Jessica Thévenot réalise un master 2 professionnel avec le parcours « Expertise faune, flore et gestion du patrimoine naturel » afin de travailler sur le terrain pour réaliser des inventaires naturalistes.
Après trois ans passés dans plusieurs structures, dont l'Institut polaire français Paul-Émile Victor où elle s'intéresse pour la première fois aux espèces introduites, elle quitte le terrain en 2009 pour le Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) à Paris.
« Je suis chef de projet sur les espèces animales invasives au Service du patrimoine naturel (SPN(1)) du MNHN, dans le cadre de la stratégie nationale du ministère de l'Écologie relative aux espèces exotiques envahissantes impactant la biodiversité. »
Une vigilance obligatoire
Au niveau international, les pays doivent limiter les introductions d'espèces problématiques pour la biodiversité, la santé humaine ou l'économie.
« Sur mille espèces végétales introduites, une dizaine se naturalisent et une devient invasive, explique notre spécialiste. Pour les espèces animales, ce pourcentage est plus important. »
Une stratégie européenne découle de cette obligation internationale, avec un nouveau règlement entré en vigueur au 1er janvier 2015. Elle est déclinée au niveau national (la stratégie française est en cours de rédaction). Dans ce cadre, le SPN a été désigné par le ministère de l'Écologie comme coordinateur technique et scientifique de certaines actions concernant les espèces animales invasives problématiques pour la biodiversité.
« Celles impactant l'agriculture sont du ressort du ministère de l'Agriculture. » C'est le cas du brun du pélargonium, papillon dont la chenille se nourrit de géraniums ornementaux.
« À terme, s'il impacte les géraniums sauvages, il pourrait être du ressort du SPN ! »
Identifier l'arrivée de nouvelles espèces
À son arrivée au SPN, Jessica Thévenot a mis en place un réseau d'une soixantaine d'experts (chercheurs, ONG, établissements publics de l'État, bureau d'études...) pour identifier l'arrivée d'espèces invasives continentales.
Pour certaines, comme le frelon asiatique et les vers plats terrestres (ou plathelminthes), le grand public peut également l'aider via les programmes de sciences participatives. Les nouvelles technologies d'analyse viennent aussi à son secours.
« Par exemple, en analysant un échantillon d'eau, on peut trouver de l'ADN d'une espèce invasive et ainsi confirmer sa présence dans le milieu naturel même sans l'avoir vue. »
Évaluer leur impact sur la biodiversité
Identifier, c'est bien. Évaluer la « dangerosité », c'est mieux ! Une des actions phares de la stratégie française est la mise au point d'une méthode de hiérarchisation des espèces introduites pour évaluer leur caractère invasif. Pour l'instant, Jessica Thévenot a travaillé uniquement sur les vertébrés.
« Quatre-vingts espèces introduites sur le territoire ont été retenues pour cette évaluation ; toutes ne sont pas invasives », souligne-t-elle, espérant finaliser cette méthode en 2015.
Proposer des mesures de gestion...
« Une fois leur caractère invasif évalué, il faudra ensuite décider de la manière dont vont être gérées les plus impactantes. Le SPN n'a pas pour rôle de définir ces mesures de gestion, seulement de faire des propositions au ministère de l'Écologie. »
La plupart des espèces invasives sont introduites par le biais d'échanges commerciaux internationaux.
En France, des systèmes de biosécurité pour surveiller le fret existent, mais principalement en milieu insulaire et pas encore en métropole.
« Quand les espèces invasives sont déjà dans le milieu naturel, il est souvent trop tard pour les gérer, souligne-t-elle. Le nouveau règlement européen devrait accélérer la mise en oeuvre de la surveillance aux points d'entrée sur le territoire. »
...et de surveillance du milieu naturel
Après les vertébrés, Jessica Thévenot s'attellera aux invertébrés qui concernent beaucoup plus d'espèces.
« J'aurai certainement plus de contacts avec le monde agricole car ce sont aussi des ravageurs des cultures. »
Avec le concours de son réseau d'experts, elle apporte également un appui aux politiques publiques dans le cadre de la stratégie nationale ou du règlement européen. En partenariat avec la Fédération des conservatoires botaniques nationaux (FCBN), Jessica Thévenot a ainsi élaboré en 2011 une proposition de structuration d'un réseau de surveillance des espèces exotiques envahissantes dans le milieu naturel.
« Celle-ci sera mise à jour au vu des actualités internationales relatives à la thématique. »
Veille interne et communication externe
En tant qu'expert sur les espèces exotiques envahissantes au sein du SPN, elle contribue aussi aux missions internes du service, telles que la veille bibliographique, la mise à jour des fiches et statuts d'espèces pour l'Inventaire national du patrimoine naturel (INPN(2)), la contribution à l'Atlas de la biodiversité départementale... Jessica Thévenot communique sur ce sujet en France mais également à l'étranger. Bref, une mission très riche, qui l'éloigne du terrain, mais qui n'est pas près d'être terminée.
« Des espèces invasives entrent malheureusement tous les jours sur le territoire national », rappelle notre expert.
(1) spn.mnhn.fr(2) inpn.mnhn.fr