DOSSIER - Bonnes pratiques phyto

Un dispositif pour confiner et traiter les effluents phyto

CAMILLE ESCOFFIER* ET DANIEL GARCIA* - Phytoma - n°693 - avril 2016 - page 42

Un projet européen a permis de tester l'efficacité d'un futur procédé de traitement des effluents phytopharmaceutiques. Bientôt une dix-huitième reconnaissance ?
1. Cultures de quelques bactéries photosynthétiques du projet Life-Phytobarre. Ces bactéries étaient étudiées au laboratoire du CEA depuis plusieurs années. Elles viennent d'être testées « en pratique ».  Photo : Life-Phytobarre

1. Cultures de quelques bactéries photosynthétiques du projet Life-Phytobarre. Ces bactéries étaient étudiées au laboratoire du CEA depuis plusieurs années. Elles viennent d'être testées « en pratique ». Photo : Life-Phytobarre

Démonstrateur implanté sur une exploitation : 2. EARL Les Lesques (Cucuron, Vaucluse) Photo : LifePhytobarre

Démonstrateur implanté sur une exploitation : 2. EARL Les Lesques (Cucuron, Vaucluse) Photo : LifePhytobarre

Démonstrateur implanté sur une exploitation : 3. Gaec Les Oliviers (Lurs, Alpes-de-Haute-Provence) Photo : LifePhytobarre

Démonstrateur implanté sur une exploitation : 3. Gaec Les Oliviers (Lurs, Alpes-de-Haute-Provence) Photo : LifePhytobarre

Démonstrateur implanté sur une exploitation : 4. Campus Louis Giraud (Carpentras, Vaucluse).  Photo : LifePhytobarre

Démonstrateur implanté sur une exploitation : 4. Campus Louis Giraud (Carpentras, Vaucluse). Photo : LifePhytobarre

Le Laboratoire de bioénergétique cellulaire (CEA/BIAM) a développé, en collaboration avec les établissements Barre, à Clairac (Lot-et-Garonne), un dispositif qui permet de confiner et traiter les effluents phytopharmaceutiques.

Première étape du travail

Du laboratoire à l'installation pilote

Ce dispositif se compose d'une station de récupération et d'un procédé biologique de traitement des effluents.

Ce procédé met en jeu un consortium de bactéries photosynthétiques sélectionnées, se développant dans des bassins de lagunage non ventilés contenant les effluents, et capables de les dégrader.

Des essais en laboratoire ont prouvé l'action des bactéries, en comparant l'évolution d'un effluent ensemencé en bactéries et celle d'un effluent témoin, dans les mêmes conditions d'évaporation de l'eau et d'exposition à la lumière. Vu ces résultats probants, une installation pilote a été installée dans une exploitation agricole à Clairac.

Les activités multiples (blé tendre, épeautre, soja, tournesol, luzerne, fruits à noyau) de cette exploitation constituaient, vu la diversité des produits employés (fongicides, insecticides, herbicides), un champ d'expérimentations suffisamment varié.

Tout premiers résultats

Les analyses faites sur une année culturale ont montré un abattement de la charge polluante initiale supérieur à 90 %. Ce résultat a conduit à l'élaboration d'un projet accepté et financé par l'Instrument financier pour l'environnement - Life - de l'Union européenne : le projet Life-Phytobarre.

Il associe quatre partenaires : l'Institut de biosciences et biotechnologies Aix-Marseille (Biam, ex-Ibeb du CEA), les établissements Barre, le Laboratoire d'études des sciences de l'art (Lesa) de l'université Aix-Marseille (AMU) et la station expérimentale arboricole La Pugère, à Mallemort (Bouches-du-Rhône).

Ce projet vise à évaluer l'efficacité de ce traitement des effluents phytopharmaceutiques et à accompagner la mise en place de nouveaux usages pour les agriculteurs. Le procédé associe deux technologies : le traitement biologique issu des recherches menées sur les bactéries photosynthétiques dans le laboratoire du CEA (photo 1) et une structure légère et modulable qui l'accueille, développée par les établissements Barre.

Bactéries et structure d'accueil associées

Photosynthétiques et aquatiques

Le traitement biologique consiste en l'action combinée de différentes souches de bactéries photosynthétiques ayant la capacité de s'adapter à des environnements contaminés et de s'y développer.

Ces bactéries, issues de l'environnement et non modifiées, sont dites photosynthétiques car elles tirent leur énergie de la lumière, par photosynthèse. Elles utilisent les molécules des produits phytopharmaceutiques issues des fonds de cuves et du lavage des appareils de traitement. Leur milieu naturel est l'eau, en particulier les lagunes peu profondes.

Conception d'une structure d'accueil

C'est dans ce sens qu'a été développée par les établissements Barre une structure pour contenir les effluents et les bactéries qui les dégradent. Cette structure (en général, trois bassins en cascade), connectée à une station de lavage qui collecte les effluents, est surdimensionnée par rapport au volume estimé d'effluents annuels (Figure 1). Ceci présente deux avantages :

- la gestion des crêtes d'effluents, en saison de traitement ou en cas d'accident (débordement, etc.), ce qui sécurise le système ;

- la capacité de recevoir d'une année sur l'autre de nouveaux effluents sans besoin de vidange, l'évaporation continue de l'eau des bassins compensant les apports.

Quatre démonstrateurs

Des démonstrateurs ont été mis en place dans quatre exploitations de la région PACA. Le but était d'évaluer l'efficacité du traitement sur différents types de cultures et d'environnements.

Le premier est situé chez un des partenaires du projet, la station de La Pugère. Servant de site d'expérimentation, il n'est pas représentatif du format prévu pour le futur développement du procédé. Les trois autres démonstrateurs sont implantés et utilisés en routine dans des exploitations situées dans la région PACA (photos 2 à 4).

La diversité de ces exploitations permet de tester l'efficacité du procédé sur des produits utilisés en arboriculture, viticulture, maraîchage et grande culture : plus de 140 à ce jour ! De plus, elle met en avant la plasticité de la structure, qui peut comporter trois à quatre bassins avec des volumes totaux allant de 6 à 20 m3, selon les besoins.

La diversité des sites permet aussi d'évaluer dans une certaine mesure l'influence du climat sur l'efficacité du procédé.

Tests réalisés

Évaluation de l'efficacité épuratrice

Les démonstrateurs sont ensemencés au début de chaque saison culturale par un consortium de bactéries sélectionnées et cultivées au laboratoire.

L'efficacité sur la dégradation des produits est évaluée à partir d'analyses réalisées régulièrement dans les différents bassins de traitement par un laboratoire agréé. Ces analyses permettent de quantifier la charge polluante séquestrée dans les bassins et son évolution en cours d'année culturale.

Ainsi, sur un site pratiquant l'arboriculture et la viticulture, la quantité totale de molécules actives dans le dispositif a varié de 197 g au plus fort de la saison 2014 (août) à 17 g en janvier 2015, soit un abattement de 91 %. Sur une autre structure, l'abattement est de 85 % entre juin 2014 et janvier 2015.

Évolution des bactéries

Des contrôles sont effectués régulièrement pour apprécier l'évolution de la population bactérienne issue des ensemencements. Ils ont montré que la population bactérienne varie en fonction de la composition de la charge polluante, différente selon les exploitations et la période de l'année.

Aussi, afin de conserver l'efficacité du consortium de bactéries, les bassins sont réensemencés chaque année en début de saison de traitement.

L'utilisation de ce cocktail de bactéries dans un procédé de traitement d'effluents phyto est l'objet d'une demande de brevet.

Travaux en cours

Reconnaissance bientôt demandée

Le projet Life-Phytobarre, débuté en octobre 2013, finira en décembre 2016. Forte de l'expérimentation, une demande d'agrément du procédé sera soumise au MEEM en 2016. Ce projet comporte aussi des parties communication et sociologique visant à aider le développement de la technique.

Partie communication

Le Lesa réalise la partie communication en trois films documentaires :

- présentation de la démarche, la construction des stations pilotes et les questions du monde agricole sur la gestion des effluents ; film disponible sur le site internet du projet (voir « Lien utile » ci-dessous) ;

- film historique sur les raisons et manières d'utiliser les produits phytosanitaires de la fin de la Seconde Guerre mondiale au début des années 1970 ;

- résultats du projet, retours d'expérience des agriculteurs utilisant les stations pilotes et pistes d'avenir en termes de pratiques de gestion des effluents, mais aussi, en amont, d'usage des produits.

Ces deux derniers films seront disponibles en fin d'année 2016.

Partie sociologique

Un suivi sociologique de la démarche vient appuyer la partie communication.

Au travers d'entretiens ciblés avec des exploitants agricoles et agents de l'administration en charge de la réglementation, il offre des éléments de compréhension des pratiques agricoles en la matière, des rapports générationnels au métier, des niveaux de prise de conscience des questions environnementales au sein de la profession agricole. Les rapports sur ce travail sont disponibles sur le site du projet.

Déjà sur le net

L'état d'avancement du projet Life-Phytobarre et les éléments techniques de compréhension du procédé sont accessibles sur le site internet. Au-delà du procédé technique et de la mise au point d'un système voulu simple, robuste, facile d'entretien et efficace, ce projet, par ses volets communication et sociologique, cherche aussi à ouvrir un espace de discussion sur le traitement des effluents phyto, à la croisée de sujets sensibles (environnement, pesticides, santé...).

Fig. 1 : Principe des bassins en cascade de traitement des effluents phytopharmaceutiques

Le parti pris du procédé est de simplifier au maximum le traitement des effluents phytopharmaceutiques pour les exploitants agricoles.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Ayant étudié la capacité de bactéries photosynthétiques à dégrader les polluants, le CEA les a testées sur des effluents phytopharmaceutiques. Puis il a lancé le projet européen Life-Phytobarre avec des partenaires.

TRAVAIL - Les établissements Barre, partenaire du projet, ont élaboré une structure de bassins en cascade modulable. Un prototype a été testé à la station de La Pugère, autre partenaire du projet, et trois chez des exploitants. Tous ont été ensemencés avec des bactéries photosynthétiques naturelles préalablement sélectionnées au CEA.

RÉSULTATS - Ces dispositifs permettent une réduction de charge polluante d'environ 90 %. L'eau du résidu de lagunage étant ensuite soumise à évaporation, la vidange des fonds de bassin n'est pas nécessaire. Une demande de reconnaissance officielle du procédé sera déposée en 2016.

Le projet inclut la réalisation de films et une étude sociologique.

MOTS-CLÉS - Bonnes pratiques, effluents phytopharmaceutiques, traitement des effluents, bactéries photosynthétiques, biodégradation, lagunage, Life-Phytobarre.

POUR EN SAVOIR PLUS

AUTEURS : *C. ESCOFFIER, *D. GARCIA, Laboratoire de bioénergétique cellulaire, Institut de biosciences et de biotechnologies d'Aix-Marseille (BIAM) UMR 7265 CNRS/CEA/Aix-Marseille université - CE Cadarache Bat 177, F13108 Saint-Paul-lès-Durance.

CONTACT : daniel.garcia@cea.fr

LIEN UTILE : www.lifephytobarre.eu

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