J.-C., Lutte biologique contre le cynips du châtaignier. <i>Phytoma</i>, n° 662, mars 2013.</p> <p>(6) Giffard H., Mamet O., Biodiversité florale et pression des ravageurs en vergers de pommiers. AFPP, 9e Cira, oct. 2011.</p> <p>(7) IFV s/d. Sentenac G., La faune auxiliaire des vignobles de France. Ed. F. A.. 2011.</p> <p>(8) Decante D., Van Helden M., Intra-plot distribution of the Green Leafhopper <i>Empoasca vitis</i> in a Bordeaux vineyard. <i>IOBC/WPRS Bull.</i> Vol. 26 (8) : 181-188. 2003 ; Decante D., Van Helden M. Population ecology of <i>Empoasca vitis</i> and <i>Scaphoideus titanus</i> in Bordeaux vineyards : Influence of migration and landscape. <i>Crop Protection</i> 25 (7) : 696-704. 2006.</p> <p>(9) RCI = régulateurs de croissance d'insectes. Exemples : flufénoxuron, fénoxycarbe, lufénuron...</p> <p>(10) Camus A., Bernard J.-L., Granval P., Gestion des bords de champs cultivés. Agriculture, faune sauvage et environnement. Office national de la chasse et Zeneca-Sopra, sept. 1999 ; Bertrand J., Agriculture et biodiversité, un partenariat à valoriser. Educagri Éditions, 2001 ; Ythier E., Bernard J.-L., Flore des bordures, pucerons et auxiliaires en culture betteravière. <i>Phytoma</i> n° 556, janv. 2003.</p> <p>(11) Petit K., Wateau K., Legrand M., Oste S., Quels dispositifs employer pour favoriser la faune auxiliaire des cultures ? AFPP, 4e Conf. int. méth. altern., Lille, 2011.</p> <p>(12) Ferre A., Hebbinckuys T., Plantes-pièges contre les aleurodes, <i>Phytoma</i> n° 661, fév. 2013.</p>

L'article sur la lutte directe est déjà paru dans Phytoma

Cet article fait suite à un premier texte consacré à la lutte directe contre les ravageurs, paru dans Phytoma n° 675 de juin-juillet 2014, p. 9 à 14. Ces deux articles proviennent d'un exposé de Jean-Louis Bernard lors de la séance du 9 avril 2014 de l'Académie d'agriculture de France.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Cet article est composé de larges extraits d'une intervention de l'auteur lors de la séance du 9 avril 2014 de l'Académie d'agriculture de France. Il s'agit de la partie abordant la lutte indirecte contre les ravageurs.

La partie sur la lutte directe a été traitée dans un précédent article publié dans Phytoma n° 675 (juin-juillet 2014).

PANORAMA - Les moyens de lutte (ou plutôt de protection) indirecte, sont par nature préventifs.

Les mesures agronomiques sont de type adaptation de l'assolement, de la rotation et des dates de semis (pour les cultures assolées).

La résistance ou tolérance variétale est envisagée contre des nématodes et insectes.

L'aménagement du paysage est possible dans la parcelle (enherbement des cultures pérennes, forme et taille sur toutes cultures) et autour (haies, talus, bords de champs, bandes enherbées ou fleuries, Trames verte et bleue, abris à insectes...). Ces pratiques relèvent de la lutte biologique par conservation (les autres formes de lutte biologique, qu'il s'agisse de lâchers massifs ou inoculatifs, étant de la lutte directe).

Les plantes-pièges (dans et hors des cultures) et couverts d'interculture peuvent avoir des visées antiravageurs.

Pour ces quatre types de pratiques, des exemples sont donnés avec leurs intérêts et leurs limites. Les évolutions sont signalées.

MOTS-CLÉS - Ravageurs, insectes, nématodes, maladies à vecteurs, moyens de lutte indirecte, évolution, prévention, agronomie, rotation, assolement, date de semis, résistance variétale, lutte biologique par conservation, paysage, aménagement, haies, bandes enherbées, bandes fleuries, plantes-pièges, couverts d'intercultures.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEUR : *J.-L. BERNARD, membre de l'Académie d'agriculture de France.

CONTACT : jlbernard.gif@orange.fr

BIBLIOGRAPHIE : - Intégrée dans les notes en bas de page.

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