DOSSIER - Bonnes pratiques phyto

Réglementation en amont : vers le certiphyto nouveau

MARIANNE DECOIN* - Phytoma - n°693 - avril 2016 - page 12

Le certiphyto concerne les bonnes pratiques avant le traitement. D'abord, faire ce qu'il faut pour l'obtenir est en soi une bonne pratique. Ensuite, ce que l'on y apprend est utile à ces pratiques. Alors, comment va évoluer ce certificat ?
Rinçage intérieur de l'emballage d'un produit phyto. Qu'il soit réalisé à l'aide d'un rince-bidon intégré à l'incorporateur (ci-dessus), ou indépendant (couverture de cette édition), le rinçage des bidons avec incorporation de l'eau de rinçage à la bouillie de pulvérisation est une bonne pratique conseillée lors des formations préparant au certiphyto. Tout comme le port de gants et de tablier adaptés comme ici.  Photo : Adivalor

Rinçage intérieur de l'emballage d'un produit phyto. Qu'il soit réalisé à l'aide d'un rince-bidon intégré à l'incorporateur (ci-dessus), ou indépendant (couverture de cette édition), le rinçage des bidons avec incorporation de l'eau de rinçage à la bouillie de pulvérisation est une bonne pratique conseillée lors des formations préparant au certiphyto. Tout comme le port de gants et de tablier adaptés comme ici. Photo : Adivalor

Tableau 1 : Certiphyto nouveau, ce qui va changer

Tableau 1 : Certiphyto nouveau, ce qui va changer

Tableau 2 : Six ans de certiphytos, point au 1er janvier 2016 (source : FranceAgriMer)

Tableau 2 : Six ans de certiphytos, point au 1er janvier 2016 (source : FranceAgriMer)

Les bonnes pratiques phytosanitaires commencent avant les traitements, la réglementation qui les encadre aussi.

Dans ce contexte, cela bouge du côté de la certification des professionnels.

Bientôt, le certiphyto nouveau

Un projet de décret

Cette certification est celle qui conduit au certificat individuel, dit certiphyto. Le plan Écophyto 2 prévoit de rénover ce dispositif créé en 2011(1) dans le cadre du premier plan Écophyto à l'issue d'une expérimentation grande échelle lancée en 2010. Un nouveau décret va modifier des règles : définition des catégories de certiphyto, leur durée, modes d'obtention et de renouvellement.

Lors de la journée réglementation de l'AFPP(2) le 8 mars, Vincent Busson, de la DGER du MAAF(3), a donné les grandes lignes du projet qu'il était prévu de soumettre au conseil d'État.

Un nombre réduit de catégories

Activité « vente » : une seule catégorie

Tout d'abord, le nombre de catégories de certiphyto devrait passer de neuf à cinq (Tableau 1). Le tout à l'intérieur des trois mêmes types d'activité : « conseil », « mise en vente/vente » et « application », toujours « à titre professionnel », bien entendu. Les deux catégories concernant la mise en vente/vente seraient regroupées : que la vente soit aux professionnels ou aux amateurs, il n'y aurait plus qu'un seul certiphyto.

Attention, la vente aux amateurs ne va pas disparaître ! Le certiphyto continuera à être exigé pour la vente de produits phyto EAJ (emplois autorisés dans les jardins).

Certes, en 2019, il ne sera plus possible de vendre aux amateurs des « pesticides chimiques », autrement dit des produits phyto (= phytopharmaceutiques) à effet pesticide qui soient issus de la synthèse chimique. Mais il restera les produits « bio », ce sera détaillé plus loin.

Or, le fait qu'un produit soit « bio » ne dispense pas et ne dispensera pas le vendeur du certiphyto. Nous y reviendrons, mais il est utile de le signaler dès à présent.

Activité « application » : six catégories initiales

L'activité d'application des produits phyto voit les regroupements les plus importants, malgré l'éclatement d'une catégorie ! Expliquons-nous.

Depuis 2011, il y a en effet six catégories de certiphyto pour l'application, dans trois secteurs différents : deux en exploitation agricole, deux en collectivités territoriales et deux en « travaux et services ». Pour chaque secteur, il existe une distinction entre :

- le décideur (dit « applicateur » en collectivité territoriale) qui choisit les produits et les achète puis décide du lieu, du moment et des moyens de l'application, qu'il la réalise ensuite ou la délègue à un subordonné ;

- l'opérateur ou applicateur opérationnel qui réalise l'application sous la surpervision d'un décideur (voir Tableau 1).

Bientôt trois catégories

Cette distinction perdurera, mais :

- du côté opérateur/opérationnel, les trois certiphytos seraient regroupés ; quel que soit le secteur (agricole, municipal, autre), le degré de responsabilité et l'exigence de compétence et de conscience des précautions à prendre sont proches ;

- du côté des décideurs, il est prévu deux catégories et non plus trois, la distinction se faisant non plus selon le secteur (agricole, collectivités territoriales...) mais selon le statut de l'entité employeuse, prestataire de service titulaire de l'agrément phyto ou non.

Ce changement pousse à éclater la catégorie des certiphytos « décideurs en travaux et services » en deux sous-ensembles :

- l'un formant une catégorie à part ;

- l'autre rejoignant les anciens certificats « décideur en exploitation agricole » et « applicateur en collectivités territoriales » dans une catégorie unique (Tableau 1).

Fini le fourre-tout

La catégorie qui éclate est celle des « travaux et services ». C'est une bonne idée. En effet, cette catégorie actuelle regroupe tous les applicateurs professionnels qui ne travaillent pas en exploitation agricole et ne sont pas agents de collectivités territoriales.

On y trouve ainsi :

- des salariés d'ETA (entreprises de travaux agricoles), d'entreprises paysagistes et autres entreprises pratiquant des traitements phyto en exploitations agricoles ou en zones non agricoles (y compris pour des collectivités territoriales) dans un cadre de prestation de service (facturation à un client de l'entreprise)...

- mais aussi des salariés pratiquant des traitements phytosanitaires hors cadre prestation de service pour tout employeur qui n'est ni exploitant agricole ni collectivité territoriale ; ces salariés peuvent être jardiniers de domaines privés, membres d'équipes d'entretien de terrains de sports privés, de l'emprise de ports, aéroports, sociétés d'autoroutes, entreprises, etc.

Dans le cas de l'activité en prestation de service, l'entreprise doit être elle-même certifiée et titulaire d'un agrément (comme pour le conseil et la distribution). Dans l'autre cas, seul un certiphyto de décideur est exigé (ainsi que des certiphyto d'opérateurs pour chacun des éventuels subordonnés réalisant des traitements).

L'expérience depuis 2011 a montré que les compétences requises étaient différentes dans le cas d'une prestation de service-agrément d'une part, et d'activités extérieures à ce cadre d'autre part.

Sans vouloir critiquer quiconque - car qui sommes-nous pour juger ? -, la catégorie « travaux et services » était un brin fourre-tout. S'y mêlaient des réalités, compétences et besoins en formation différents, du moins au niveau des décideurs. La décision de la fractionner en deux est logique.

Regrouper les « décideurs sans prestation »

Ensuite, le choix a été fait de regrouper tous les décideurs non-prestataires. Les lois, les restrictions, les matériels, les produits, les précautions à prendre se ressemblent.

Il faut se souvenir que la mise à part de l'agriculture d'une part et des collectivités territoriales d'autre part étaient en fait dues à deux particularités :

- pour les collectivités territoriales, un décalage de mise au point des certiphytos (arrêtés permettant de démarrer les opérations pour les obtenir publiés le 23 février 2012 au lieu du 22 octobre 2011 pour les autres catégories de certiphyto) ; ce décalage n'est plus qu'un souvenir ;

- pour l'agriculture, la durée de validité du certiphyto était de dix ans au lieu de cinq ans dans les autres secteurs, ce qui obligeait à placer ces catégories à part ; cette particularité a fait son temps.

Durée de validité

Bientôt cinq ans pour tous

Désormais, tous les certiphytos auront une validité de cinq ans.

En fait, l'octroi d'une validité de dix ans en agriculture semble avoir été une concession des pouvoirs publics face à une certaine méfiance - non, une méfiance certaine ! - du monde agricole. Mais, à la suite de l'obtention du certiphyto par la plupart des agriculteurs à temps plein (voir Tableau 2), les échos ont été positifs. Des demandes de formation supplémentaires ont souvent été formulées...

Bref, les agriculteurs ayant essayé le certiphyto l'ont adopté. Le réactualiser tous les cinq ans ne leur fait plus peur.

Les anciens restent valables

Quoi qu'il en soit, cela nous a été confirmé : les certiphytos en cours de validité à l'heure actuelle gardent toutes leurs caractéristiques.

En particulier, tout certiphyto agricole (décideur ou opérateur en exploitation agricole) reste et restera valable dix ans à compter de sa date d'acquisition - donc jusqu'en 2020 pour un certiphyto acquis durant l'expérimentation 2010 (on se souvient que le décret de 2011 a octroyé la validité à ces certificats obtenus auparavant par les pionniers, essuyeurs de plâtre du système).

En attendant le décret...

Autre point : tant que le futur décret puis ses arrêtés d'application ne sont pas publiés, les anciennes dispositions restent valables. Cela a été clairement dit le 8 mars.

Concrètement : tout certiphyto pour l'application en exploitation agricole obtenu durant le premier trimestre 2016 ou qui le sera avant la sortie des futurs textes sera et restera valable dix ans.

Obtention et renouvellement, nouvelles règles

Première obtention : toujours les trois mêmes voies, mais...

Par ailleurs, le futur décret doit revenir sur les conditions de première obtention et de renouvellement du certiphyto.

Concernant la première obtention, il y aurait toujours trois voies d'accès au choix, et les mêmes qu'auparavant :

- être titulaire d'un diplôme figurant sur une liste officielle et obtenu depuis moins de cinq ans;

- réussir un test de connaissances (sous forme de QCM) ;

- suivre une formation.

Formation : étapes de mesure

Du côté de la formation, il va y avoir du nouveau.

En effet, le futur décret prévoit, citons Vincent Busson le 8 mars, qu'il s'agisse de « formation intégrant des étapes de mesure des connaissances acquises ».

Jusqu'ici, la certification de simple présence à la formation suffisait pour obtenir le certiphyto. Désormais, il semble qu'il soit prévu non pas un examen final mais des étapes de mesure, autrement dit une manière de contrôle continu.

Lequel et comment ? Et comment éviter l'agacement de nombreux professionnels à l'idée de se retrouver « sur les bancs de l'école, comme si on était des petits enfants » ? Nous verrons.

Renouvellement : aujourd'hui déjà, des instructions de contenu

Par ailleurs, une note de service du 29 septembre 2015 consacrée aux modalités de renouvellement des anciens certiphytos donne au passage des indications de contenu. Il s'y trouve en particulier une part accrue d'informations à donner sur les méthodes alternatives permettant de diminuer le recours aux produits phyto.

Mais il ne s'agit là que des modalités de renouvellement « à la mode actuelle », bientôt ancienne mais encore valable tant que le décret n'est pas sorti.

Renouvellement : la formation continue bientôt reconnue

Revenons au projet de décret. Il modifie les modalités de renouvellement.

Jusqu'ici, il était prévu via une session de formation (ou un passage de QCM) au terme de la durée de validité du certificat. Une seule étape, donc, un peu couperet. Le futur décret prévoit d'offrir au « professionnel en activité dans une entreprise non soumise à agrément [...] la possibilité de valoriser les actions de formation continues suivies.

Cette prise en compte sera rendue possible via le fonds de formation auquel l'entreprise ou le professionnel est rattaché ».

Ces fonds de formation sont Vivéa pour les agriculteurs et le Fafsea pour les salariés agricoles. Pour les autres professionnels, cela dépend de leur branche professionnelle, justement.

On ne sait pas encore quels types d'actions de formation seront éligibles et par quels organismes de formation (pour la première obtention, il faudra toujours un organisme de formation habilité, même si les habilitations seront davantage régionalisées).

De même, on ne connaît pas les futures règles concernant le délai entre la date d'une formation et la fin de validité du certiphyto pour lequel cette formation compte pour le renouvellement du certificat.

Mais le principe semble acquis, et en lui-même c'est une nouveauté.

(1) Décret n° 2011-1325 du 18 octobre 2011, publié au JORF (Journal officiel de la République française) le 20 octobre 2011, et ses arrêtés d'application. (2) Association française de protection des plantes. (3) Direction générale de l'enseignement et de la recherche du ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt.

Formations : des plus pour ceux que le certiphyto a mis en appétit

Le Phyto Fluo, kit support de formation aux bonnes pratiques. Photo : Bayer

Le Phyto Fluo, kit support de formation aux bonnes pratiques. Photo : Bayer

L'obligatoire certiphyto a connu un succès inattendu sur le terrain, en tout cas chez les agriculteurs. Le principal reproche qui lui est fait est, souvent, de ne pas en avoir appris suffisament, faute de temps !

Résultat : pour de nombreux agriculteurs, un appétit aiguisé, voire retrouvé, pour des formations complémentaires.

Certes, on le sait, les bonnes intentions d'approfondir un sujet au sortir d'une formation ne sont pas toutes suivies d'effet. Le quotidien reprend ses droits... Mais pas de façon totale et définitive. Donnons un aperçu de ce qui est possible.

L'AFPP, Association française de protection des plantes, qui organise des formations d'accès à certains certiphytos, réalise aussi des sessions d'une journée consacrée entièrement au biocontrôle et à la protection intégrée.

Deux ont eu lieu fin 2015. En 2016, une session en mars a affiché complet, deux autres sont programmées en juin et, nouveau sujet, une spéciale « Lutte biologique par conservation » est prévue en mai.

Des instituts techniques ont intégré la réglementation phytosanitaire et les bonnes pratiques dans leur programme.

Ainsi, Arvalis-Institut du végétal, parmi les 170 formations à son catalogue pour 2016 dont, c'est à noter, des tests préparatoires au certiphyto, propose entre autres « Conditions d'application des produits phytosanitaires et optimisation de la pulvérisation » ou encore, « Biocontrôle : de la réglementation aux premières applications en grandes cultures ».

Du côté des fabricants de produits phyto, l'UIPP avait organisé une école des bonnes pratiques avant la création du certiphyto. Désormais, les sociétés fournissent plutôt des outils de formation.

Par exemple, Bayer propose l'atelier pédagogique Phyto'Fluo. Un kit support de formation permet de visualiser les points de projection de bouillie à partir des buses (photo).

Outre les documents papier (voir p. 50) et son outil d'autodiagnostic interactif nommé Phyto'Diag déjà présenté dans Phytoma(1), il a lancé un « jeu des 15 erreurs » pour animer les formations mais aussi fixer les informations reçues. Cela s'appelle la « Chasse aux risques ».

(1) « Outils des bonnes pratiques : place aux "immatériels" », Phytoma n° 683, avril 2015, p. 37 à 39. Évoque la rubrique pulvérisation de Phyto'Diag, nouvelle à l'époque et qui s'ajoutait aux rubriques « stockage des produits, sécurité des utilisateurs », etc.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Après cinq ans d'existence, le certiphyto (certificat individuel phytosanitaire) va être rénové. En l'attente du décret officialisant cette rénovation, un représentant de la DGER du MAAF en a présenté le projet lors de la journée Réglementation organisée par l'AFPP le 8 mars 2016.

PROJET - Les principaux points de ce projet sont :

- le passage de neuf catégories différentes de certiphyto, dont six pour l'application, à cinq catégories, dont trois pour l'application ;

- la durée de validité ramenée à 5 ans pour toutes les catégories (les certiphytos pour l'application en agriculture obtenus avant la sortie du futur décret, donc valables dix ans, le resteront jusqu'à leur prochain renouvellement) ;

- les évolution des formations (thèmes, étapes de mesure des connaissances acquises) ;

- les modalités de renouvellement rénovées, avec la prise en compte de la formation continue.

MOTS-CLÉS - Bonnes pratiques phytosanitaires, réglementation, certiphyto, rénovation, DGER (Direction générale de l'enseignement et de la recherche), MAAF (ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt), AFPP (Association française de protection des plantes).

L'essentiel de l'offre

Phytoma - GFA 8, cité Paradis, 75493 Paris cedex 10 - Tél : 01 40 22 79 85