Depuis le 11 septembre 2014, la LAAAF, Loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, est adoptée. Nous évoquons ici ses articles 50 à 56 (les n° 21 à 25 bis du projet de loi). Ils concernent directement la santé végétale et les moyens de la protéger.
L'esprit de la loi
Deux axes en protection des plantes
Selon un communiqué du MAAF(1) du 26 juin, les deux axes d'action en matière de protection des plantes sont : « [...] développer les méthodes alternatives comme le biocontrôle et renforcer l'encadrement des traitements. »
Le mot biocontrôle recouvre l'usage de produits phytos(2) de type biocontrôle ainsi que l'apport d'auxiliaires et d'autres pratiques alternatives à l'emploi de produits phytos. L'« encadrement des traitements » tend à décourager l'emploi des produits phytos autres que de biocontrôle.
Article 50 : bio, pub et vigilance
PNPP et biocontrôle définis par la loi
Le premier article concerné est le n° 50 (ex-article 21 du projet). Il définit les PNPP (préparations naturelles peu préoccupantes) et les produits de biocontrôle.
Les premières sont « composées exclusivement » :
de « substances de base » approuvées comme telles par l'Union européenne (au 18 septembre, il y en avait trois : la prêle, le chlorhydrate de chitosane et le saccharose) ;
ou de « substances naturelles à usage biostimulant », qui seront « autorisées selon une procédure fixée par voie réglementaire » pouvant différer de celle des AMM(3) phytos classiques.
Leur procédé de fabrication doit être « accessible à tout utilisateur final ». Pas de brevets ni de secrets !
Les produits de biocontrôle « comprennent en particulier :
– les macro-organismes [pas soumis à AMM] ;
– [les produits phytos] comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et kairomones et des substances naturelles d'origines végétale, animale ou minérale. »
Publicité davantage limitée et encadrée
Ensuite, la loi interdit la publicité commerciale des produits phytos, sauf dans deux cas.
Elle reste autorisée partout pour les produits de biocontrôle « figurant sur une liste établie par l'autorité administrative », appelons-les produits de biocontrôle listés. Elle est possible pour tous les produits phytos dans leurs « points de distribution » aux professionnels et « dans les publications qui leur sont destinées ». Les restrictions (Encadré 1) sont donc levées sur les produits de biocontrôle listés et renforcées sur les autres.
Phytopharmacovigilance, nouveau mot à retenir
Par ailleurs, la loi instaure un dispositif de surveillance des effets indésirables des produits phytos, nommé « phytopharmacovigilance ». Il y aura obligation de signalement à des organismes désignés (un décret est prévu), l'ensemble rapportant à l'Anses.
Articles 51 et 52 : pour l'Anses
L'Anses chapeaute désormais les AMM...
L'article 51 transfère à l'Anses la délivrance des AMM des produits phytos et adjuvants ainsi que leurs modifications et retraits. Le ministre de l'Agriculture peut s'opposer à une décision de l'Anses mais ce doit être par un arrêté motivé. Cela oblige l'Anses à un « nouvel examen du dossier » sous 30 jours durant lesquels la décision est suspendue.
L'Anses doit fournir un rapport annuel au Parlement. Un comité de suivi des AMM est créé et ses PV de réunions « rendus publics ».
...et peut participer aux contrôle
Selon l'article 52, les inspecteurs de l'Anses sont désormais habilités pour effectuer les contrôles chez les fabricants et distributeurs (« production, formulation, emballage et étiquetage ») aux côtés des personnels de l'État déjà habilités pour ce faire.
Article 53 : encadrer les phytos
Restrictions sur les produits : nouveaux lieux
D'après l'article 53, « l'autorité administrative » pourra toujours retirer un produit du marché, restreindre son utilisation ou exiger des conditions particulières.
L'usage des produits phytos – sauf ceux « à faible risque ou dont le classement ne présente que certaines phrases de risque déterminées par l'autorité administrative » – est, depuis 2011 (voir Encadré 1), interdit dans les espaces fréquentés par les enfants (écoles, etc.) et dans les établissements d'accueil de personnes vulnérables (hôpitaux, etc.). Nouveau, il est encadré « à proximité » de ces lieux (notion de proximité pas définie). Il faudra « des mesures de protection adaptée, telles que haies, équipements pour le traitement ou dates et horaires permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables lors du traitement », sinon il y aura distance d'interdiction de traitement.
Tout projet de nouvelle construction de tel établissement à proximité d'exploitations agricoles devra « prendre en compte la nécessité de mettre en place des mesures de protection physique ».
Traçabilité, lutte contre les contrefaçons
La loi précise les règles de traçabilité pour les applicateurs de produits, leurs distributeurs et conseillers, et exige de proposer du biocontrôle et d'informer sur les risques des produits phytos. Par ailleurs, les sanctions en cas de contrefaçons liées aux produits phytos (fabrication, vente, publicité...) sont aggravées.
Quelques assouplissements
La loi Grenelle 2 exigeait un agrément pour appliquer des traitements phytos en prestation de service, sauf pour l'entraide. La nouvelle loi ajoute deux cas de dispense d'agrément :
– intervention sur une petite exploitation (limites définies en référence à l'article L 732-39 du code rural) par un exploitant agricole (qui doit, à titre individuel, avoir son certiphyto) ;
– application uniquement de produits de biocontrôle listés.
Un décret va exempter de certaines obligations les microdistributeurs de produits pour amateurs ou s'ils ne vendent que des PNPP à base de substances de base et/ou des produits à faible risque.
Enfin, les règles d'introduction de macro-organismes pour des tests en milieu confiné sont assouplies.
Articles 54 à 56 : certiphyto, ordonnances
Certiphyto : date limite reportée
L'article 54 reporte la date limite pour obtenir le certiphyto. Ce n'est plus le 1er octobre 2014, mais le 26 novembre 2015.
Articles 55 et 56 : à propos d'ordonnances
L'article 55 autorise l'État à légiférer par ordonnance (sortant, selon les cas, 8 ou 12 mois après promulgation de la loi) pour :
– expérimenter la réduction des utilisations de produits phytos (autres que de biocontrôle) avec les certificats d'économie ;
– modifier les règles d'autorisation des fertilisants ;
– compléter la liste des inspecteurs habilités ;
– modifier le régime des GDON et leurs fédérations ;
– organiser la surveillance en matière de santé végétale.
Enfin, l'article 56 confirme l'ordonnance de 2011 (n° 2011-862 du 11 juillet) organisant l'épidémiosurveillance.
<p>(1) MAAF = ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation et de la Forêt.</p> <p>(2) Phyto = phytosanitaire ou phytopharmaceutique.</p> <p>(3) AMM = autorisation de mise sur le marché.</p>
1 - La loi confirme des tendances
En matière de protection des plantes, plusieurs articles de la Loi d'avenir sont en droite ligne d'une évolution déjà entamée.
Pour la publicité commerciale, la loi Grenelle 2 de 2010(1) imposait déjà des restrictions. Elle interdisait la publicité sous forme « télévisée grand public, radiodiffusée et par voie d'affichage extérieur en dehors de points de vente », mais la laissait autorisée dans la presse grand public écrite (papier et internet) et sur tous les lieux de vente.
Dans les lieux publics, l'application des produits phytos était déjà restreinte voire interdite dans les lieux « fréquentés par le grand public ou des groupes de personnes vulnérables », selon un arrêté ministériel de 2011(2).
La loi du 6 février 2014(3) prévoit d'interdire les produits phytos, sauf UAB et de biocontrôle listés, dans les jardins, forêts et promenades ouverts au public à partir de 2020.
(1) Loi n° 2010-788 du 12/07/2010. Voir « Et la protection des plantes, Grenelle ? », Phytoma n° 636, 08/09 2010, p. 8 à 11.
(2) Arrêté du 27/062011, au JORF du 28/07. Voir « Réglementation, l'État met le(s) paquet(s) », Phytoma n° 648, 11/2011, p. 20 à 23.
(3)Loi n° 2014-110 du 6/02/2014 au JORF du 8. Voir « Produits de biocontrôle... », Phytoma n° 672, 03/2014, p. 16 à 23.
2 - La loi infléchit une tendance
Pour la délivrance des AMM de produits phytos, la LAAF revient sur le principe de séparation des responsabilités d'évaluation des risques et de leur gestion.
Jusqu'en juillet 1993, le ministère chargé de l'Agriculture animait et encadrait la commission des toxiques(1) puis le comité d'homologation, chapeautant ainsi l'évaluation des risques. Puis il délivrait les autorisations des produits, dites « homologations », première étape de la gestion des risques.
Depuis juillet 1993, de par la réglementation européenne(2), on ne peut autoriser un produit que si sa ou ses substances actives sont adoubées au niveau européen après examen de leur dangerosité. Mais jusqu'en 2006, le ministère assurait le reste de l'évaluation des risques et la délivrance des AMM (remplaçant les homologations).
En 2006, la loi d'orientation agricole(3) a confié l'évaluation des risques à l'Afssa(4), la délivrance des AMM restant au ministère chargé de l'Agriculture. Suite à un décret de septembre 2006(5) organisant ce transfert de l'évaluation, la Dive(6) de l'Afssa a été créée pour cela. Le 1er juillet 2010, l'Afssa et l'Afsset(7) fusionnant dans l'Anses(8), la Dive a intégré la DPR(9).
En attribuant la délivrance des AMM à l'Anses, la LAAF rassemble à nouveau évaluation et début de gestion.
(1) Commission d'étude de la toxicité des produits antiparasitaires et assimilés à usage agricole.
(2) D'abord la directive n° 91/414 exigeant que les substances actives soient « inscrites », aujourd'hui le règlement n° 1107/2009 exigeant qu'elles soient « approuvées ».
(3) Article 70 de la loi n° 2006-11 du 5/01/2006.
(4) Agence française de sécurité sanitaire de l'alimentation.
(5) Décret n° 2006-1177 du 22/09/2006, au JORF le 23. Voir Phytoma n° 598, 11/2006, p. 8 à 10.
(6) Direction des intrants du végétal.
(7) Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail.
(8) Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail.
(9)Direction des produits réglementés.