Sur le métier

Jérôme Ginet traque les résidus phytos et les mycotoxines

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°676 - août 2014 - page 48

Responsable de l'unité contaminants chez Eurofins, à Nantes, Jérôme Ginet est le chef d'orchestre d'une équipe de vingt-cinq personnes. Ses missions ? Conseiller les clients sur la pertinence des résidus phytos ou mycotoxines à rechercher dans leurs matières premières ou produits finis, gérer en temps et en heure l'analyse de 50 000 échantillons par an et veiller en permanence sur les alertes contaminants et l'évolution des LMR.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

À 38 ans, Jérôme Ginet est responsable de l'analyse des contaminants, principalement mycotoxines, résidus pesticides et métaux lourds, chez Eurofins, à Nantes. Ce groupe est leader mondial de l'analyse de produits alimentaires et pharmaceutiques avec 15 000 collaborateurs dans 190 laboratoires et 36 pays. La filiale France dispose de quatre unités d'analyses : authenticité des produits, nutrition, biologie moléculaire et contaminants. « Je reçois près de 50 000 échantillons par an pour analyse de contaminants, soit une moyenne de 200 par jour, explique Jérôme Ginet. La moitié est réalisée sur place et le reste dans d'autres laboratoires du groupe Eurofins selon le contaminant recherché ; les résultats nous reviennent ensuite pour que nous les validions avant de les remettre aux clients. »

En direct avec les clients

« Ma mission est de gérer les vingt-cinq personnes de l'unité pour mettre en œuvre les moyens nécessaires afin de satisfaire nos clients en termes de délai d'analyses et de qualité de la prestation et du conseil. »

Son expertise en matière de contaminants lui permet de rester en contact direct avec ses clients pour prendre en compte leurs besoins, leur apporter des conseils sur la pertinence des analyses à demander, mais aussi sur l'interprétation des résultats.

« Environ 80 % de l'activité concerne l'alimentation humaine et 20 % l'alimentation animale », souligne-t-il.

Mycotoxines dans céréales, épices, café

Focus sur les mycotoxines et les résidus phytos. Ceux-ci représentent pas moins de 25 000 analyses par an dont 12 000 réalisées à Nantes : 10 000 en mycotoxines et 2 000 en résidus phytos. « En mycotoxines, les organismes stockeurs, qui réalisent maintenant eux-mêmes leurs analyses de céréales avec des tests Elisa, ont fait place à d'autres clients comme la GMS notamment, et à de nouvelles matrices comme les épices et le café suite à la nouvelle réglementation concernant l'ochratoxine A. » Autres tendances : la plupart des analyses concernent les produits céréaliers, et les ingrédients et produits finis sont majoritaires. « Avant que l'échantillon n'arrive au laboratoire, si besoin, je détermine avec le client le type de mycotoxines à analyser en fonction de la composition du produit, de sa provenance... Plus un produit comporte d'ingrédients, plus la recherche est large. » Les aflatoxines sont les plus recherchées (2 500 analyses/an), suivies du Don(1) (2 000), de l'ochratoxine (1 000 environ), de la zéaralénone...

Des résultats validés

Pour ne pas passer à côté d'un nouveau contaminant, notamment sur les produits importés, notre expert suit de près le système d'alerte rapide européen pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux (RASFF). Une fois l'analyse terminée, trois personnes de l'équipe sont chargées de valider la cohérence des résultats. Le rapport d'analyse indique alors les quantités de mycotoxines détectées et la conformité de l'échantillon par rapport à la réglementation européenne (sauf si l'usage de la matière première analysée n'est pas connu) ou par rapport au cahier des charges que le client doit respecter. Le rapport lui est envoyé par e-mail. Sept jours en moyenne se sont alors écoulés depuis l'arrivée de l'échantillon. En cas de résultats non conformes, le client est aussi alerté par téléphone. « Dans tous les cas, ils peuvent nous recontacter si besoin. »

Pesticides, analyses multirésidus

En matière de résidus de pesticides, Nantes s'est spécialisé dans l'analyse de fruits et légumes frais pour répondre à une demande locale de producteurs, coopératives et GMS. « Cette proximité est indispensable pour leur donner un résultat sous 48 heures, précise Jérôme Ginet. Les producteurs en ont besoin pour déclencher la récolte ou encore pour orienter la production vers tel ou tel client selon les contraintes indiquées dans le cahier des charges. »

L'analyse multirésidus réalisée en routine sur tous les échantillons permet de rechercher 550 molécules en une seule fois et maîtriser ainsi les coûts. « S'y ajoutent ensuite des analyses monorésidus pour des cas spécifiques comme l'étéphon dans l'ananas, l'hydrazine maléique (antigerminatif) sur l'ail notamment bio, le chlorméquat chlorure (régulateur de croissance) en céréales bio. »

Les résultats sont ensuite validés par rapport à la réglementation européenne et envoyés aux clients. « Cela nécessite aussi une veille réglementaire quotidienne car en matière de LMR, cela évolue constamment. »

Vers une analyse exhaustive

Que nous réserve l'avenir en matière d'analyses de contaminants ? Depuis 2012, Eurofins s'est engagé dans le projet AgriFoods GPS. Objectif : éviter de passer à côté d'un contaminant qui ne serait pas habituellement recherché comme cela a été le cas pour la mélamine dans le lait en Chine.

« L'idée est de mettre au point une méthode qui détecterait toute contamination chimique d'un échantillon, de façon exhaustive, par comparaison à une référence “saine”. »

Des techniques de pointe seront couplées à la mise en place de bases de données de matrices alimentaires variées (produits laitiers, carnés, céréales, eaux...).

« Il reste encore beaucoup de verrous technologiques à lever », souligne Jérôme Ginet, qui rêve cependant de pouvoir utiliser la méthode d'ici trois ans.

<p>(1) Déoxynivalénol.</p>

BIO EXPRESS

JÉRÔME GINET

1997. DESS de physico-chimie (méthodes analytiques) à Lyon (Rhône).

1998. Entre à Carso, laboratoire d'analyses de résidus phytosanitaires dans l'eau et le sol, à Lyon, et devient rapidement responsable de l'activité d'analyse par chromatographie en phase gazeuse.

2002. Responsable des analyses chimiques de l'activité agroalimentaire du laboratoire LEM à Strasbourg (Bas-Rhin).

2005. Le laboratoire LEM est racheté par Eurofins.

2007. Responsable de l'unité contaminants chez Eurofins à Nantes (Loire-Atlantique), après rapatriement de l'activité du laboratoire LEM sur ce site.

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